Il y a des tas de genres d’équipes dans les comic-books. Des super-héros, des super-vilains, des créatures surnaturelles ; il y en a pour tous les goûts. Et il y a ces personnages plus ambigus qui sont plus ou moins forcés de se réunir pour une cause qui n’est pas forcément la leur. Copra, dans la lignée de Suicide Squad, rallume la flamme.
Une équipe de sales types chargés de faire le boulot dont les agences gouvernementales ne veulent pas a quelques soucis durant une opération clandestine. Dans cette bande, on trouve entre autre des tireurs d’élites, des gymnastes tueuses, des grosses brutes et des sorcières. A la lecture de ces lignes on pourrait croire qu’il est question de Suicide Squad, comic-book majeur de DC des années 80 et adapté en film par Warner il y a très peu (l’auteur est un fanboy et avait d’ailleurs écrit sa propre aventure de Suicide Squad, intitulée Deathzone). En vérité, il s’agit de Copra, une bande-dessinée qui est un classique en devenir, et devrait être lue par le plus grand nombre.
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La série est quasi-intégralement auto-produite par Michel Fiffe. D’abord sortie à un rythme mensuel début 2012, celui-ci a été retardé à plusieurs reprises, et les stocks des premiers épisodes ont été rapidement épuisés. Devant la demande, des compendiums récapitulant les premiers numéros de la série ont été publiés.
Couverture du premier numéro de Copra par Michel Fiffe
Des références nombreuses et une maîtrise des genres
Copra est un hommage intelligent aux comic-books qui mêlent action et intrigues d’espionnage. On retrouve, parmi les personnages et leurs caractéristiques ainsi que les situations dans lesquelles ils sont plongés, des références au Punisher (personnage de Marvel), au Quatrième monde de Jack Kirby ainsi qu’aux penchants mystiques de Steve Ditko avec le Docteur Strange. Il y a aussi une quantité impressionnantes de références à la culture populaire comme le cinéma d’action des années 80, la science-fiction, au fantastique. Un côté tentaculaire naît de ce mélange des genres. Michel Fiffe réussit à donner au lecteur l’impression que l’univers qu’il a créé n’a pas vraiment de fin et parvient à surprendre.
Planche extraite du premier numéro de Copra par Michel Fiffe
Tout ça est, contre toute attente, digeste et très lisible. Michell Fiffe a un vrai talent pour créer du rythme dans l’action et les conversations. Le créateur de Copra arrive, dès les premières cases de la série, à donner vie à un univers cohérent à tous points de vue. Que ce soit l’existence d’une telle équipe de mercenaires, le fait que des factions rivales puissent vouloir en découdre, tout semble naturel.
On rencontre cet ensemble de gueules cassées et de destins brisés au fur et à mesure, ce qui permet de voir quelles sont leurs relations avec les personnages déjà présentés. Leurs affinités, leurs inimitiés se dévoilent progressivement. On comprend ainsi d’une façon très fine pourquoi ils sont partis du groupe, pourquoi ils pourraient éventuellement vouloir y revenir, quels sont leurs intérêts dans la bagarre. Comme ce prince d’une micro-nation a qui on laisse le droit de régner uniquement s’il apporte son assistance à l’équipe de Copra. Ou cet ado détenteur d’une armure puissante mais qui n’a nulle part où aller et qui est protégé par la cheffe de la bande. La narration passe d’un personnage à l’autre en fonction des numéros et permet de bien prendre la mesure de la complexité et de l’hétérogénéité de ce groupe.
Une richesse esthétique
La richesse de cette série se trouve aussi au niveau de son esthétique. Un peu comme avec Mind MGMT de Matt Kindt ou Sweet Tooth de Jeff Lemire, l’aspect graphique peut sembler de prime abord au mieux enfantin, au pire brouillon. Il est en effet loin des canons que l’on peut observer régulièrement dans les livres édités par Marvel ou DC. Mais si les dessins semblent modestes ou peu travaillés au départ, il y a en réalité une très grande richesse graphique derrière chaque page imprimée. Les onomatopées, notamment, sont dessinées. Ainsi le son des coups de poing s’allonge parfois sur plusieurs cases, mutent, changent de texture et de forme.
Couverture du onzième numéro de Copra par Michel Fiffe
Un jeu avec les formes, les volumes et les couleurs s’opère. Le rendu des scènes d’action est extrêmement dynamique et s’approche de ce que l’on a pu voir dans les planches dessinées par Frank Miller dans ses meilleures époques. On retrouve aussi un peu de Jack Kirby pour le côté très psychédélique jouant avec des constructions géométriques et Jaime Hernandez pour l’apparence des personnages.
Couverture du douzième numéro de Copra, dessinée par Michel Fiffe
Une réussite narrative
Pour ce qui est de l’histoire, celle-ci ne connaît pas un seul temps mort et les instants de calme sont propices à l’exploration de la psyché de chacun des membres de l’équipe. Il y a ce qu’il faut de mystère pour provoquer de l’intérêt. Une intrigue en appelle une autre, tout se fait de façon très organique. Pas ou peu de deus-ex machina, les sacrifices et les morts ont leur importance et sont définitifs, ce qui donne une atmosphère particulièrement dramatique et lourde à certains passages de l’histoire.
A tous ces égards, Copra est une réussite, une véritable pépite même, qui tranche radicalement avec la production classique de l’industrie du comic-book américain. Malheureusement, le livre ne peut pas être trouvé en France et n’est disponible qu’en version originale. Il est nécessaire de passer commande auprès de l’auteur et de la maison d’édition qui distribue une partie de sa production. A ce jour 27 numéros ont été publiés et trois recueils compilant les 18 premiers numéros existent. Si vous n’avez pas aimé Suicide Squad, Copra vous plaira sûrement. Et si vous avez trouvé le film génial, vous adorerez forcément l’oeuvre de Michel Fiffe.
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