Le décès de l’acteur David Carradine a filé un gros coup de flip aux nostalgiques de Kung Fu comme aux adeptes du jeu du foulard. Petite généalogie des morts célèbres dans des positions embarrassantes.
Toutes les études le confirment : faire l’amour est bon pour la santé. Pourtant, il arrive que le corps se rebiffe, que le coeur lâche ou qu’un vaisseau ne résiste pas à l’augmentation du rythme cardiaque occasionnée par l’acte copulatoire. Et puis c’est comme le sport : mal pratiqué, surtout pour les amateurs, le sexe peut être dangereux.
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En France, depuis 1974 et la mort du cardinal Jean Daniélou chez une prostituée de la rue Saint-Denis, mourir en plein orgasme a un nom : “épectase”. Par pure ironie. Car ce terme religieux désigne normalement “un progrès de l’homme vers Dieu”. Mais l’Eglise de France, soucieuse de la réputation de son berger égaré, avait cru bon d’annoncer dans un communiqué que monseigneur Daniélou était mort “dans l’épectase de l’Apôtre”. Le mot fut bien sûr repris par Le Canard enchaîné…
L’épectase, bien que rare (ou cachée), existe donc. Mais est-elle bien souhaitable ? Evidemment, mourir de plaisir peut être une tentation – après tout, agoniser dans une pièce blanche sentant l’éther avec plein de tuyaux dans le corps et entouré d’infirmières débordées n’est un sort guère enviable !
Bon nombre d’artistes et de cinéastes ont été travaillés par ce fantasme : François Truffaut dans La Femme d’à côté (Fanny Ardant tue Depardieu puis se suicide alors qu’ils font l’amour), Pedro Almodóvar dans Matador (une tueuse en série exécute ses amants en plantant une banderille dans leur nuque pendant le coït), Marco Ferreri dans La Grande Bouffe (où Ugo Tognazzi meurt en plein orgasme), ou même, en remontant plus loin, Lubitsch dans Le ciel peut attendre (où le héros meurt en flirtant avec sa jolie infirmière).
Chacune de ces morts renvoie à un autre fantasme : celui de la mante religieuse, qui dévore son amant consentant pendant l’acte de reproduction. L’extase et la mort mêlées, Eros épousant Thanatos… Les quelques anecdotes édifiantes qui suivent, toutes véridiques, devraient vous permettre de faire votre choix : mourir en jouissant ou ne pas mourir en jouissant. Voilà la question.
Le noeud qui tue
Certains jeux sexuels peuvent être dangereux si l’on n’est guère habile. Prenez David Carradine, la dernière victime du “jeu du foulard” (interdit dans nos écoles). Le 4 juin dernier, une femme de chambre découvre l’acteur américain pendu dans sa suite de l’hôtel Nai Lert Park, à Bangkok, où il réside pendant le tournage du nouveau film de Charles de Meaux, Stretch.
Très vite, après des rumeurs de suicide, la police thaïlandaise conclut à un “accident auto-érotique”. En effet, le fils du grand John Carradine (l’un des acteurs fétiches de John Ford), immortalisé par la série seventies Kung Fu et ses aphorismes zen, a été retrouvé dans une position singulière : “Une corde était attachée autour de son cou et une autre à son organe sexuel et les deux étaient reliées ensemble et accrochées à la penderie. Dans ces circonstances, nous ne pouvons pas être sûrs qu’il s’est suicidé, mais il a pu mourir de masturbation”, déclare le général Worapong Siewpreecha de la police métropolitaine de Bangkok, qui ajoute que l’équipe de production du film lui avait indiqué que Carradine avait “bu de la bière du matin au soir le jour précédant celui où on l’a retrouvé mort”.
Boire ou jouir, il aurait dû choisir. L’histoire (ou plutôt le rapport d’autopsie) ne dit apparemment pas si David Carradine a trouvé l’extase avant de mourir. En tout cas, il avait mal réglé ses cordelettes.
Pompe présidentielle
La suractivité est évidemment cause de nombreux accidents. L’abus de sexe peut tuer. L’épectase la plus célèbre de l’histoire de France vient nous le rappeler. Elle est advenue à l’un de ses présidents de la République, Félix Faure, plus connu par sa mort que par son action politique.
Amateur de femmes, connu pour son appétit sexuel, il est l’amant de madame Marguerite Steinheil, dite “Meg”, depuis 1897. Le 16 février 1899, on le retrouve dans le salon bleu du palais de l’Elysée, déshabillé, inanimé et râlant, victime d’un accident vasculaire cérébral (bien avant Jacques Chirac), les mains plantées dans la chevelure d’une Meg nue et hurlante. On est obligé de couper quelques mèches de cheveux à Meg pour lui permettre de se dégager. Félix Faure meurt quelques heures plus tard.
La suite ressemble à une série de bons mots pour chansonniers gâteux. Quand le prêtre, appelé d’urgence, demande à un planton si le Président a toujours sa connaissance, il se voit répondre : “Non, on l’a fait sortir par une porte dérobée.” Le gentil Georges Clemenceau, quand il apprend la nouvelle de la mort de Faure, a ce mot : “Il voulut vivre comme César et il est mort Pompée”, et ajoute : “En entrant dans le néant, il a dû se sentir chez lui.”
Quant à Marguerite Steinheil, qui défraiera de nouveau la chronique quelques années plus tard à l’occasion du crime inexpliqué de son mari et de sa mère, elle est très vite surnommée “la pompe funèbre”. On aime les jeux de mots, chez nous.
Une parole de trop
Si jouir, c’est ouïr, trop parler pendant l’amour peut avoir des conséquences mortelles. Il faut en tout cas savoir choisir ses mots. Le 28 février 2005, à Genève, le banquier suisse Edouard Stern, 51 ans, descendant d’une grande famille de la finance, associé de la banque Lazard de 1992 à 1997, est retrouvé mort, étendu sur son lit, tué de quatre balles de revolver dont deux ont été tirées dans la tête. Mais c’est surtout sa tenue qui intrigue les enquêteurs.
Edouard Stern porte une combinaison et une cagoule en latex de couleur chair, matière qui permettrait de gommer les traces de coups sur le corps… Sa maîtresse, une sculptrice française de 36 ans nommée Cécile Brossard, est immédiatement suspectée du crime. Depuis quelques années, ils forment un couple terrible et passionné, se quittant et se rabibochant sans cesse, et pratiquent le sadomasochisme.
On arrête Cécile. Elle avoue. Son procès se déroule en juin 2009. Elle raconte alors sa version des faits. Stern lui avait offert un million de dollars quelques mois plus tôt. Mais elle veut le quitter définitivement. Se sentant floué, il tente alors de récupérer l’argent. Ce soir-là, ils se disputent une nouvelle fois au sujet de l’argent. Et tout se termine une fois de plus au lit. Stern a revêtu sa tenue en latex, elle lui a attaché les mains. Elle porte sa tenue noire préférée.
C’est alors que Stern lâche la phrase qui tue : “Un million, c’est cher payé pour une pute.” Ce sont ses derniers mots… Cécile Brossard pète les plombs, s’empare d’un revolver 9 mm et tire une première balle à bout portant dans la tête de son amant. Elle s’enfuit en emportant son fouet et ses bottes dans un sac. Le 18 juin 2009, elle est condamnée à huit ans et six mois de prison. La famille Stern a récupéré son million. Olivier Assayas en a tiré un film, Boarding Gate.
Mauvaise conduite
Il est toujours déconseillé de faire deux choses à la fois. Depuis peu, la loi française interdit par exemple de téléphoner ou de fumer en conduisant. Le grand cinéaste allemand Friedrich Wilhelm Murnau (immortel auteur du Dernier Homme, de Faust, de L’Aurore), l’un des tenants de l’expressionisme allemand, est surtout connu pour son sens du cadrage et de l’espace qui inspirèrent une thèse fameuse à Eric Rohmer.
Mais savez-vous qu’il est mort à la suite d’un accident de voiture survenu en mars 1931, à Santa Barbara, Californie ? Murnau est alors à un tournant de sa carrière. Il vient de réaliser, avec les plus grandes difficultés, un film en Polynésie, Tabou (il s’est associé au grand documentariste Robert Flaherty avant de se fâcher avec lui, la Fox l’a laissé tomber, etc.). Mais il n’assistera pas à la première de son film. Lui ne téléphone pas en conduisant, mais, au moment de l’accident, il est en train de pratiquer une fellation sur son chauffeur. Est-ce bien sérieux ? Il meurt quelques jours plus tard, le 11 mars. Il n’a que 42 ans. Funeste pipe.
Fatale addiction
Bob Crane (1928-1978) est l’un des premiers disc-jockeys. Sa notoriété naissante lui vaut d’être pressenti, à 33 ans, par Hollywood et plus précisément par la télévision. Il va connaître la célébrité en devenant le personnage principal (le colonel Robert Hogan) d’une série comique vaguement inspirée de Stalag 17 de Billy Wilder, Hogan’s Heroes, qui met en scène des soldats américains prisonniers en Allemagne. Cette série se fera connaître en France sous le titre de Papa Schultz.
Bob Crane aussi est mort dans des circonstances troublantes. On le retrouve le 29 juin 1978 dans un motel de l’Arizona, battu à mort et le crâne défoncé avec un trépied de caméra. Quel rapport avec l’extase ? Bob Crane était un addict au sexe. Il disait luimême : “Je ne fume pas. Je ne bois pas. Deux sur trois, c’est pas mal…” Avec l’un de ses amis, John Carpenter (aucun rapport avec le cinéaste), il fut même l’un des premiers à utiliser la vidéo naissante pour tourner des films porno amateurs dont il était le héros. On ne sait toujours pas, aujourd’hui, si sa mort est liée à cette seconde vie. Mais pour quelle autre raison ? L’affaire inspira, là aussi, un cinéaste, Paul Schrader, qui raconte sa frénésie partouzeuse dans l’un de ses films, Autofocus.
Et Claude François ?
Nous aurions bien évidemment pu citer d’autres cas. Certains sont sujets à caution (Attila, roi des Huns au Ve siècle, derrière qui “l’herbe ne repoussait pas”, mort à 58 ans pendant sa nuit de noces avec une princesse de 16 ans ; Pie IV, pape qui prônait le célibat des prêtres au XVIe siècle, mort dans les bras d’une courtisane ; Claude François, chanteur français, mort électrocuté dans son bain, officiellement en revissant une ampoule, officieusement – selon les mauvaises langues –, en jouant avec son sextoy électrique, etc.), d’autres sont encore entre les mains de la justice (comme le cas de ce ponte de TF1 chez qui un membre du cabinet de la ministre de la Culture est mort d’une overdose de stimulants sexuels, en 2008). Mais l’essentiel est fait : vous connaissez désormais les principales recettes permettant de passer de vit à trépas.
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