Avec leur projet digital Dada-data, en ligne sur Arte Creative, Anita Hugi et David Dufresne réhabilitent l’esprit du web libertaire en même temps qu’ils saluent l’héritage culturel de dada.
“On ne peut comprendre dada. Il faut en faire l’expérience”, disait en 1920 le poète allemand Richard Huelsenbeck. C’est à la lumière de ce conseil opaque que David Dufresne et Anita Hugi ont développé un projet digital à la mesure de l’esprit dadaïste qu’ils voulaient réactiver à l’occasion du centième anniversaire du mouvement.
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Un mouvement qui, comme le rappelait Régine Abadia dans son documentaire Dada est mort, vive dada, diffusé sur Arte en février, a révolutionné l’art du XXe siècle, en infusant le surréalisme, le situationnisme, la beat generation ou le punk.
“être désespéré dans la joie”
Avec leur projet digital Dada-data, réalisé avec le studio montréalais Akufen, il s’agissait moins pour Anita Hugi et David Dufresne de documenter classiquement l’histoire de dada que de se poser, en action, comme ses héritiers. D’où cet “hommage viral, vivant, vibrant, et ancré dans notre époque, comme dada était en guerre contre la sienne”.
Cet art de “ne pas sombrer dans le pessimisme, le cynisme et le défaitisme pour critiquer son présent”, propre aux agitateurs dada, cet appel à se libérer des normes esthétiques et morales, sont restés les motifs phare de cette bande de fous furieux, dont David Dufresne revendique le geste.
“L’esprit dada, c’est d’être désespéré dans la joie”, affirmait-il lors d’une présentation-bilan de son projet à la Gaîté Lyrique début mars. “Toutes les raisons qui ont fait émerger le dadaïsme sont de retour”, estime-t-il.
Face à “la mainmise des marchands qui ont pris le contrôle des univers numériques”, ce pionnier d’un web indépendant constate que “la révolution internet est en pleine contre-révolution” et qu’à cet égard Data-data est une manière enjouée de renouer avec l’esprit libertaire de l’internet primitif.
Chaos digital
On retrouve ainsi cette éthique subversive du détournement, du collage et du remixage dans tous les recoins de ce projet structuré autour de deux pôles, le “Data-dépôt”, un antimusée numérique, et les “Data-hacktions”, peuplés d’exercices interactifs parfois improbables (imprimer des objets dada en 3D, réaliser des photomontages ou des tweets sans queue ni tête, bloquer les publicités en ligne pour les remplacer par des citations issues du dadaïsme…).
Le mode de navigation reste indexé à une règle intangible, qui se veut à l’opposé de l’ergonomie dominante sur le web : celle de l’aléatoire.
Dans ce chaos digital surgissent de magnifiques surprises, comme cet entretien avec Greil Marcus, dont le célèbre livre Lisptick Traces a analysé combien l’agitation punk héritait directement de l’esprit dada.
Pour parachever cette aventure digitale hors norme, le Cabaret Voltaire de Zurich (antre historique des dadas) accueillait les 4 et 5 mars une centaine de néodadaïstes pour inventer un “manifeste dada digital”, au terme d’un rassemblement extravagant de trente heures. Dada, il faut toujours en faire l’expérience.
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