Grégory Leroy a fondé Hussard. Profitant d’une législation sur les armes un peu plus permissive qu’en France, il s’est installé en Pologne pour proposer une formation antiterroriste à destination d’un public français. L’homme ne se cache pas de surfer sur la peur du terrorisme, quitte à drainer un public dangereux.
La présentation commence par des vidéos amateurs de témoins d’attentats, commentées par des journalistes inquiets. La tension est palpable. Les extraits se suivent et se ressemblent. En arrière-fond, une musique angoissante qui monte. Soudain, une armure de hussard polonais crève l’écran. Et puis tout s’enchaîne au son frénétique de tambours militaires. Des stands de tirs, des commandos armés, du corps-à-corps…
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Bienvenue chez Hussard, la formation anti-terroriste à destination des Français proposée par Grégory Leroy. Il y a quelque mois, ce Français expatrié à Varsovie en Pologne a mis au point ce nouveau stage de trois jours. Un premier évènement est prévu début mai.
Moyennant 349 euros, on peut ainsi s’offrir un programme complet pour faire face au terrorisme. « Tir au fusil d’assaut, tir dynamique aux armes de poing, entretien d’un AK, combat tactique, corps à corps« . Objectif ? « Redonner aux Français le goût du combat armé », selon son fondateur. « Car ils en ont marre de vivre dans un milieu aseptisé. »
« Il vaut mieux avoir peur »
Pectoraux gonflés, barbe de trois jours et bras musclés, le trentenaire est bel homme. Méfiant, il exige que l’entretien soit enregistré « au cas où certains de [ses] propos seraient sortis de leur contexte« . Grégory Leroy parle avec le léger chuintement des gens bien nés. D’ailleurs il ne s’en cache pas. « J’ai fait fortune dans l’immobilier, mais rien de bien glorieux. » Entendre par là que l’argent vient de ses parents, décédés un peu plus tôt. Car l’homme est un entrepreneur et veut ne rien devoir à personne. « En 2012, je payais déjà l’ISF, s’agace-t-il. J’ai décidé de m’expatrier fiscalement. »
Après quelques tentatives dans des paradis fiscaux tropicaux, Grégory Leroy jette son dévolu sur la Pologne parce que « la qualité de vie y est bien supérieure et le coût bien inférieur« .
En parallèle de ses activités dans l’immobilier, il décide de lancer une formation paramilitaire en 2015. « Par passion, pas d’un point de vue financier, précise-t-il. Je veux affirmer ma compétitivité, mais sans m’appuyer sur mon patrimoine. » La Pologne, avec sa législation sur les armes un peu plus favorable que celle l’Hexagone, lui semble être l’eldorado parfait.
Dans un premier temps il axe la formation sur du tir en milieu clos. Mais la formule ne prend pas. L’entrepreneur décide alors, « pour des raisons de communication« , de s’orienter vers une réponse à « des attaques plausibles« . Pourquoi pas le terrorisme ? Sans aucune gène il explique que « puisque la France essuie beaucoup d’attaques, c’est un moyen de prendre des parts de marché« . Avant de lâcher sans fard : « Je surfe sur cette peur du terrorisme, mais cela dit, il vaut mieux avoir peur. »
(Grégory Leroy, en tenue de combat)
« Ils n’auront aucune pitié. Préparez-vous »
La formation serait donc simplement un buzz marketing ? Non, pas tout à fait. « Même si c’est ludique, il y a une vraie visée anti-terroriste« , assure Grégory Leroy. Les sessions sont toutes assurées par des « prestataires extérieurs« , explique le jeune patron qui finance tout, mais reste un peu évasif sur la question. Il faut aller sur le site pour y lire ceci : « Nos formateurs font ou ont fait partie des forces spéciales polonaises. Tous sont encore en activité, pour ces raisons nous ne sommes pas habilités à révéler leur identité. Soyez certains d’être pris en main par des professionnels aguerris. » Le ton est donné.
Toute sa communication est fondée sur les attentats et les risques d’attaques, que cela soit sur le site ou la page Facebook de Hussard. Très régulièrement des vidéos ou photos d’attaques terroristes sont postées, au milieu d’hommes en armes qui vantent la formation. La dernière en date dénonce l’attentat de Stockholm. La photo de la première victime identifiée est affichée, accompagnée d’un texte. « Ebba, la petite suédoise de 11 ans qui revenait de l’école, horriblement démembrée par le terroriste islamique qui lui a roulé dessus. Ils n’auront aucune pitié pour vous, votre sœur, votre femme ou vos enfants. Préparez-vous. »
Pour Grégory Leroy, la France est menacée. Mais « pas que par le terrorisme, aussi par la violence au quotidien, les cris des gens dans la rue, les vols« . Il affiche une vision exaltée de la Pologne et pense qu’il faut « partager cet esprit combatif polonais » absent d’une France dont il fustige « l’immigration incontrôlée« . Quand on lui fait remarquer qu’il est lui-même un immigré, il répond que ce n’est pas pareil. Parce qu’il n’est pas « physiquement si éloigné » des Polonais.
Julien Rochedy et la droite extrême
Pour autant, Grégory Leroy l’affirme, il n’y a rien d’idéologique dans sa formation. D’ailleurs, il raconte n’avoir « aucune haine contre les extra-européens » et avoir passé « deux ans avec une Antillaise« . Il tient à préciser ses positions. « Je ne suis pas un identitaire. Je ne partage pas leur romantisme, ni leur sentimentalisme, je suis un pragmatique. » Pour lui, ces derniers sont « très négatifs, sans idées pratiques, sans dimension physique ». Au fond, le « hussard » en a marre de la France, de ses « incantations républicaines » et des « idées marketing comme ‘Je suis Charlie‘ » qui l’insupportent.
Il n’empêche, dans la sphère qui gravite autour de Hussard, on trouve des personnes affidées de près ou de loin à l’extrême-droite francophone, française, belge et suisse. Toutes sont séduites par le discours extrêmement violent de « Hussard ». Nombre de profils Facebook présents sur sa page sont affiliés à la mouvance identitaire et tiennent des propos plus que limites.
Et, même s’il s’en défend, Grégory Leroy flatte consciemment ce public. C’est ainsi qu’à l’été 2016, il invite Julien Rochedy, l’ancien patron du Front National de la Jeunesse, à « venir tirer dans son stand« . « Je l’ai contacté par Facebook, il était très motivé. » Mais le hussard tient à souligner qu’il n’a « aucun lien avec eux« . Droit dans ses bottes, Grégory Leroy détaille:
« Je suis un opportuniste. J’ai vu ce qu’il écrivait, je pensais que ça pourrait l’intéresser. Je l’ai recontacté ensuite, mais il a refusé. En fait ce n’est pas leur truc à ces mecs, les jeunes de cette génération sont finalement très système.«
Contacté, Julien Rochedy explique que « de passage à Varsovie« , il est venu « tirer quelques heures » et « se faire prendre en photo« . Un peu gêné aux entournures, il met vite fin à la conversation. Mais avant de raccrocher, on lui demande ce qu’il pense de la formation anti-terroriste. « C’est plutôt pas mal de savoir se défendre non ? »
Survivaliste néo-nazi
À cette extrême-droite qui veut en découdre s’ajoute le milieu survivaliste. Une doctrine concoctée dans les années 1950 par les libertariens néo-nazis américains et qui vise à survivre face à une menace identifiée. Si le courant s’est assagi durant les années 1990, il connait un tournant depuis la vague d’attentats de 2015. « Il y a clairement une récupération d’une partie du mouvement par l’extrême-droite, voire par les néo-nazis« , selon Bertrand Vidal. « Des gens comme Alain Soral ont investi ce terrain« , explique ce sociologue spécialiste des mouvements survivalistes.
« Mais moi, je ne suis pas survivaliste« , assure Grégory Leroy. Et, quand on annonce prendre contact avec les personnes présentes sur son site, il préfère prévenir : « Attention, vous allez interroger des gens qui n’ont rien à voir avec moi, ils ne ressemblent à ceux qui viennent se former chez moi. »
Pourtant, les personnes intéressées par sa formation, de près ou de loin, ne semblent pas avoir des idées radicalement différentes de celles du patron de Hussard. Augustin Martinez, « survivaliste né », est inquiet par les « quatre millions d’hommes musulmans en âge de combattre qui se retrouvent à errer dans nos villes« . Cet agent de sécurité de 51 ans, pense que « nous autres Européens avons accueilli dans notre bergerie des loups affamés, mais avons laissé nos moutons avec peu ou aucun moyen de défense. Les loups vont se régaler, vont profiter du festin offert jusqu’au jour où les premiers chiens bergers apparaitront, et là ça sera le chaos ».
Par ailleurs, pour son premier évènement en mai, l’invité phare en tête d’affiche de Grégory Leroy n’est pas n’importe qui. C’est le chantre du survivalisme, le Suisse Piero San Giorgio. « C’est clairement un néo-nazi, tranche Bertrand Vidal. Le problème dans le survivalisme, c’est qu’il faut identifier une menace. Souvent l’immigration ou l’étranger. Ces gens-là en profitent pour distiller leur discours nauséabond. »
« Je ne suis pas d’accord, répond Grégory Leroy. Je le trouve au contraire très fin, très raisonnable. » Une analyse qui peut laisser perplexe. Piero San Giorgio est un grand ami d’Alain Soral, dont il a encadré les commandos survivalistes. L’homme apparait régulièrement sur sa page Facebook en tenue de combat, l’arme au point. Admirateur de Jean-Marie Le Pen et de Serge Ayoub, ce n’est pas un tendre. Dans une vidéo, il avait soutenu que la véritable nature de l’homme était « d’être un waffen SS« . Des propos sortis de leur contexte pour Grégory Leroy.
Electeur de Macron, bienvenu
« D’ailleurs, les opinions politiques ne sont pas une condition pour accéder à la formation« , affirme le trentenaire. Lui qui ne cache pas qu’il va voter pour Marine Le Pen (il vote encore), assure en riant qu’un « électeur de Macron est le bienvenu ».
Et puis, il a décidé d’élargir son public et ne plus s’adresser qu’aux Français. Car parmi la dizaine d’inscrits en mai, beaucoup sont étrangers. « Je vais tout passer en anglais, le marché est plus porteur. »
Quant au risque de former des gens violents, qui risquent de prendre les armes, « une possibilité » selon Bertrand Vidal, Grégory Leroy n’y croit pas. « Les nationalistes se chient dessus. Et les mecs à la Breivik, ils font ça seuls dans leur coin. » Avant de conclure. « Mais c’est aussi le risque qui en fait un concept intéressant ! »
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