Le livre « Dans l’ombre des présidents » revient sur le rôle particulier et très français du secrétaire général de l’Elysée, véritable vice-président du pays. Affaires, maîtresses et crises nationales : gravitant dans la sphère la plus intime du président, il est au courant de tous ses secrets. Un livre rempli d’anecdotes croustillantes sur les chefs d’Etat de la Ve République.
« Giscard était plutôt plus discret que François Hollande, quand même ! Il n’y a pas plus simple : on sort avec une voiture aux vitres noires, on va où on veut, on fait bloquer une rue cinq minutes par trois flics pour que les gens qui suivent ne suivent plus, et on est tranquille. » L’homme qui analyse ainsi l’épisode du président François Hollande retrouvant secrètement l’actrice Julie Gayet n’est autre que Claude Pierre-Brossolette, secrétaire général de l’Elysée de 1974 à 1976, nommé par Valéry Giscard d’Estaing.
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Cette « éminence grise, le deuxième cerveau du chef de l’Etat », n’avait en revanche rien pu faire ce matin de septembre 1974 lorsque VGE, au volant de la Ferrari de son ami le réalisateur Roger Vadim, avait percuté l’arrière de la camionnette d’un laitier. Selon le Canard enchaîne de l’époque, le président de la République était sorti, éméché, de la voiture rouge et s’était fait gifler par l’accidenté. Surtout, VGE n’était pas seul, mais accompagné « d’une actrice en vogue, qui dément toujours avoir été assise au côté de VGE. » Pierre-Brossolette s’en rappelle aujourd’hui : « On l’a écrasé très vite. (…) ni la gendarmerie ni la police n’ont parlé. En France, s’il n’y a pas de photos, s’il n’y a pas le nom de la fille, ça n’existe pas. C’est incroyable comment Hollande s’est planté. Mais enfin… »
« L’homme du perron »
Le secrétaire général de l’Elysée est habituellement présenté comme « l’homme du perron », en charge d’annoncer un nouveau gouvernement après un remaniement. Objet de fantasme au cœur du pouvoir, pompier de service en cas de crise présidentielle, il est bien plus qu’un collaborateur. Son bureau n’est séparé de celui du Président que par une simple salle de réunion. « Nul huissier ne peut arrêter l’un dans son élan pour visiter l’autre », écrivent le journaliste César Armand et le blogueur politique Romain Bongibault, auteurs de Dans l’ombre des présidents, un ouvrage rempli d’anecdotes qui raviront les amateurs de politique.
Pour nous éclairer, les deux auteurs sont allés interroger les titulaires du poste encore en vie (ils sont 12 sur 19). Seuls Dominique de Villepin, Xavier Musca, Pierre-René Lemas et Jean-Pierre Jouyet (l’actuel), n’ont pas daigné répondre : « quelques originaux très occupés ou dont la parole publique est visiblement trop bien contrôlée par leur nouvelle autorité », écrivent les auteurs.
Des anecdotes croustillantes
Si les aventures des différentes présidents de la cinquième sont un passage croustillant du livre de 224 pages, il fourmille d’autres anecdotes. Et renseigne sur ce poste qui conjugue le plus haut service de l’Etat allié à une intimité des plus profondes dans la vie du Président. Par exemple comment en 2005, lors de l’AVC de Jacques Chirac, le secrétaire général de l’époque et gendre du président Frédéric Salat-Baroux a fait taire l’événement :
« Vous n’allez pas faire des photos dans sa chambre pour montrer qu’il va bien, mais, dans le même temps, vous ne pouvez pas laisser la rumeur monter. C’est une gestion à millimétrer, mais quand il sort à pied avec sa femme, dans une belle lumière, il montre qu’il est là, qu’il est toujours président. »
Les secrétaires généraux de l’Elysée sont de formidables sources pour comprendre les arcanes du Château, mais aussi pour percer les inimitiés et rapports de force entre les différentes présidents. Jean-Louis Bianco, secrétaire général sous François Mitterrand de 1982 à 1991 raconte comment « Tonton » pouvait titiller un Jacques Chirac, bien décidé à arrêter de fumer en demandant expressément qu’on apporte un cendrier pour « M. le Premier ministre », dans le simple espoir de le faire craquer. Ce qu’il réussit à faire, bien entendu.
Un homme en première ligne
Enfin, lorsque la France est touchée en son coeur, victime d’attaques terroristes, que se révèle le rôle du secrétaire général de l’Elysée. De l’attentat de la rue de Copernic, le 3 octobre 1980 et le long silence de VGE malgré son secrétaire général de l’époque, Jacques-Henri Wahl qui lui avait « conseillé avec une très grande insistance de revenir immédiatement sur Paris et de s’adresser aux Français (…) » aux attentats de 1995 dans le RER parisien. Hasard de l’histoire, à l’époque de cette attaque le 25 juillet 1995, Claude Guéant était directeur général de la police nationale. Dix-sept ans plus tard, ce très proche de Nicolas Sarkozy – secrétaire général de l’Elysée de 2007 à 2011 – va vivre les tueries de Toulouse et Montauban, où Mohamed Merah tuera sept personnes, comme ministre de l’Intérieur. Lui aussi s’en rappelle :
« Les deux étaient des attentats islamistes mais, cela dit, il y avait une grande différence : Merah était seul dans l’action, même s’il a eu des complicités de personnes qui n’étaient pas trop conscients de ce à quoi elles participaient, alors qu’en 1995 c’était un réseau, et il est beaucoup plus facile de lutter contre un réseau. Les gens se parlent, s’écoutent, s’envoient de l’argent… »
Homme fort de la Ve République, que le chef de l’Etat le veuille ou non, le secrétaire général de l’Elysée n’est donc pas une énième planque dans les rouages du pouvoir. Le numéro 2 du Palais est un personnage politique le plus écouté et consulté du pays. En d’autres termes, il n’est pas moins qu’une double qui s’ajuste et protège son patron.
Dans l’ombre des présidents. Au coeur du pouvoir : les secrétaires généraux de l’Elysée, César Armand et Romain Bongibault, éd Fayard
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