A l’initiative du PCF, toutes les familles de la gauche et des écologistes ont affiché leur opposition à la réforme des retraites lors d’un meeting commun. De là à s’unir sur un programme alternatif, le chemin est encore très long.
Oh, la belle photo de famille (recomposée) ! Ce 11 décembre, à l’initiative du PCF, la gauche et les écologistes se sont réunis le temps d’un meeting contre la réforme des retraites, à la Bourse du travail de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). La liste des intervenants donne l’ampleur de la fragmentation du puzzle de ce côté de l’échiquier politique : Nathalie Arthaud (Lutte ouvrière), Guillaume Balas (Génération. s), Julien Bayou (EELV), Olivier Besancenot (NPA), Eric Coquerel (France insoumise), Olivier Faure (PS), Marie-Noëlle Lienemann et Fabien Roussel (PCF).
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Avant l’ouverture du bal, tout ce petit monde se tape dans le dos, s’envoie des grands sourires et des “ça fait longtemps !” en se serrant la paluche. L’instant est rare. Puisque les syndicats prouvent qu’ils bougent encore (“On nous a traités de morts vivants pendant des mois, on est là et bien là”, affirme Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT, le jour même dans Libération), la gauche veut retrouver quelques sensations. “Si vous êtes là, c’est bien qu’il se passe quelque chose”, prophétise un militant en avisant du regard les nombreux journalistes présents.
“C’est quand même un peu de la magie”
Il faut dire que le timing était parfait (un hasard du calendrier). Quelques heures plus tôt, le Premier ministre Edouard Philippe faisait ses annonces sur la réforme honnie. Il avait prévenu qu’il n’y aurait “pas d’annonces magiques”. C’est peu de le dire. Il a même réussi à s’aliéner la CFDT et la CFE-CGC (syndicat des cadres), qui rejoignent l’appel à manifester le 17 décembre. A cette nouvelle, la salle explose. Eric Beynel, porte-parole de Sud-Solidaires, tempère, amusé : “C’est quand même un peu de la magie de faire applaudir la CFDT à la Bourse du travail de Saint-Denis !” Le ton du meeting est donné, entre pessimisme de la raison (l’union de la gauche sur un programme commun n’est pas pour demain) et optimisme de la volonté (mais les circonstances appellent à mettre de côté les querelles pour obtenir une victoire).
Fabien Roussel, le patron du PCF (qui, en jouant le passe micro, se place au centre du jeu institutionnel pour les semaines à venir à gauche), fixe tout de suite une ambition qui a le mérite de mettre tout le monde d’accord : “Ce qui est important, c’est de pouvoir afficher notre unanimité contre la réforme du gouvernement.” Olivier Besancenot, le plus unitaire des anticapitalistes, acquiesce : “Je prends ce meeting comme un rendez-vous d’engagement. On dit à celles et ceux qui se mobilisent qu’on les accompagnera jusqu’au retrait de la réforme.” Difficile cependant de maintenir l’illusion d’une parfaite symbiose. Le quinquennat de François Hollande a laissé des traces. Le postier du XVIIIe arrondissement les souligne en mentionnant un certain gouvernement de gauche “pas capable de revenir sur les réformes libérales” déjà mises en œuvre par la droite sur les retraites.
“Ayons les yeux qui brillent”
Olivier Faure, forcé de dire à la fois qu’il “n’y était pas” mais d’“assumer” en même temps une partie du bilan de l’ex-président socialiste, n’est pas ravi que le numéro de prestidigitation ait été de si courte durée. Il affirme pour sa part l’appartenance des forces en présence à une “famille de pensée commune”. Julien Bayou, l’ancien agitateur de Jeudi noir élu il y a dix jours secrétaire national d’EELV, ajoute son petit grain d’utopie (“Ayons les yeux qui brillent”), et cite Martin Luther King : “Pas besoin de voir tout l’escalier pour gravir la première marche.” Les yeux de certains brillent, mais en l’air.
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La philosophie est certes là : tous s’opposent à la retraite par points, refusent l’avancement de l’âge de départ à la retraite, souhaitent la prise en compte de la pénibilité au travail et l’égalité femmes-hommes… Mais pour le discours de la méthode, on repassera plus tard. De la “levée en masse des travailleurs” (Nathalie Arthaud), au “programme des biens communs” souhaitable pour rassembler la gauche (Julien Bayou), en passant par la mise en place d’un “intergroupe” à l’Assemblée et au Sénat pour faire passer des amendements communs si la réforme venait à passer (Olivier Faure) : les musiciens de cet orchestre ne jouent décidément pas la même partition.
“L’unité se consolide dans l’action”
Heureusement, ils s’en rendent compte. “Camarades, il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs. Il faut mouiller le maillot, le reste, c’est des histoires pour enfants”, résume Olivier Besancenot. Avant de plancher sur une “contre-réforme”, comme le souhaite le PCF, l’impératif est de “montrer qu’on peut résister” (Marie-Noëlle Lienemann), et d’“aider les caisses de grève” (Eric Coquerel). Le rêve de l’union paraît alors si loin qu’ils en seraient presque partis amers, si Gérard Filoche, soixante-huitard pur et dur, ancien trotskiste et longtemps membre du PS, ne s’était pas levé dans la salle pour prendre le micro et rappeler un des fondamentaux de l’histoire du monde ouvrier : “L’unité se consolide dans l’action.”
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