Fondée aux Etats-Unis par Al Gore, Current TV est une chaîne d’info participative qui crée le buzz grâce à une utilisation intelligente des technologies numériques et un appel à la créativité des jeunes.
Certains ont peut-être déjà entendu parler de la toute jeune chaîne d’info Current TV en mars 2009, lorsque deux de ses journalistes, Laura Ling et Euna Lee, se sont retrouvées dans un sale pétrin en Corée du Nord : douze mois de travaux forcés pour avoir soi-disant pénétré illégalement sur le territoire nord-coréen, quand même, c’est dur. Heureusement, l’affaire s’est bien terminée, avec la libération en août des deux journalistes, grâce à l’intervention personnelle de Bill Clinton. Sérieux, Bill Clinton ?
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Eh oui. Parce qu’il faut savoir que la chaîne appartient à son grand ami, ancien Vice-Président, et Nobel de la Paix 2008, Al Gore. Lancée en 2005 par Gore et l’homme d’affaires Joel Hyatt, Current n’aurait pu être qu’une chaîne d’info de plus, réponse démocrate (certes salutaire) à CNN et Fox News. Mais la chaîne, conçue comme « un mélange entre CNN, MTV et les blipverts (pubs télé ultra-rapides de quelques secondes) » visait un peu plus haut encore : révolutionner l’information à la télé. Rien que ça.
Quand on regarde Current, comme il est possible de le faire sur le site Current.com, sur les satellites américain, canadien, anglais et même italien (bientôt en France ?), on ne comprend d’abord pas bien en quoi tout ça est révolutionnaire. C’est anarchique, aucun doute là-dessus, puisqu’on trouve vraiment de tout et n’importe quoi, un mélange de trivial et d’essentiel qui fait se côtoyer un reportage sur les « camions à tacos » qui utilisent Twitter à Los Angeles pour fidéliser leur clientèle, et un questionnement (un peu) plus sérieux sur ce que signifie le Prix Nobel d’Obama.
L’info elle-même tente ainsi de couvrir le plus de domaines possibles, des affaires internationales à la mode en passant par la musique et le journalisme d’investigation à l’américaine (journalistes undercover avec plein d’action et de descentes de flics…). Mais il semble qu’une règle générale, dans tout ça, soit la pratique de l’ironie et du décalé, jusque dans les sujets les moins funs. Car si Current cite MTV en référence, c’est parce qu’elle s’adresse elle aussi aux jeunes, cette population qui a entre « 18 et 34 ans » et qui boude l’info télé, considérée souvent comme trop biaisée et pas suffisamment stimulante.
Le crédo de Current, c’est donc de créer des programmes d’information « indépendants » et surtout intelligents : plutôt que de marteler l’info à coup de grandes phrases, de ton péremptoire et de témoignages tronqués, les journalistes de la chaîne préfèrent reprendre l’actualité servie ailleurs pour y appliquer un regard critique, qui invite le téléspectateur et la téléspectatrice à réfléchir plutôt qu’à subir passivement les grands titres de la journée. A titre d’exemple, dans le programme phare de Current, Infomania, on recommandera fortement « Target Women » (Femmes cibles), la chronique quotidienne de l’inimitable Sarah Haskins, qui démonte la misogynie sous-jacente omniprésente dans les médias.
Mais l’inclusion de l’audience dans le processus d’information va beaucoup plus loin encore. La grande réussite de Current TV, qui lui a sans aucun doute valu son ascension fulgurante, c’est la pratique de l’info participative. Les auditeurs sont ainsi invités (Current leur prête souvent une caméra) à envoyer leurs « pods », c’est-à-dire des mini reportages sur quelque chose qui les touche de près, à l’équipe de journalistes, qui les sélectionne ensuite et les diffuse en continu. Même dans les émissions « normales » de la chaîne, comme l’émission cinéma animée par les rédacteurs du site Rotten Tomatoes, on demande aux auditeurs de fournir, par webcam, des témoignages et des analyses souvent convaincantes. Enfin, la participation de l’audience touche jusqu’à la pub diffusée sur la chaîne : Current annonce régulièrement sur son site une série de sponsors (L’Oréal, Sony, etc.), et demande aux apprenti-cinéastes de réaliser de courtes pubs au service de ces compagnies, avec une rémunération parfois juteuse à la clé.
Si on peut critiquer certains aspects de Current TV, notamment son manque de profondeur inévitable, on ne peut que se réjouir de la mini-révolution qu’elle a engendré dans le monde de l’info télévisée. Prenant en compte le désir de réflexion et de création de la jeunesse contemporaine, ainsi que les nouvelles possibilités offertes à l’information par les technologies numériques, elle a créé l’équivalent télévisuel et informatif des réseaux sociaux sur le net, type Facebook et Twitter. Résultat : une chaîne d’infos dans laquelle on se sent « connecté » aux autres et, surtout, à l’actualité.
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