A la faveur de lieux emblématiques et de chefs venus de tous les horizons, les tables parisiennes ont redoré leur blason. Au restaurant Septime de Bertrand Grébaut, ex-graphiste désormais chef star de 32 ans, un poulpe a le goût délicat d’un céphalopode tout frais mais surtout pas son look brutal. Le tentacule arrive dans l’assiette […]
A la faveur de lieux emblématiques et de chefs venus de tous les horizons, les tables parisiennes ont redoré leur blason.
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Au restaurant Septime de Bertrand Grébaut, ex-graphiste désormais chef star de 32 ans, un poulpe a le goût délicat d’un céphalopode tout frais mais surtout pas son look brutal. Le tentacule arrive dans l’assiette courbé comme le « swoosh » des baskets Nike. On ignore si c’est fait exprès, mais le plat s’envole instantanément : à la cuisson précise s’ajoute le sentiment d’un désordre géographique stimulant, comme si la mer s’offrait une virée urbaine. D’ailleurs, le bitume de la rue de Charonne nous attend à la sortie. Ce genre de croisement entre le style et l’attitude pourrait définir un mouvement parisien de fond, hérité notamment de la « bistronomie » des années 1990-2000 (d’Yves Camdeborde à Iñaki Aizpitarte en passant par Raquel Carena) mais aujourd’hui décuplé.
Il faut dire que la capitale revient de loin. Il y a dix ans, on n’aurait pas donné cher de la peau d’un foodie de passage. Il fallait un ami bien informé ou des guides lourds comme des pierres pour dénicher des restaurants cool et bons sans trop se ruiner. Aujourd’hui, une année ne suffit pas à faire le tour des lieux émergents où de jeunes cuisiniers au look de rock-stars, aux plats spontanés et aux influences internationales ont pris le pouvoir. Au-delà de Grébaut, Gregory Marchand (Frenchie), Sven Chartier (Saturne), Romain Tischenko (le Galopin) ou encore Paul Boudier (second au Chateaubriand) constituent une avant-garde courue, souvent formée chez les grands – Passard, Jamie Oliver – mais allergique aux étoiles…
C’est aussi grâce à des chefs étrangers qui ressemblent comme des frères à leurs pairs français chevelus que Paris s’éveille. L’Australien James Henry, ancien surfeur, a ouvert Bones dans le XIe arrondissement il y a moins d’un an. Il considère la Ville lumière « accueillante pour les chefs venus d’ailleurs », qui aiment se frotter à la tradition hexagonale, un peu comme les créateurs de mode rêvent de défiler à Paris. Son credo ? « Au Bones, il y a du bruit. C’est une décision consciente, le reflet de notre jeunesse. On s’éclate en mangeant et on aime écouter de la musique quand on travaille. On parle d’un restaurant, ce n’est pas si sérieux. » Si les Anglo-Saxons et les Européens sont nombreux, comme Shaun Kelly (Au Passage), Simone Tondo et Michael Greenwold (Roseval) ou Giovanni Passerini (Rino), la vague montante est actuellement japonaise, dans la foulée de Katsuaki Okiyama (Abri), Sota San (Vivant Cave), Ichiei Taguma (Chez la vieille) et Daï Shinozuka (les Enfants rouges). Tous mêlent leur histoire personnelle à la cuisine locale.
En 2013, Paris ressemble à l’idée que l’on pouvait se faire de New York et de Londres il y a quelques années : une capitale culinaire cosmopolite où les saveurs les plus mélangées peuvent apparaître à chaque tournant. C’est aussi le sens de l’explosion de la cuisine de rue et des fast-foods nouveau genre, comme les Coréens Ma Kitchen et Jules et Shim, les sandwichs revisités de CheZaline ou le récent et très réussi fish and chips de James Whelan et Michael Greenwold, The Sunken Chip. Sans oublier les coffee-shops qui fleurissent dans les quartiers bobos et les lieux hybrides qui se piquent, comme chez Holybelly, de proposer à la carte du café et des pancakes aussi bien que de la saucisse de Morteau. Paris ne se ressemble plus et c’est une bonne nouvelle.
Olivier Joyard
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