Trois minutes de happening, trois heures de verdict, trois ans requis par le procureur. Ce seront finalement deux années de camp. L’un de nos journalistes était sur place. Le procès des Pussy Riot raconté de Moscou.
Pendant que le Très vénérable Kirill serrait des pognes en Pologne, elles se sont fait pincer. La prière punk n’est pas la tasse de thé du patriarche. Mais, assure-t-il maintenant que les Pussy Riot sont derrière les barreaux, les chrétiens devraient leur pardonner. Trop tard.
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Tout au long de la procédure, on se serait cru « dans Alice au pays des merveilles », lança un jour d’audience houleuse Violetta Volkova, avocate de la défense. Lorsque la juge Syrova commence à dérouler, ce vendredi 17 août, un énoncé du verdict de près de trois heures qui rappelle point par point la haute culpabilité des jeunes femmes, là on se dit que ça sent mauvais. Debout tout ce temps, l’auditoire n’en peut plus, et probablement les accusées non plus, lesquelles accueillent le long exposé des chefs d’accusation dont elles font l’objet avec force sourires, bâillements et parfois même rires.
À l’extérieur du tribunal Khamovniki de Moscou, une masse de journalistes qui n’ont pas encore pu accéder à la salle piétine devant l’entrée. Certains d’entre eux n’hésitent pas à interpeller l’opposant et blogueur anti-corruption Alexei Navalny qui tente lui aussi une percée, s’offusquant qu’il n’y ait ensuite plus de place pour eux. Moins heureux que Navalny qui repartira chez lui après l’audience, les opposants Garry Kasparov et Serguei Oudaltsov finissent au fond d’un fourgon de police « sans raison », estiment-ils. Pendant ce temps, quelques dizaines d’autres arrestations de manifestants pro Pussy Riot ont lieu, beaucoup n’ayant pas même le loisir de déplier leurs pancartes de soutien. Soutien qui s’est organisé très tôt dans la journée et dont la palme revient peut-être au groupe FEMEN, sorte d’alter ego ukrainien des Pussy, dont l’une des activistes n’a pas hésité dans la matinée à couper à la tronçonneuse l’immense croix de bois qui jouxt(ait) la principale place de Kiev.
Finalement, le verdict complet attendra 17 heures passées à Moscou. Et même si tou(te)s soupçonnent une peine conséquente, les réactions sont vives. Debout dans leur box en verre, Nadejda Tolokonnikova, 22 ans, Ekaterina Samoutsevitch, 30 ans, et Maria Alekhina, 24 ans, sont maintenant assurées de passer les 18 prochains mois de leur vie en camp, loin de leurs jeunes enfants, et semblent réaliser que ce n’est pas qu’un mauvais rêve. Reconnues coupable de « hooliganisme » et d’ « incitation à la haine religieuse », elles écopent de deux ans de prison : un an et demi à partir de ce jour donc, si l’on tient compte du fait que les accusées sont en détention provisoire depuis déjà six mois comme le précise la juge.
« Honte ! » crie une voix invisible dans la salle, tandis que dehors, les esprits s’échauffent de plus belle. Les soutiens sont d’abord atterrés, les parents dévastés. Les avocats tout aussi abattus et songeurs. « Nous ne pouvons même pas dire qu’une seule règle ait été respectée dans ce procès », assure une Violetta Volkova en colère. « Les autorités n’ont pas même essayé de lui donner un semblant de légalité, comme pour un procès qui serait basé sur la loi de la Fédération russe. Les violations ont été générales et systématiques. Les filles ont été torturées. Quant à la juge, là on atteint le paroxysme ! » Pour l’avocate, c’est Vladimir Poutine en personne qui a décidé du jugement de ses clientes. Et il ne fait aucun doute que le tribunal est à sa botte.
La police prévient qu’elle va embarquer tout le monde si les manifestants ne se dispersent pas. « Non, nous ne partirons pas ! », s’entendent répondre les forces de l’ordre. Assez nombreux pour n’être pas inquiétés (d’autres arrestations ont tout de même lieu jusque dans la soirée), les militants entonnent alors un air dédié à leurs muses : « Vierge Marie, délivre les Pussy Riot ! ».
À défaut de la Vierge, Vladimir Poutine pourrait sans doute faire quelque chose. Ce à quoi les Pussy Riot se refusent catégoriquement. Elles ont indiqué plus tôt qu’elles refuseraient de demander au président russe de les gracier. Les Pussy Riot voulaient frapper un grand coup. « Contre la machine judiciaire, disait cette semaine Ekaterina Samoutsevitch, nous sommes seules, nous avons perdu. D’un autre côté, nous avons gagné. Le monde entier a pu voir. »
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