Sous l’œil inquiet de ses voisins, un sexagénaire nationaliste veut s’approprier la petite ville de Leith, dans le Dakota du Nord. Son but ? Ériger un “bastion de nationalistes”, exclusivement peuplé de blancs.
Située dans le comté de Grant, Dakota du Nord, Leith s’apparente davantage à un hameau fantôme qu’à une ville ; des champs de blé, de l’herbe verte, un bar de village presque aussi vide que les quelques maisons quasiment toutes abandonnées le long du Milwaukee Road et une population de « couleur blanche » majoritairement et dont le nombre d’habitants est flou tant ils sont peu…19 pour le quotidien The Bismark Tribune, 24 selon le New York Times. La terre promise pour Craig Cobb.Celui que le Bismark Tribune décrit comme l’un des « suprématistes blancs les plus extrêmes des Etats-Unis » projetterait de s’accaparer la petite ville pour en faire une enclave de nationalistes blancs, où la croix gammée remplacerait le Stars and Stripes, et les bannières racistes s’arracheraient le rêve américain.
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La presse locale s’est saisie de l’affaire il y a quelques jours après un post publié sur le site d’une association américaine de défense des droits civils basée en Alabama, le Southern Poverty Law Center (SPLC). On y apprend qu’un des habitants de Leith aurait acheté une maison et 12 terrains pour une miche de pain depuis son arrivée dans le comté en avril 2012. Depuis que le scoop a été révélé, le téléphone du maire de la ville Ryan Shock n’en finit de pas de sonner, les résidents de Leith s’inquiétant de ce qui est en train de se passer dans leur commune. Interrogé par l’association, Ryan Shock, assure pourtant n’avoir jamais entendu parler de cet énergumène auparavant :
« Je n’avais pas la moindre idée de qui pouvait être ce Craig Cobb. Tout ce que je sais, c’est qu’il a acheté une petite maison, à l’abri des regards, pour 5 000 dollars (8 600 dollars d’après le New York Times) seulement. Je ne sais même pas à quoi ressemble l’habitation, ni où elle se situe exactement, je ne sais même pas comment il a fait pour connaître le chemin qui mène à notre ville. »
« Un Bureau international de la diaspora blanche »
Qui est ce mystérieux Craig Cobb ? Sur sa chaîne YouTube, ce sexagénaire – chemise à carreaux et barbe non taillée – dénonce les manœuvres des autorités américaines à l’encontre des nationalistes ou interpelle Obama sur la « terreur juive ». Suivi de près par le SPLC, Cobb serait depuis toujours en lien avec des groupes extrémistes influents aux Etats-Unis, tels que National Alliance. C’est en 2005 qu’il se fait repérer par les services du SPLC, lorsqu’ils apprennent que le mari et la mère d’une juge de Chicago, Joan Lefkow, ont été assassinés au domicile de cette dernière. Deux ans auparavant, Craig Cobb avait sciemment publié sur un forum néo-nazi l’adresse du domicile de Joan Lefkow, furieux qu’elle ait statué contre l’Eglise mondiale du créateur rebaptisée le Mouvement de la création – une organisation religieuse prônant la suprématie de la race blanche – lors d’un précédent procès. En 2007, il aurait déménagé en Estonie pour y fonder un mouvement suprématiste européen.
« J’espère pouvoir utiliser ma grande maison en Estonie pour créer un réseau entre nationalistes blancs d’Europe et des Etats-Unis et former, plus concrètement, un Bureau international de la diaspora blanche », avait-il confié un an auparavant à Bill White, leader du parti nazi américain, actuellement derrière les barreaux pour violence, incitation à la haine raciale et discours haineux et ancien administrateur du site Overthrow.com, dédié aux théories anti-communistes, anti-capitalistes et anti-sionistes.
Cobb est un homme de réseaux… sur le Web également. A la même époque, il met en place un réseau de partage de vidéos en ligne réservé aux suprématistes blancs, baptisé Podblanc. Parmi les dernières vidéos postées, on en trouve une comparant les Africains à des animaux, une autre décrivant les « trois Trayvon Martin » inculpés pour le meurtre de Christopher Lane, un sportif originaire d’Australie abattu le 20 août dernier alors qu’il faisait son jogging.
Drapeau nazi éclairé… même la nuit
De retour sur le continent Américain en 2010, Craig Cobb aurait ensuite fui le Canada avant d’être arrêté par les autorités pour incitation à la haine raciale sur Internet, d’après le SPLC. Mais cela ne semble pas avoir eu raison de ses lubies suprématistes. Non content d’avoir échoué dans son projet de communauté nationaliste en Europe, il jette finalement son dévolu sur le comté de Grant. Dans un post publié sur le forum néo-nazi The Vanguard News Network, il décrit ses ambitions conquérantes et appelle « le noyau dur des nationalistes blancs » à le rejoindre, à condition de respecter quelques règles :
« Brandissez une bannière raciste 24h/24 : drapeau nazi, drapeau de la créativité… Il est préférable que le drapeau soit éclairé la nuit. Je peux être en mesure de vous en fournir des neufs quatre fois par an. Faites de votre mieux pour faire venir les plus radicaux des nationalistes blancs. Inscrivez-vous en tant que résident légal du Dakota du Nord à Leith pour pouvoir voter à nos élections locales », précise-t-il.
Cobb s’imagine déjà destituer l’actuel maire de Leith. Il réfléchit à des porte-paroles potentiels et réfléchit à ses premières propositions de campagne comme la création d’une zone interdite aux « envahisseurs illégaux mexicains et aux espions du Mossad ». Et si des journalistes « gauchistes » ou n’importe quel opposant à son mouvement tentaient de réagir, « ils seraient immédiatement arrêtés », prévient-il. Pour l’expert et dirigeant du SPLC Mark Potok, d’autres projets du même type ont déjà vu le jour, notamment dans le Montana… sans jamais aller aussi loin. En 2012, de nombreux suprématistes se sont d’ailleurs présentés aux élections locales américaines. Interrogé par le Bismark Tribune, Potok appelle à la vigilance vis-à-vis de celui qu’il décrit comme l’un des nationalistes « les plus vicieux du coin ». Pendant ce temps, à Leith, les habitants se demandent toujours ce qu’ils peuvent ou doivent faire. Le shérif du comté de Grant a quant à lui déclaré qu’il gardait un œil sur Cobb.
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