Dans un long post, le blog Strathistorique épingle ligne après ligne les nombreuses erreurs du comédien Lorànt Deutsch concernant l’Antiquité dans son ouvrage Métronome, paru en 2009. Et relance le débat sur la vulgarisation à outrance.
Métronome de Lorànt Deutsch est sorti il y a six ans, mais le livre continue d’alimenter la polémique. Déjà très critiqué lorsqu’il fut adapté en documentaire pour France 5 en 2012, le livre fait aujourd’hui l’objet d’un démontage en règle par le blog Strathistorique. De quoi relancer le débat autour de la « méthode » Lorànt Deutsch et ses dérives parfois dangereuses.
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Dans un très long post, l’auteur commence par revenir sur l’une des plus belles erreurs de Lorànt Deutsch, liant le gothique aux Goths.
L’auteur évoque à ce propos une « bourde lexicale digne du CM1 » qui se vérifie d’un simple clic sur Wikipédia, sans même passer par la case « érudition spécialiste« .
« Pas besoin d’avoir un doctorat. Le mot gothique est une invention rétrospective de la Renaissance, voyant dans l’art médiéval une forme d’expression de la germanité grossière des francs. Ce gothique était aussi appelé tudesque, qui a donné tedesco en italien pour dire « allemand ». Les bagages des Goths ne contenaient ni la voûte à tierceron, ni l’arc-boutant élancé milanais, ni le vitrail parisien, ni les flèches d’Amiens. »
Spécialiste de l’Antiquité, l’historien prend finalement le parti de relever sur à peu près 90 pages les nombreuses erreurs émaillant les propos de Lorànt Deutsch à ce sujet. On croise ainsi un nombre incalculable d’approximations, de déformations et, pire, d’erreurs historiques et factuelles que l’auteur du blog prend un malin plaisir à mettre en avant. Ainsi, à propos du général Postumus, déclaré par ses soldats selon Lorànt Deutsch, « empereur de la Gaule » :
« Ah, on revient à l’histoire nationale. Après avoir raconté du caca sur l’empire romain tardif, Deutsch essaye d’évoquer ce qu’on appelle communément « l’Empire Gaulois », abus de langage dont aucun étudiant en L3 n’est dupe : il s’agit d’un terme conventionnel qui n’a aucun rapport avec l’identité gauloise, l’indépendance de la Gaule. Postumus est simplement un énième général qui veut le pouvoir à Rome, et qui prend le pouvoir localement grâce aux armées frontalières qui le proclament. Postumus n’est pas « empereur de la Gaule » il est « restitutor » de la Gaule (…). »
La liste des erreurs relevées est longue et s’achève par un bref aperçu d’autres « âneries » trouvées ici et là dans Métronome. Une belle charge contre le livre du comédien, qui n’est pas la première du genre.
Le retour du roman national
Car si Lorànt Deutsch se décrit comme un « amoureux de l’histoire« , un « passionné« , il lui a largement été reproché de ne citer aucune source bibliographique, de s’éloigner très souvent des faits historiques sous prétexte de vulgarisation ou encore d’avoir une vision orientée de l’histoire, lui qui s’est déclaré « royaliste » et dont les écrits prennent dangereusement le pli du roman national et de la vision patriotique chers aux historiens du XIXe siècle.
En juillet 2012, le Front de Gauche réclamait par exemple que la Ville de Paris cesse de faire la promotion d’un ouvrage « orienté idéologiquement« . De nombreux historiens et journalistes, à l’instar de Pierre Assouline dans le numéro 377 du mensuel L’Histoire, mettaient en garde contre les approximations des ouvrages de Lorànt Deutsch – qui a depuis récidivé avec Hexagone paru en 2013, toujours chez Michel Lafon – ou de Franck Ferrand, journaliste pour Europe 1 et France 3. Les sites Histoire pour tous et Les Goliards ne se sont pas non plus fait prier pour démonter point par point le livre de Lorànt Deutsch. Enfin, en 2013, William Blanc, Aurore Chéry et Christophe Naudin dénoncent dans Les Historiens de garde publié aux éditions Inculte ces auteurs qui proposent une vision réductrice et simpliste de l’histoire, Lorànt Deutsch et Franck Ferrand donc, mais aussi Stéphane Bern et Patrick Buisson ou encore Jean Sévillia.
Avec plusieurs millions d’exemplaires vendus, les deux ouvrages de Lorànt Deutsch résistent particulièrement bien aux critiques. Leur auteur un peu moins. Sur son blog Déjà Vu, le journaliste et lui-même vulgarisateur Jean-Christophe Piot revient sur la défense hasardeuse tenue par le comédien au fur et à mesure que ses ouvrages étaient étrillés de toutes parts. Et conclut joliment lorsque Deutsch parle de « donner l’envie aux gens d’ouvrir des livres d’histoire » : « Ce qui n’est pas une raison pour ouvrir n’importe lesquels.«
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