Des tarifs qui augmentent, des stocks qui diminuent et des journées qui, faute d’occupations, semblent s’étirer à l’infini : le quotidien des consommateurs de THC est lui aussi perturbé par le confinement. Avec, toujours, la tentation de fumer davantage pour tuer le temps.
Il est près de 18h et Simon[1], salarié dans le milieu social, choisit d’allumer son premier bédo. Trois autres suivront dans la soirée. Toujours avec une même idée en tête : “se détendre, penser à autre chose”. Depuis la mise en place du confinement, le 17 mars dernier, son rythme de consommation en semaine n’a pas vraiment changé. 18h, c’est l’heure à laquelle il rentre du travail habituellement, et il compte bien ne pas déroger à la règle. “Je suis en chômage partiel, donc je préfère ne pas être stone pendant les heures où je peux encore être amené à travailler. Je pourrais, c’est vrai, en fumer des plus petits pendant la journée, mais c’est le meilleur moyen de choper de mauvaises habitudes. Et puis il faut bien gérer son stock…”
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Puff puff pass
Le stress du pochon vide, voilà ce à quoi semble être confronté une grande majorité des fumeurs en cette période de confinement. Certains ont pourtant fait leur stock en amont, persuadés que la situation pourrait s’éterniser. “Sentant venir le coup, j’ai préféré prendre 20g d’un coup, dans l’idée de pouvoir tenir six semaines, renseigne Simon. C’est plus que ma consommation habituelle, mais j’ai préféré assurer le coup.”
Même son de cloche du côté de Loïc, originaire de la Côte d’Opale et bien conscient que les stocks finiront par baisser, les pays fournisseurs ayant durci les contrôles aux frontières : “Pour un fumeur, le fait de ne pas avoir de weed à disposition n’est pas rassurant, donc oui, j’ai préféré faire ma réserve la veille du confinement. Depuis, je gère ma consommation : j’en fume des plus petits, un peu moins souvent mais toujours aux mêmes heures, à 14h, à 17h et vers 23h. Ce serait trop facile de passer ses journées à fumer en se disant que, de toute manière, on n’a rien de plus productif à faire.”
Loïc dit qu’il peut tenir encore quelques jours avec ce qu’il a en stock. Il avoue être plutôt dans une dynamique d’arrêter la beuh depuis quelques mois, mais il sait aussi que, passé ce délai, la question se posera : “Est-ce que je vais me décider à arrêter pour de bon ou est-ce que je vais prendre le risque d’aller en chercher à nouveau ?” Si ce jeune trentenaire, saisonnier dans l’attente de pouvoir reprendre son activité, parle de “risque”, c’est parce qu’il vit en retrait des grandes villes. Pour aller chez son dealer, il doit marcher une vingtaine de minutes jusqu’à la gare, prendre un TER et marcher de nouveau quelques minutes, le tout en étant muni de deux ou trois attestations histoire d’éviter l’amende. “Si tu ajoutes à ça les prix qui ont considérablement augmenté depuis le 17 mars, d’environ 20%, tu te dis que c’est sans doute mieux de rester chez soi.”
“La weed, c’est la drogue du confinement”
Comme souvent, des solutions alternatives se sont mises en place : certains passent leurs commandes directement sur le dark web, d’autres effectuent tout simplement leurs échanges via La Poste, et d’autres encore, comme Simon, pensent à se faire livrer à domicile. Et ce, même si certains dealers ne se déplacent plus pour moins de 200 euros. “Dans mon entourage, précise Loïc, j’en ai même entendu s’essayer au CBD pour combler le manque, mais ils ont fini par revenir au THC, quitte à payer leur gramme plus cher.”
À Paris, Éric et Emilie ne rencontrent pas les mêmes problèmes. S’ils veulent se réapprovisionner, après tout, ils ont juste à descendre au coin de leur rue. Alors, le CBD, ils n’y pensent pas. Stopper leur consommation également. En colocation depuis maintenant deux ans, ils ont simplement changé leurs habitudes : “En temps normal, on aime bien faire tourner nos bédos respectifs, dit Éric. Le problème, c’est qu’on travaille encore tous les deux, on est exposé toute la journée, donc on évite ce genre de partage désormais.” Et Emilie d’ajouter : “En revanche, le rythme s’est un peu intensifié. Mes horaires sont allégés actuellement. Fumer, ça devient un moyen de faire passer les heures, ça permet de planer un peu et d’éviter l’anxiété d’une situation qui se prolonge”
Simon, lui, parle même de la weed comme de “la drogue idéale pour être confiné”. Il précise : “Contrairement à la cocaïne ou à la MDMA, qui sont plus utiles en mode soirée, la beuh est parfaite pour se poser. Tu peux tirer trois ou quatre taffes, reprendre ta série et finir le pète plus tard.” Contraint de prendre ses vacances à partir de la semaine prochaine, Simon craint toutefois de voir sa consommation augmenter ces prochains jours. Et sait qu’il n’a pas le stock nécessaire pour assurer un tel rythme : “C’est pour ça que, de temps à autres, je fume directement à la pipe. L’inhalation est plus rapide, ça nécessite moins de weed et les effets sont plus prononcés.”
Quand on lui parle d’alcool, ce Lillois de 29 ans dit ne pas y penser. Il en a chez lui, mais ne voit pas l’utilité d’en consommer seul. Pareil pour Loïc, qui tente tout de même de relativiser : “Au fond, ça reste le problème d’un fumeur qui peut malgré toute la situation actuelle satisfaire ses envies, contrairement à d’autres qui, loin de tout, sont réellement dépendants, hésitent à se mettre dans le rouge financièrement pour continuer à fumer et risquent d’en souffrir davantage.”
[1] Le prénom a été modifié
>> A lire aussi : “Allo bédo”: les dessous de la weed à domicile
{"type":"Banniere-Basse"}