Puteaux, ses péniches, son potentiel fiscal à 4 270 euros par habitant… et son conseil municipal, véritable cage aux lions. Depuis que l’opposition s’est structurée en 2004 contre la famille Ceccaldi-Raynaud (UMP), qui gère la commune depuis 43 ans, la politique est un vrai spectacle ici. Intrusion.
Au dernier conseil municipal en février, leur opposant le plus virulent et blogueur impénitent Christophe Grébert a été expulsé de la salle, soulevé et traîné par cinq policiers (son interview par StreetPress vaut le détour). Oui, à Puteaux, une dizaine de policiers veillent au bon déroulement du conseil municipal. Dans le procès-verbal, les mots sont lapidaires pour évoquer cette altercation : « Après la sortie de M. Grébert, la délibération est votée. » Les dix derniers points de l’ordre du jour ont en effet été votés sans l’opposition, sortie par solidarité.
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La famille Ceccaldi-Raynaud (Charles le père, Joëlle la fille et Vincent le petit-fils) ne recule devant rien pour éliminer ses ennemis. En 2004, elle a fait courir le bruit que Christophe Grébert avait des penchants pédophiles. Le père et la fille ont été condamnés en 2008 pour diffamation publique.
A l’entrée de l’Hôtel de Ville, un autre journaliste du coin oscille entre excitation et hilarité en tirant sur sa clope. « Ce soir, j’ai enfin le temps de venir, je me suis dit qu’il ne fallait pas louper ça ! » Les deux hommes en bleu dans le hall, air de dur et pouce dans la ceinture, nous observent.
Dans l’ascenseur, un monsieur en jogging m’escorte me fixant. Pour entrer dans la tribune du public, il faut montrer patte blanche en passant sous un portique de sécurité. C’est à cause de ma foutue rédaction mobile que les ennuis commencent : une caméra, un appareil photo, un trépied, un ordinateur, les chargeurs de toussa toussa.
– Vous voulez faire quoi avec ça ?
– Prendre des photos et filmer.
– Cela serait mieux pour tout le monde que vous ne le fassiez pas.
– Pourquoi ?
Le monsieur en jogging sort de la pièce en grognant. J’hésite à la vue de la trentaine de places disponibles (pour une commune de 45 000 habitants) dans « la bulle » : une tribune fermée par une vitre à dix mètres au-dessus de la salle du conseil. Disons-le clairement, on n’y voit rien du tout et on entend parfois.
Le public et les élus commencent à s’installer. Quelques-uns me montrent du doigt de là en-bas. Oh, je crois que le monsieur en jogging a passé la communication.
Je commence à installer mon bordel numérique lorsqu’un petit homme en bleu vient me parler en télégraphique :
– « Interdit caméra, photo. Arrêté municipal.
– Je peux voir l’arrêté ?
– A l’entrée.
Je vais à l’entrée :
– Y a rien.
– Non on l’a enlevé.
– Oui donc je peux en fait.
– …
A 19 heures, la députée-maire Joëlle Ceccaldi-Raynaud, pimpante dans sa jupe-boule verte, ouvre la séance. « Cette fois-ci, j’aimerais que nous travaillions avec sérieux et sérénité. En plus, nous sommes filmés ce soir. »
Je crois que le monsieur en jogging a vraiment passé la communication.
Joëlle Ceccaldi-Raynaud a un léger problème avec la presse. Il y a quelques mois, c’est elle qui a fait acheter par son staff tous les Canard Enchaîné de la ville car le journal du mercredi relatait son implication dans une affaire de pots-de-vin. Cette semaine, le Canard en remet une couche en dévoilant une surfacturation de détecteurs de fumée qui va coûter plus de 280 000 euros à l’office HLM de Puteaux.
La dilapidation de l’argent des contribuables et le clientélisme : c’est ce que dénonce sans relâche l’opposition depuis des années. Quelques exemples évoqués mercredi soir par ces élus (PS-Modem-EELV), relégués au fond de la salle :
– un voyage aux Etats-Unis à 3385 euros par enfant pour 250 ados de la ville, payé à 60% par la ville
– la restauration du toit du club de billard à 100 000 euros
– une affiche – qui a l’air vieille – achetée à 3098 euros
– des travaux de voirie à dix millions d’euros par année depuis trois ans
– une pelletée de droits de préemption qui se transforment en acquisition à l’amiable, chacun de cet achat coûtant plusieurs centaines de milliers d’euros à la ville
– le pactole de 15 millions d’euros dans les caisses de la municipalité, prélevés par le biais des impôts locaux en 2011 mais non investis, etc.
Au bout d’une heure, le ton monte concernant l’absence de Christophe Grébert à une commission, car il assure un flash radio à l’heure où elle siège :
« Vous n’avez aucune leçon à donner, voulez-vous qu’on parle de votre taux d’abstention de 86% à l’Assemblée nationale ? »
– Chaque fois qu’il y aura de la diffamation, je me chargerai de vous poursuivre ! Je ne peux pas accepter qu’à chaque conseil on diffame ! » « Allez reprenons », reprend effectivement la maire avec la subvention aux écoles, tout en coupant subrepticement le micro de l’insolent.
Alors que je me lève pour filmer la scène comme je peux à travers la vitre, le petit homme en bleu fond sur moi : « Pour filmer, c’est en-haut, au dernier rang ». Ah désolée j’ai pas emmené mon méga-zoom.
Ce soir, l’opposition – 8 élus sur 43 – refuse de voter le budget 2012 pour toutes ces raisons et aussi parce qu’il s’élève à 269 millions d’euros. Christophe Grébert conclut son intervention sur le manque de social et d’équité fiscale pour les Putéoliens.
Dans le public, une dame aux cheveux blancs tirée à quatorze épingles souffle bruyamment :
– Enfin, la justice sociale n’est pas le monopole des socialistes !
VGE a sûrement kiffé la reprise.
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