Quatrième roue du carrosse des Républicains à la primaire pour la présidentielle de 2017, François Fillon tenait hier un grand meeting pour le plein-emploi. S’il a vendu un meeting « participatif », « interactif » et « novateur », l’ancien Premier ministre a surtout donné le sentiment de faire dans le réchauffé.
En cette fin d’après-midi du mardi 3 mai, le soleil de l’Ouest parisien finit de darder ses premiers rayons printaniers. De quoi détendre François Fillon, debout – sans notes –, sur la scène du Palais des Congrès d’Issy-les Moulineaux. Chemise blanche déboutonnée, absence de cravate, Fillon soigne la forme, prêt à « casser la baraque » comme il le clamait au début du mois d’avril. Il n’y a que le port de la veste – boutonnée elle – qui rappelle qu’il s’agit bien d’un meeting politique et non de la dernière étape d’une conférence organisé par TEDx.
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Devant un bon millier de personnes, le candidat à la primaire des Républicains, quatrième roue du carrosse chez les sondeurs derrière le trio Sarko-Le Maire-Juppé, a présidé son Rassemblement pour le plein-emploi. Sa baseline annonce la couleur : « Faire, enfin. Faire vraiment! » La forme est travaillée : sept personnalités de la société civile (majoritairement des chefs d’entreprises, mâles et blancs) avancent leurs solutions pour faire baisser le chômage. Après chaque intervention, François Fillon se lève, prend le micro et commente ou répond à une question qui lui a été posée sur Facebook ou Twitter depuis le début de l’après-midi. Le show est retransmis en direct sur le site du candidat et sur les réseaux sociaux. Comme dans une bonne vieille télé-réalité, les spectateurs ont eux à voter en ligne parmi les 18 propositions égrenées pour revenir au plein-emploi et faire de la France la première puissance économique européenne d’ici cinq ans.
Fillon se fait voir comme un geek
« Le candidat à la primaire a inventé le meeting participatif et interactif, s’époumone le lendemain Paris Match, ajoutant même qu’il s’agit là d’une petite révolution en matière de communication politique. » Le Point voit en Fillon un « geek » qui « passe à l’offensive ». Le Monde et Le Figaro parlent eux d’un Fillon qui « parie sur la com pour redorer son image » et qui « casse les codes du meeting politique. »
En réalité, François Fillon n’a rien inventé. « Il n’y a qu’une seule chose de véritablement novatrice dans ce meeting de François Fillon, c’est de pouvoir voter sur la priorité des mesures du candidat, tance Paula Cossart, maître de conférences en sociologie à Lille III et auteure de Le meeting politique. De la délibération à la manifestation. Le problème, c’est que ça n’a aucun intérêt. Il n’y avait que des militants acquis à 99% à la cause de François Fillon à Issy-les-Moulineaux. Ce n’était là qu’un coup pour attirer l’attention médiatique sur lui et ça a plutôt bien marché. »
Une méthode éculée mais un beau coup de com
La méthode est éculée. Ségolène Royal en 2007 l’avait déjà employé lors de l’élection présidentielle de 2007. Un an plus tôt, lors des primaires organisées par le Parti socialiste, elle avait misé sur le web et son association Désirs d’avenir. L’idée est alors de collecter les idées de façon participative, en s’appuyant sur les contributions d’utilisateurs d’internet, pour préparer un projet commun. Une méthode pour mieux contourner l’appareil du parti qui lui est hostile et qui peu enclin à financer des meetings traditionnels qui coûtent plusieurs centaines de milliers d’euros ; ainsi Ségolène Royal s’appuie sur la légitimité conférée par les internautes.
Plus récemment, Nicolas Sarkozy, en 2014 alors qu’il lorgnait sur la présidence de l’UMP, a tenu à Troyes un meeting participatif afin de se relancer. L’urgence à droite, à l’époque, était alors de réduire les coûts dans un parti, l’UMP, englué dans la très glissant affaire Bygmalion. « C’est presque une caricature de l’amnésie médiatique de penser que c’est un meeting innovant du point de vue de l’interactivité », résume Paula Cossart qui évoque un coût « dérisoire » de 80 000 euros (une information apportée par France Info) concernant le meeting d’hier soir à Issy-les-Moulineaux.
« On a tout simplement porté plus d’importance à la forme du meeting qu’au fond »
Pour autant, le coup de com’ de François Fillon qui s’est adjoint les services de la star des communicantes Anne Méaux est réussi. Mille personnes dans la salle, dix fois plus connectés sur le site du candidat durant les trois (longues) heures de l’événement ; des connections dans une vingtaine de villes de France et même un spectateur au Kazakhstan (!). Pour Guilhem Fouetillou, cofondateur de Linkfluence, institut d’étude spécialisé dans l’analyse et la cartographie du Web social : « Les éléments de langage transmis par les différents médias depuis hier soir portent moins sur ce que François Fillon a raconté hier que sur le dispositif qu’il a mis en place. On a tout simplement porté plus d’importance à la forme du meeting qu’au fond. » Paula Cossart résume assez bien l’objectif – plutôt réussi – d’hier soir : « Le meeting n’est qu’une façon comme une autre d’occuper l’agenda politique. D’ailleurs, il n’y a pas eu de déclarations incroyables hier soir de la part de François Fillon. »
Finalement François Fillon n’a fait que remettre au goût du jour l’antienne vieille comme le monde politique : « En bien ou en mal, la seule chose qui compte c’est de parler de moi. »
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