La Maison Blanche a fait figurer la député à l’origine de la loi « anti propagande gay » sur la liste des officiels russes interdits de voyage aux Etats-Unis à cause de leur influence dans l’annexion de la Crimée à la Russie. Seul hic : Elena Mizulina n’a joué aucun rôle dans le conflit russo-ukrainien.
C’est un petit détail qui a failli passer inaperçu. Le nom d’une députée russe s’est glissé dans la liste dressée par les Etats-Unis des proches de Poutine interdits de visa pendant six mois à cause de leur rôle dans le rattachement de la Crimée à la Russie. Seul problème : Elena Mizulina n’est pas proche de Poutine, et elle n’a aucun lien avec les questions ukrainiennes.
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La députée est connue en Russie et dans le monde pour une autre raison : en tant que présidente de la commission parlementaire des affaires familiales, elle est à l’origine de la loi fédérale contre la « propagande de relations non traditionnelles devant mineur », promulguée en juin 2013 par Vladimir Poutine. Elle s’est inspirée des lois régionales similaires, qui avaient déjà été adoptées dès 2006 dans la région de Riazan et à Saint-Pétersbourg en 2011, qu’elle a transposées au niveau fédéral, et donc rendues applicables à toute la Russie.
Une pétition pour empêcher Elena Mizulina de voyager aux Etats-Unis
Fin juillet 2013, le militant russe Nikolay Alexeyev, connu pour organiser depuis 2005 des gay pride en Russie et pour avoir gagné la première affaire de violation des droits des LGBT devant la Cour européenne des droits de l’homme en 2010, décide de lancer une pétition sur le site de la Maison-Blanche. L’objectif : forcer les Etats-Unis à faire figurer Elena Mizulina et Vitali Milonov (l’élu responsable de la loi anti propagande de Saint-Pétersbourg) sur une « liste de sanction » afin qu’on leur retire leur droit de visa et leurs propriétés américaines.
Mais la pétition ne recueille pas assez de signatures : selon le récent système instauré par la Maison Blanche, il faut que 100 000 personnes la signent en l’espace d’un mois pour que le gouvernement américain soit obligé de formuler une réponse. Si la pétition est aujourd’hui effacée du site, un proche de Nikolay Aleksevey nous confirme qu’elle n’avait atteint qu’un quart de l’objectif (environ 25 000). Malgré la mobilisation de certains militants, aucune grande association américaine n’a relayé la pétition.
L’annexion de la Crimée et la création d’une liste de sanction
Un an plus tard, des manifestations éclatent en Ukraine après que Kiev a suspendu des longues négociations visant une association entre l’Ukraine et l’Union européenne. La tension monte dans un pays dont une partie de la population est pro-russe, jusqu’au référendum organisé pour les habitants de la région de la Crimée les invitant à choisir s’ils voulaient être rattachés ou non à la Russie. Le 16 mars, 95% des votants répondent par l’affirmative. Deux jours plus tard, le Kremlin proclame le rattachement de la Crimée à la Russie.
Immédiatement, Barack Obama publie une liste de 11 officiels russes interdits de voyager aux Etats-Unis, dont Elena Mizulina. Une liste qui s’allongera par la suite, avec vingt personnes supplémentaires, toutes très proches de Vladimir Poutine.
Pour l’association LGBT russe Gay Russia, pas de doute : Elena Mizunila « n’était qu’une victime indirecte de la crise russo-ukrainienne, quand l’administration américaine a frénétiquement cherché plusieurs hommes politiques russes qui pourraient remplir la liste de sanctions ».
Une impression que confirme Nikolay Alexseyev à Yagg, déçu que les Etats-Unis soient passés par la petite porte pour sanctionner la député :
« Cela aurait dû être fait il y a longtemps, vu son rôle dans l’adoption sur la propagande gay. Mais même de cette façon, ce n’est déjà pas si mal »
« En tout cas, elle sait pourquoi elle a été punie« , nous confie un proche du militant LGBT russe. De son côté, la député russe a uniquement précisé dans un communiqué qu’elle considérait cette sanction comme une « grave violation de [ses] droits et libertés en tant que citoyenne et femme politique.«
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