Dans les Pyrénées-Atlantiques, “le mur des expulsés” oppose le préfet au maire de Billère. Le représentant de l’Etat veut faire effacer la fresque.
Septembre 2009. Jean-Yves Lalanne, le maire socialiste de Billère, dans les Pyrénées-Atlantiques, décide d’inaugurer une fresque en hommage aux familles expulsées par le gouvernement sur un des murs de la commune. Quelques mots (« liberté, égalité, fraternité »), graffés en couleur par des artistes bordelais, le Studio Tricolore, sur le mur de la salle des fêtes qui est vite surnommé le « mur des expulsés ».
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« Tout ce qu’il y a de plus républicain », souligne le maire. Dans un coin, on peut aussi lire les mots « expulsés » et « honte ». C’est là que le bât blesse. Attaqué par le préfet pour non-respect de son devoir de neutralité vis-à-vis de l’action gouvernementale, le rebelle Jean-Yves Lalanne a aujourd’hui jusqu’au 26 décembre pour faire effacer la fresque. Un ordre donné par la cour administrative d’appel de Bordeaux, le 26 octobre, qui confirme la décision rendue en première instance à Pau au mois de janvier.
« Au-delà de cette date, la commune devra payer 100 euros d’astreinte par jour de retard », explique le maire, qui n’a, semble-t-il, pas l’intention de baisser les bras.
« Le préfet veut empêcher qu’un élu de la République soit solidaire des mouvements sociaux. Il nous avait déjà attaqué l’année dernière quand nous avions prêté une salle communale pour la votation contre la privatisation de la Poste, et il avait perdu ! », s’enorgueillit l’élu socialiste.
Quand on lui demande si ce n’est pas un peu de la provocation dans son duel contre le préfet qu’il qualifie de « zélé », le maire ne manque pas d’ironie. « Nicolas Sarkozy voulait une droite décomplexée, moi aussi, je suis pour une action politique décomplexée ! Ce n’est pas comme si nous avions entonné un concert de casseroles sous les fenêtres du préfet. C’est juste une action de solidarité avec ces enfants que nous connaissions, qui allaient à l’école avec nos enfants, et qui ont été expulsés. »
« Bien sûr que les mots ont un sens, mais cette fresque ne trouble pas l’ordre public. C’est plutôt l’expulsion de ces sans-papiers qui a perturbé nos concitoyens », s’insurge l’élu, décidé à se battre jusqu’au bout pour défendre les auteurs de la fresque.
Après avoir dénoncé un « acte de censure intolérable », en soulignant qu’il fallait remonter au « XIXe siècle pour trouver une décision qui demande la disparition d’une oeuvre d’art », Me Blanco, l’avocat de la commune, a donc déposé deux recours : un devant le Conseil d’Etat, un autre devant la Cour européenne de justice pour défendre « la liberté d’expression » et « la liberté de création » des auteurs de la fresque.
« Si tous nos recours sont épuisés et que le droit n’est plus de notre côté, on sera bien obligés de se plier à la décision de la cour administrative, mais comme le roseau, précise cet élu décidément audacieux. On plie mais ne rompt point ! »
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