Proche de Marine Le Pen, le coordinateur national du FNJ et conseiller municipal de Fréjus David Rachline milite depuis six ans. Il en a 21.
Ces militants n’ont pas 25 ans, mais déjà des responsabilités. Assistants, salariés du parti, parfois élus, leur sort n’est pas encore scellé. Certains resteront dans l’ombre ou renonceront à leur engagement, les autres feront l’actualité des années à venir. Rencontres avec les nouvelles têtes de la politique.
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Il reçoit dans son bureau au nouveau siège du Front, héritier au rabais du « paquebot ». Dans une rue résidentielle, le paquebotinet ressemble à un collège aux rideaux baissés, clos par un portillon. De l’extérieur, rien ne filtre sur la fonction du bâtiment. Une fois dans l’enceinte, la statue de Jeanne d’Arc, le drapeau tricolore et les posters de Le Pen rafraîchissent la mémoire. Ambiance fin de règne, un rien parano, il faut laisser sa carte d’identité à l’accueil pendant toute la visite. On fume dans les bureaux, il n’y a pas foule. La détermination de David Rachline tranche avec l’apparente décontraction des lieux.
A 21 ans, il en paraît 35. Début de calvitie, petite bedaine, langage si policé qu’il fait vieux briscard. David Rachline, chef du Front national de la jeunesse (FNJ) – on dit maintenant « coordinateur national » – appartient à la nouvelle école, née à la politique quand Marine Le Pen bataillait déjà pour la succession. Rien à voir avec les anciens d’Algérie conservés dans le formol ou les jeunes au crâne rasé qui effraient les vieilles dames. Le FN se donne à voir sous un jour respectable, populiste mais sans dérapage. David dénonce « l’échec patent de tous ceux qui sont au pouvoir depuis 25 ou 30 ans, que ce soit au niveau local ou national », ça ne mange pas de pain.
En 2002, David a quinze ans. Il observe depuis le Var la campagne présidentielle de Jean-Marie Le Pen et son accession au deuxième tour, impressionné. Il dit avoir pris conscience de « problèmes graves, liés à l’immigration, à l’insécurité, au chômage de masse, à l’absence de traitement social de tous ces troubles ». S’intéresse à ces fameuses « questions dont on n’a pas le droit de parler, tel que le lien entre immigration et insécurité ».
Quelques mois plus tôt, il avait prêté attention aux ennuis de Catherine Mégret, alors maire MNR de Vitrolles. L’édile était poursuivie pour discrimination après l’instauration d’une « prime à la naissance », réservée aux seuls couples européens, dans sa municipalité. « Les critères n’étaient pas raciaux ou ethniques, mais citoyens », affirme le jeune homme. « Il me paraissait logique qu’en France on favorise la natalité française. » En fait, Catherine Mégret voulait encourager la natalité « européenne » plutôt que « française » et a été condamnée.
Rachline père vote socialiste. « Il est des fois où les désaccords étaient… frontaux », se souvient David. Il entre au FN par le souverainisme et accorde encore la priorité à l’échelon national. « Je constate que le Front national est l’un des seuls mouvements à parler souveraineté, indépendance de la nation. C’est le plus important, le plus implanté, le plus structuré, avec à sa tête un homme au-dessus de la moyenne. » Au départ David « colle trois autocollants » devant chez lui et s’abonne à Français d’abord, le journal du parti.
« Je n’ai jamais été dans l’extrémisme ni dans l’invective. J’ai toujours été raisonnable, plutôt modéré », se défend-il. La précision est cruciale aujourd’hui, au sein de la « nouvelle génération » guidée par Marine Le Pen. Le FN en mode passe-partout, attaché à « l’unité de la République », brandit « l’égalité » contre la « préférence étrangère » et les « critères ethniques et sociaux ». La pilule passe mieux comme ça.
L’adolescent fulgure. Il est très vite nommé secrétaire départemental du FNJ dans le Var, qui devient « l’une des fédérations les plus puissantes ». S’occupe des élections régionales de 2004, puis prend la tête du comité Les Jeunes avec Le Pen pour 2007. Le militant modèle se rapproche de Marine Le Pen, avec qui il développe « une affinité toute particulière ». « Marine a une aptitude à montrer le visage des militants du Front et de nos idées tels qu’ils sont réellement et pas comme on les présente d’habitude. Je me sens à l’aise avec elle, elle a des idées un petit peu plus tournées vers l’avenir qu’un certain nombre d’autres personnes. »
Adoubé par Le Pen fille, David Rachline passe sa vie au Front. Après le bac, il interrompt très vite ses études de droit, faute de temps. Son jeune âge l’empêche de se présenter aux législatives de 2007, mais l’année suivante il est élu conseiller municipal à Fréjus. Petite pause dans l’ascension, il prend un poste de commercial dans une société immobilière entre l’été 2008 et avril 2009. « Souvent on me dit : « tu te rends compte, si tu te retrouves sur le carreau, comment tu vas faire pour retrouver un travail ? » Quand vous sortez de responsabilités nationales de l’UMP, on ne vous vilipende pas. Quand vous êtes du FN, les gens qui sont susceptibles de vous engager peuvent dire « attention, mon Dieu, l’affreux fasciste ». J’ai pu constater que ce n’était pas vraiment la réalité. »
En dehors de cette « petite peur » qui subsiste, David Rachline, qui n’a connu que la politique, n’hésite pas. « Être rémunéré dans le cadre d’une passion, je ne vois pas ce que je pourrais demander de plus. J’ai toujours été très à l’aise avec ce que je fais, je ne dis pas que je ne ferai jamais autre chose mais pour l’instant je suis très heureux ». Le patron du FNJ vit une épiphanie.
Fort de la confiance de Marine Le Pen et désigné par Jean-Marie Le Pen (sans limitation de durée), il s’attelle à restructurer le mouvement de jeunesse qui revendique 10000 adhérents. Symboliquement, il renonce au titre de « directeur national » pour se renommer « coordinateur », mais refuse qu’on parle de « reprise en main » par la direction. « Le FNJ reste une structure relativement indépendante. Peut-être que je m’entends un peu mieux avec les responsables du Front qu’un certain nombre de mes prédécesseurs. »
Impénétrable David Rachline. Parler une heure avec quiconque suffit souvent à lui arracher de petites confessions, à cerner un caractère. Lui garde le sourire et un silence de pierre tombale. Explique s’identifier à Marine Le Pen, mais sans vouloir tuer le père, qui « trace la voie », « impose la ligne », « a fait émerger le mouvement national ». « Si je devais me référer à quelqu’un en politique ce serait à lui, indiscutablement. »
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