Depuis le péché originel de Rob Lowe en 1988, la sextape est devenue une arme à usages multiples : de la banale vengeance à la rampe de lancement pour starlettes. Et s’est même exportée dans le football français.
1988 – Rob Lowe
C’est l’une des premières sextapes de célébrité, si l’on excepte les rumeurs concernant une supposée vidéo X de Marilyn Monroe. En 1988, Rob Lowe, 24 ans, est la belle gueule d’Hollywood. Il s’est fait connaître à 19 ans dans Outsiders de Coppola et fait désormais partie du Brat Pack. Le retour de bâton n’en est que plus violent. Une vidéo amateur le montrant en train de s’éclater au lit avec deux filles, dont l’une n’a que 16 ans, est rendue publique. Or, si la majorité sexuelle dans l’Etat de Géorgie, où se déroule la scène, est justement fixée à 16 ans, il est interdit de filmer une ado lors de ses ébats sans son consentement.
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Double peine : une seconde vidéo sort dans la foulée. Rob Lowe est cette fois dans un plan à trois avec un ami et une mannequin. Si tout le monde est bien majeur et vacciné, son image en prend un sacré coup à une époque où la notion même de sextape n’est pas vraiment mainstream. Il mettra dix ans à revenir sur le devant de la scène, à la faveur de la série à succès A la Maison Blanche. Mais Rob Lowe n’est pas rancunier. En 2011, il assurait à Oprah Winfrey : “Ça s’est avéré être la meilleure chose qui me soit jamais arrivée. Ça m’a permis de me sortir de l’alcool.”
En 2014, l’acteur fait preuve d’un sacré sens de l’humour en tenant un second rôle dans Sex Tape de Jake Kasdan, l’histoire d’un couple voyant sa vidéo X leaker sur le cloud. Comme quoi, le retour de hype finit toujours par arriver. C’est, en substance, ce que lui avait écrit son amie Jodie Foster au moment du scandale : “Continue de passer les fenêtres ouvertes. Tu t’en sortiras.” Hugh Hefner, lui, avait opté pour un message plus pragmatique : “Tu devais le faire. La technologie le permettait.”
1995 – Pamela Anderson
Au printemps 1995, la star au maillot rouge coule des jours heureux dans sa villa de Malibu avec son nouveau mari Tommy Lee, batteur du groupe de hard-rock Mötley Crüe. Mais l’alcool et les pétards leur flinguent un peu le cerveau et un beau jour, le couple congédie le staff engagé pour rénover leur maison en refusant de les payer. L’un des ouvriers, un électricien du nom de Rand Gauthier, revient à la charge. Tommy Lee l’accueille avec un flingue.
Irrité, Gauthier décide de donner une leçon aux tourtereaux en braquant leur coffre-fort. Il ne pensait pas y trouver, aux côtés des habituels bijoux et armes à feu, une vidéo porno homemade. Gauthier a eu une petite carrière dans le X et s’empresse de montrer la cassette à Milton Ingley, acteur, réalisateur et producteur porno, qui en fait des copies et les vend via différents sites web. Cinquante-quatre minutes dans l’intimité du couple sulfureux, où chaque sourire, chaque expression, chaque position dégagent une authenticité jouissive, une vérité vraie orgasmique. “C’est la meilleure vidéo que j’aie vue de ma vie, dira le producteur et animateur Howard Stern en 1997 (cité par Rolling Stone, qui a consacré une enquête à l’histoire), ce qui est cool, c’est que vous entrez dans leur vie avec eux.”
En janvier 1996, Lee et Anderson, qui ne s’étaient pas aperçus de la disparition de leur VHS, apprennent que Penthouse s’apprêtent à en publier des photos. Le couple traîne le magazine ainsi que Ingley et Gauthier (repérés grâce à un détective privé) en justice, mais perd le procès, le juge estimant que rien n’a encore été imprimé et qu’ils rendent eux-mêmes leur vie sexuelle publique à longueur d’interviews.
Les copies pirates se multiplient à une telle vitesse que Gauthier et Ingley sont bien vite concurrencés par des dizaines de sites. Jusqu’à présent, la VHS était restée à l’état de VHS, envoyée par courrier aux acheteurs. Jusqu’à ce qu’intervienne Seth Warshavsky, 25 ans, petit génie du web, qui diffuse des extraits de la sextape sur l’un de ses sites pour adultes, Club Love. Affolés, Lee et Anderson intentent un procès, le perdent, et finissent par céder les droits de la vidéo à Warshavsky, qui la commercialise à tour de bras. Résultat : le film se retrouve sur des étagères de vidéoclubs aux quatre coins de l’Amérique et Warshavsky oblige tous les sites de streaming à lui verser des droits d’auteur. En 2000, Pamela Anderson est élue “personnalité la plus téléchargée” par le Guinness Book. Tant et si bien que des millions de sites dont le contenu n’est ni pornographique ni en rapport avec la star d’Alerte à Malibu glissent son nom en “balise méta” dans leurs codes HTML afin de booster leur référencement et leur trafic.
2004 – Paris Hilton
Dans la vie de Paris Hilton, le bug de l’an 2000 prend la forme d’une sextape. La jeune femme a 19 ans et filme ses ébats avec son amoureux d’alors, Rick Salomon, qui vient de divorcer d’avec Shannen Doherty. Trois ans plus tard, la vidéo fait surface sur internet. Les Hilton intentent un procès contre l’entreprise web panaméenne qui commercialiserait la vidéo, avant de laisser tomber en invoquant un trop-plein d’émotions et d’inscrire toute la famille en thérapie collégiale.
Quelques mois plus tard, c’est Salomon lui-même qui la vend via Red Light District Video, une boîte de prod spécialisée dans le X gonzo. Paris Hilton ne les poursuit pas en justice, amenant certaines mauvaises langues à émettre l’hypothèse qu’elle est elle-même à l’origine de la fuite. Il faut dire que la sortie de la vidéo coïncide avec le lancement de The Simple Life, émission de téléréalité dont elle partage l’affiche avec sa meilleure ennemie Nicole Richie.
Avant la sextape, Hilton n’est qu’une riche héritière traînant dans les dîners mondains et les clubs à la mode. Après la sextape, elle devient une superstar postmoderne connue des accros aux sites pornos comme des ados addicts à la pop culture, qui fantasment sur ses jambes de gazelle. Pourtant, en 2011, après avoir sorti des parfums et fait le tour du monde en tant que DJ, Paris Hilton assure à CNN, aux côtés de sa mère, avoir été “trahie” par quelqu’un avec qui elle “était depuis plusieurs années”. “Les gens se disent ‘oh c’est une salope’ à cause d’un seul truc qui m’est arrivé. C’est dur car je vais devoir vivre avec ça pour le restant de mes jours et l’expliquer à mes enfants. C’est quelque chose qui a changé ma vie pour toujours et que je ne pourrai jamais effacer.” Salomon s’est par la suite marié, démarié et remarié avec Pamela Anderson. La boucle est bouclée ?
2005 – Colin Farrell
L’acteur remporte une bataille judiciaire contre Nicole Narain, son ex-copine et playmate qu’il accusait de chercher à vendre leur sextape tournée deux ans plus tôt, alors qu’ils étaient passablement éméchés. La vidéo ne peut plus être rendue publique, encore moins commercialisée, alors même que l’acteur s’était vu offrir 5 millions de dollars pour en céder les droits. “Quatorze minutes qui m’ont coûté cher. Ça me semblait être une bonne idée sur le coup. Le mec qui a rendu le jugement m’a dit : ‘J’espère que vous avez retenu la leçon, Mr. Farrell’ ; et j’ai répondu : ‘Absolument, la prochaine fois, j’emporte la cassette avec moi.’ Je crois que j’étais défoncé”, confesse-t-il à la BBC en 2008.
En 2014, il déballe tout au Elle américain. “Tout était affreux. J’ai dû faire une déposition de quatre heures pour expliquer pourquoi je ne voulais pas qu’elle sorte. Imaginons que ma mère tombe dessus via un service de vidéo à la demande dans une chambre d’hôtel et se dise ‘Oh, mais je n’ai pas vu ce film de mon fils’ et l’achète.” Un bon argument. Désormais, Colin Farrell goûte aux joies du sexe sans alcool et sans caméra. “Cela faisait près de quinze ans que je n’avais pas parlé sans être sous l’emprise de la drogue ou de l’alcool”, a-t-il assuré à Elle. Il était effectivement grand temps de se ranger.
2006 – Dustin Diamond
Quand Sauvés par le gong se termine en 1994, Dustin Diamond, qui jouait Screech depuis l’âge de 11 ans, en a 17 et n’a qu’une idée en tête : se débarrasser de cette image d’enfant acteur attachant. Il développe alors un personnage de bad guy bagarreur et graveleux dans l’émission de téléréalité Celebrity Fit Club, puis sort sa propre sextape en 2006, à l’âge de 29 ans, sous le titre Screeched – Saved by the Smell, pour faire comme Paris Hilton, confiera-t-il par la suite.
Sauf que la sienne ressemble à un délire de mecs d’école de commerce trop avinés, et ne sert qu’à lui coller une mauvaise image. “Je me suis fait de l’argent, c’est certain, mais ça ne valait pas les retombées que ça a engendrées, assure-t-il à Oprah Winfrey en 2013. Les gens me regardent encore mal. Beaucoup pensent : ‘C’est dégueulasse de ta part.’ En plus, je ne l’ai pas vraiment fait.” Car la sextape de Dustin Diamond n’en est pas une. Ou plutôt implique une doublure. “Je ne suis pas débile. Je n’allais pas vraiment me montrer. Alors on a embauché un acteur. J’ai simulé en pensant gagner des millions. Je suis un opportuniste. Je devais tenter le coup. Je ne connais personne qui ne l’aurait pas fait.”
Depuis, Diamond accumule les déboires : l’acteur doit la coquette somme de 94 000 dollars d’arriérés d’impôts à l’Etat du Wisconsin, a passé trois mois en prison après une violente altercation dans un bar, et s’est fait arrêter en juin pour des tests toxicologiques positifs.
2007 – Kim Kardashian
“Je ne vivrai pas ma vie en étant limitée par les problèmes que vous rencontrez avec ma sexualité. Soyez vous-mêmes et laissez-moi être qui je suis”, écrit Kim K. dans un essai vendu sur son appli perso moyennant 2,99 dollars, et présenté comme une déclaration de guerre au slut-shaming. Car la star n’hésite pas à dévoiler son fessier XXL en couve de Paper et à inonder son Instagram de selfies où elle pose dénudée, autant de moyens de se réapproprier son corps et son image exposés à la vue de tous au détour d’une sextape.
L’affaire remonte à 2007. L’ancienne assistante de Paris Hilton est depuis peu à la tête de sa propre émission de téléréalité Keep up with the Kardashians. Une vidéo, tournée en 2003, montrant ses ébats torrides avec Ray J, son copain de l’époque, atterrit entre les mains de Vivid Entertainment, une entreprise du X, et contribue à faire d’elle une célébrité. Mais, comme pour son ex-copine Paris Hilton, la question de sa responsabilité dans le leak de la sextape se pose. Car Kim K. renonce bien vite à traîner Vivid en justice, et passe, à la place, un juteux marché avec eux.
Dans la Dynastie Kardarshian, Ian Halperin assure que c’est sa mère, Kris Jenner, qui a volontairement leaké la vidéo après avoir négocié avec l’entreprise, histoire d’assurer le buzz autour de sa fille et de leur téléréalité familiale. Neuf ans plus tard, Amber Rose, l’ex de Kanye West, clashe sa rivale en lui rappelant au détour d’un tweet qu’elle ne doit sa célébrité qu’à une sextape. Kanye West, lui, profite du clip de Famous pour tourner le tout en dérision en s’affichant nu dans un lit aux côtés de stars, parmi lesquelles sa femme, Kim K., son amant d’alors, Ray J, et Amber Rose. Okayyyy.
2012 – Hulk Hogan
C’est un scénario à rebondissements que l’on verrait bien adapté sur grand écran par Martin Scorsese avec Mickey Rourke dans le rôle-titre. En 2012, le site d’infotainment Gawker dévoile la sextape de l’ancien catcheur Hulk Hogan en pleine action avec la femme d’un de ses amis qui, en définitive, aurait été au courant. Hulk Hogan porte plainte quand même, et obtient gain de cause deux ans plus tard : le site est condamné à lui verser 140 millions de dollars de dommages-intérêts. L’histoire aurait pu s’arrêter là. C’était sans compter sur les révélations de Peter Thiel au New York Times en mai dernier.
Le cofondateur de Paypal explique avoir financé le procès à hauteur de 10 millions de dollars. Un acte loin d’être désintéressé : en 2007, Gawker titrait l’un de ses articles “Peter Thiel is totally gay, people”. Depuis, le milliardaire libertarien a monté une équipe chargée de monter et de financer des procès contre le site trash. “Il s’agit moins de vengeance que de dissuasion. Gawker a inventé un moyen unique d’attirer l’attention, consistant à tyranniser les gens même quand il n’y a aucun intérêt public.”
Dans le camp adverse, Nick Denton, fondateur de Gawker, rappelle que son site est réputé pour “révéler de gros scandales comme la boîte mail secrète d’Hillary Clinton, l’histoire de Bill Cosby et des femmes, le fait que le maire de Toronto fumait du crack, le rôle de Tom Cruise dans la scientologie et le moyen caché qu’utilise Facebook pour décider des news que les gens verront sur leur fil.” Or Peter Thiel est membre du conseil d’administration de Facebook, et est accusé de favoritisme dans une enquête du site Gizmodo, qui appartient au groupe Gawker Media. Pour Denton, les actions de Peter Thiel menacent clairement la liberté de la presse. Réponse de l’intéressé : “C’est précisément parce que je respecte les journalistes que je ne pense pas qu’ils soient mis en danger par ma riposte contre Gawker.”
Plombé par l’amende et les frais de justice, Gawker a déposé le bilan mi-juin mais devrait être sauvé par Ziff Davis, un groupe de médias qui a annoncé son intention de reprendre ses actifs pour un montant compris entre 90 et 100 millions de dollars selon le New York Times.
2015 – Mathieu Valbuena
Il y avait l’affaire Zahia, il y a désormais le scandale de la sextape de Mathieu Valbuena. En juin 2015, l’ex-meneur de jeu des Bleus reçoit plusieurs appels lors desquels on le menace de divulguer une sextape s’il ne passe pas à la caisse. Le milieu de terrain de l’Olympique lyonnais porte plainte.
Trois maîtres chanteurs sont identifiés quelques mois plus tard. Ils contactent un autre homme, Karim Zenati proche de Karim Benzema, qui se retrouve placé en garde à vue. Le 2 décembre, Le Monde publie l’essentiel des déclarations de Benzema recueillies par la juge de Versailles Nathalie Boutard. Le footballeur assure qu’il s’agit d’“un gros malentendu”.
“Au départ, je voulais le (Valbuena) mettre au courant d’une histoire qu’il y avait sur lui et l’aider.” Le 11 janvier, c’est au tour des déclarations de Valbuena de se retrouver dans les colonnes du Monde. Au sujet de sa conversation avec son coéquipier, le joueur déclare : “Il (Benzema) me certifie l’avoir vue (la vidéo). Il m’a juré sur sa fille, il a dit que c’était chaud. Il m’a fait peur. Il m’a menti pour que je rencontre cette personne-là, pour rendre service à son ami tout simplement.”
Bilan : tous deux sont privés d’Euro. Valbuena en raison d’une “saison catastrophique”, selon Didier Deschamps. Benzema pour avoir manqué “au devoir d’exemplarité”, explique la Fédération française de football. Ce dernier s’emporte dans le quotidien espagnol Marca en assurant que le sélectionneur a “cédé à la pression d’une partie raciste de la France”, avant de se filmer, le 24 juin, en train de s’éclater sur un jet-ski. OKLM.
2016 – Yacht
Un beau jour de mai, le duo de musiciens de Los Angeles – amoureux à la scène comme à la ville – lâche un post sur Facebook pour annoncer qu’“une vidéo privée a été rendue publique” à cause d’“une personne moralement abjecte”, qu’ils comptent poursuivre en justice. “Ce n’est pas parce que nous sommes des personnalités publiques que nous méritons ça. Comme tout le monde, nous avons le droit de décider de ce que nous partageons avec le reste du monde. Aujourd’hui nous ne l’avons plus. Nous espérons que vous comprendrez que cela n’est pas un délicieux scandale mais de l’exploitation”, écrivent-ils, amers. Quelques heures plus tard, Jona Bechtolt et Claire Evans appellent leurs fans à boycotter les sites de streaming et à télécharger la tape moyennant 5 dollars via leur site, histoire que, dans leur malheur, elle leur rapporte quelque chose. Sauf que rien n’est vrai. Le site féministe Jezebel publie un mail de Claire Evans expliquant qu’il s’agissait d’un coup marketing visant à promouvoir leur nouveau clip au titre évocateur I Wanna Fuck You Till I’m Dead. La vidéo promo, elle, existe bien, et se retrouve sur PornHub, entre deux éjac faciales. On y voit Claire Evans filmée en caméra infrarouge dans une chambre. Mais pas de sexe ici, seulement une transformation en monstre. Un buzz plutôt bad qui prend le revenge porn avec légèreté, voire le tourne en dérision, deux ans après le scandale des photos de célébrités nues leakées sur le web.
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