La cité turque, sise au carrefour de deux continents, voit se mêler l’histoire et le contemporain. Balade dans une ville toujours en mouvement.
“Istanbul est un endroit très important et l’a toujours été. Combien de personnes vivaient à Paris au XIIe siècle, par exemple ? Même pas la moitié du nombre qu’il y avait à Istanbul. De nombreuses civilisations ont vécu ici en même temps. Istanbul a toujours été une ville importante. C’est ma ville, l’endroit où je prends mon souffle. C’est suffisant.” C’est par ces mots que le photojournaliste Ara Güler, Turc d’origine arménienne, décrit la ville qui l’a tant célébré et qu’il a tant magnifiée en retour.
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Celui que l’on surnommait “L’Œil d’Istanbul” (mort en 2018 à l’âge de 90 ans) représente cette ville séparée par le Bosphore comme personne. Une exposition lui est d’ailleurs consacrée au musée d’Art moderne d’Istanbul jusqu’à l’automne 2019. L’occasion de découvrir une partie de son travail photographique, réalisé dans de nombreux quartiers de la ville, dont certains, aujourd’hui plébiscités pour leurs monuments ou leur ambiance, ont gardé leur âme d’antan.
Il est difficile de résumer cette ville unique en son genre, située sur les rives européennes et asiatiques, avec sa vie trépidante, remplie de monde, et son dynamisme qui font que l’on a toujours l’impression que quelque chose s’y passe.
Un entre-deux singulier
Pour découvrir au mieux Istanbul, il faut réussir à prendre de la distance vis-à-vis de cette société en proie à des changements politiques et culturels, toujours en évolution et en ébullition, avec sa jeunesse tournée vers l’extérieur, mais qui s’active pour changer les choses en son sein. Un changement qui s’opère en douceur deux ans après une série d’attentats qui avait transformé la cité en quasi-ville fantôme – le tourisme y avait d’ailleurs chuté de plus de 30 %. Aylan, une jeune trentenaire stambouliote, propriétaire d’une friperie (Rag’N Roll Vintage) dans le quartier coloré de Fener, sur les hauteurs de la ville, nous explique : “Après la peur et la détresse, un renouveau apparaît. On le constate avec les jeunes qui investissent des quartiers qui étaient moins prisés auparavant et y ouvrent de nouveaux lieux.”
La vie a repris ses droits. On peut le voir dans le quartier de Sultanahmet, où les touristes se bousculent devant le trio magique que forment la Mosquée bleue, le palais de Topkapi et Sainte-Sophie. Mais pour vraiment découvrir le poumon d’Istanbul et ressentir ce qui la caractérise le mieux, il faut aller du côté de Beyoglu, district millénaire aux quartiers en plein mouvement, comme Karaköy et Cihangir, perchés sur une colline et qui n’étaient pas aussi fréquentés il y a trente ans de cela. Là, des centaines de chats, symboles de la ville, ont l’air de s’être donné rendez-vous.
Le renouveau de la ville se joue aussi du côté de Bomonti, où une ancienne brasserie a été transformée en complexe géant avec des bars qui accueillent des concerts de rock (Babylon), un espace d’art multidisciplinaire (Alt), le musée d’Ara Güler inauguré en 2018, et un nombre conséquent de restaurants aussi bien pour manger turc dans un décor romantique (Kiva) que des burgers dans une ambiance plus moderne et occidentale (The Populist).
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Plus loin que le Bosphore
Cependant, pour avoir vraiment l’impression de sortir des sentiers battus, il faudra aller visiter l’une des plus anciennes églises byzantines de la ville, Saint-Sauveur-in-Chora, dans le quartier d’Edirnekapi. Puis, descendre à Fener et Balat, l’autre quartier coloré dont la réhabilitation est réalisée sous l’égide de l’Unesco, qui longe la Corne d’Or et fut historiquement grec et juif, l’ancien lycée grec et quelques synagogues en activité le démontrent. En proie à la gentrification – cafés à la déco vintage et friperies se bousculent, sans oublier l’art contemporain (The Still) –, il attire désormais des touristes plus aventureux qui n’hésitent pas à s’excentrer pour en prendre plein la vue, jusqu’à finir au café Pierre Loti, d’où elle est imprenable. L’endroit rend hommage à l’écrivain français qui fit d’Istanbul sa première source d’inspiration.
Enfin, pour sentir l’âme militante de la ville, il faut aller du côté de Besiktas, non loin des universités. Le quartier est connu pour son marché aux poissons, son équipe de foot et ses nombreux palais, notamment celui de Dolmabahçe, construit au XIXe siècle et ancienne résidence de nombreux sultans. Là-bas, on mange chez Karadeniz Döner, l’un des meilleurs döners de la ville, qui se mange sans sauce ni frites puisque la viande se suffit à elle-même. Sans oublier la rive asiatique, de Kadiköy à Moda, à la réputation plus calme, mais où s’installent de plus en plus de vingtenaires et trentenaires turcs qui la rendent plus vibrante.
Que ce soit pour manger un simit (pain au sésame), se cultiver, boire des verres sur un des très nombreux rooftops que la ville compte, ou encore randonner sur les îles des Princes alentour, Ara Güler avait entièrement raison : Istanbul est une ville importante, et l’histoire la célèbre quotidiennement.
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