Nous étions jeudi dans la salle des fêtes de l’Elysée pour la conférence de presse de François Hollande. Récit.
Il est des journées plus glorieuses que d’autres. Un répit dans le crachin perpétuel qui caractérise le climat parisien, une distribution gratuite de paquet de Kleenex à l’entrée du métro, une accréditation à la conférence de presse du président de la République à l’Élysée : il n’en fallait pas beaucoup plus pour distinguer ce 5 février. Cinquième exercice du genre pour François Hollande, il s’agissait notamment de tirer les leçons de ce terrible mois de janvier, d’ores et déjà « inscrit dans la mémoire nationale ».
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« C’est vraiment pas le nouveau it-boy, hein, Tsipras »
Pourtant, c’est une ambiance plutôt conviviale qui règne avant l’arrivée du président alors que les 300 journalistes accrédités prennent place, se saluent, échangent leurs vœux ou leur point de vue sur la BCE – qui, dans la nuit, annonçait suspendre le régime de faveur accordé jusqu’ici aux banques grecques. « C’est vraiment pas le nouveau it-boy, hein, Tsipras », lance un journaliste anglais à un camarade abondant dans son sens. « Y z’ont recadré le débat », ponctue un autre. Le ton est donné.
À part ça : tout le monde est plutôt bien coiffé (en tout cas pour ceux à qui il reste des cheveux), certains fidèles à « l’esprit de janvier« évoquent le fameux « pigeon mal intentionné », tandis que d’autres paradent, saluant çà et là au mépris de l’épidémie de grippe qui sévit actuellement en Île-de-France.
Faut-il se lever pour le saluer ou bien rester assis ?
L’exercice de communication n’est évidemment pas limité au seul président. Alors que tout le monde semble bien installé, le gouvernement au complet pénètre dans la salle des fêtes de l’Élysée. En tête : Manuel Valls et Najat Vallaud-Belkacem qui écouteront deux heures durant et bien sagement leur président dont l’arrivée crée la confusion dans les rangs des journalistes. Faut-il se lever pour le saluer ou bien rester assis ? Rester campé sur sa chaise fait-il de vous un journaliste-debout ? Force est de constater que ce petit monde n’est finalement pas toujours bien synchronisé.
Dans un court discours rappelant que « l’esprit de janvier 2015, c’est l’unité de la République », François Hollande affiche ses priorités : la laïcité, l’école, l’égalité entre les territoires. Et propose un nouveau contrat civique « avec la mise en place d’un service universel pour les jeunes, la création d’une réserve citoyenne pour tous les Français, tous ceux qui veulent participer à l’élan collectif ».
Reviennent alors probablement dans la tête des présents de moins de 50 ans (il y en a) quelques souvenirs émus de la JAPD, cette Journée d’appel et de préparation à la défense instaurée après la suppression du service militaire. Grande expérience républicaine de la mixité qui consiste essentiellement à regarder des VHS promotionnelles de l’Armée et à répondre à un questionnaire tendant à évaluer sa capacité à lire un programme TV.
« La France a le devoir de réussir »
Mais cessons de divaguer, nous n’en saurons pas beaucoup plus sur le sujet car Hollande a quelque chose d’exclusif à annoncer : son départ à Kiev dans l’après-midi en compagnie de Mme Merkel, « pour faire une nouvelle proposition sur le conflit » en Ukraine et « tout tenter pour la paix ». Dans cette perspective, le Président défend l’idée d’une France exemplaire, à l’initiative, qui ici comme ailleurs a le « devoir de réussir ». En ce qui concerne la paix aux portes de l’Europe mais aussi le climat, la croissance ou la lutte contre le terrorisme.
Voilà de belles déclarations de principe qui feront rougir ceux qui pensaient jusque-là que la France avait vocation à lourdement se planter. Fort de son petit effet, François Hollande lance ensuite la séance de questions largement encadrée – l’usage du micro étant suspendu au bon vouloir de l’équipe de communication du président, se déplaçant à coucou et parfois en talons entre les rangs des journalistes : en voilà qui n’auront pas démérité.
Quelques brillants traits d’humour
La réduction du chômage comme condition à sa prochaine candidature, la rénovation du dialogue social, l’exemplarité des institutions et de ceux qui y travaillent, François Hollande balaye les sujets, interrogeant parfois du regard ses ministres, distillant quelques brillants traits d’humour. Comme lorsqu’il se décrit comme un président de gauche « depuis le début », diront les esprits chagrins… Reste que François Hollande décrit une Europe ni-ni : ni de gauche (« si je faisais une Europe de gauche ce serait une petite Europe en ce moment ») ni de droite (?). Balle au centre.
À chaque mouvement du président, le bruit des obturateurs des photographes placés à l’arrière retentit de plus belle. Devant la tapisserie des Gobelins tissée au XVIIIe et représentant le Repas d’Esther et d’Assuérus, quelques ministres trahissent malgré eux des micro-signes d’impatience. Tandis qu’Emmanuel Macron, le ministre de l’Économie, laisse divaguer ses yeux vers l’imposant plafond à caisson, Manuel Valls échange quelques mots avec Najat Vallaud-Belkacem en prenant soin de porter sa main devant sa bouche pour rester impénétrable. Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture, lui, est plutôt à la cool tandis que tout le monde se tend en observant l’arrivée d’une grosse mouche qui, dans cette salle monumentale où sont rassemblées plusieurs centaines de personnes, ne trouve rien de mieux que de venir se poser sur le front du président.
Moment pénible pour tout le monde. Au moins aussi crispant que les tics de langage recensés dans la bouche de François Hollande depuis qu’il est président. Ainsi pour parler comme le chef de l’État, n’hésitez pas à balancer des « c’est bien le moins » ou à faire suivre le sujet de vos phrases par un pronom. Exemple : « La France, elle ne peut pas régler tous les conflits du monde » ou « La mouche, elle doit être de droite franchement ». De même pour les invitations à « faire… ». Car après les injonctions à « faire République« , il est désormais question de « faire l’action ». Mais carrément.
Ton juste, air serein, François Hollande « fait Président ». S’il déclare qu’il a changé après les événements de janvier (qui ont notablement fait remonter sa cote de popularité), il ne relâche pas la pression. « Au contraire », note-t-il, « ce qui vient de se produire me crée une responsabilité plus élevée encore ». Clap de fin, sortez les Kleenex.
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