Entre les chiffres des syndicats et ceux de la police, le nombre de manifestants peut varier du simple au double, voire au triple. Mauvaise foi, méthodes différentes ou pifomètre, comment en arrive-t-on à de tels écarts ?
Alors, combien de manifestants pour le défilé du 1er mai ? Comme chaque fois, entre préfecture de police et syndicats, les chiffres diffèrent : 195 000 pour les uns, 350 000 pour les autres.
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A première vue, pourtant, police et syndicats se basent sur les mêmes éléments : le nombre de personnes par rangée, la longueur du défilé, sa rapidité. Le problème, c’est qu’après, chacun fait sa sauce avec les outils dont il disposent. Et les méthodes varient à la marge.
Sur les trottoirs, par exemple. Doit-on comptabiliser les gens qui ne marchent pas sur la route? Oui, selon les syndicats, non, selon la police. La justification est donnée dans Les Echos : « Les services d’ordre les encadrent normalement sur la chaussée. » Mais le quotidien relève une bizarrerie. Pour la Gay Pride, trottoir ou pas, tout le monde est comptabilisé.
Après, chacun est plus ou moins laxiste ou tatillon. C’est selon de quel côté on se place. Chez Force ouvrière (FO) par exemple, « on fait à peu près, explique-t-on. On regarde la longueur du parcours sur mappy, la largeur des rues. On considère qu’il y a une personne et demie sur un mètre carré. Et on fait le calcul par rapport à la surface du cortège. » Sauf que la police, elle, compte une personne par mètre carré pour un cortège serré.
Des écarts de 1 à 5 à Marseille
C’est sur des détails de ce genre que se jouent les écarts. Mais de là à voir les manifestants multipliés par trois, cinq, voire dix, y a de la marge. En 2006, les manifestations contre le CPE se soldent par des écarts faramineux : 84 000 manifestants selon la police, 700 000 pour les syndicats! A cette occasion, histoire de clarifier les choses, Nicolas Sarkozy demande un rapport sur les méthodes de comptage utilisées qu’il juge « complètement dépassées, datant des années 1960 ». On ne sait pas ce qu’il en est advenu, mais rien n’a changé.
Et la palme de l’hyperbole revient souvent à la ville de Marseille. Pour la dernière manif du 23 mars, « les chiffres allaient du simple au double. Avec un pic de un à cinq à Marseille », indique le quotidien Les Echos.
Les syndicats, eux, parlent de « mystère ». Mais émettent quelques hypothèses : « La police cherche à minimiser les chiffres », arguent-ils. « Nous, si on gonfle un peu les chiffres, c’est vraiment à peine », concède la CGT. A la CFTC, on tranche : « Je sais pas si c’est nous qui sommes de bonne foi ou la police. Mais je pense que personne n’est vraiment de bonne foi. » Les chiffres publiés sont donc toujours un peu politiques. Mais c’est le jeu.
A la CFTC, on explique qu’on se fie à « la largeur des boulevards et au temps d’écoulement des manifestants ». Mais aussi à « l’expérience des années précédentes. » Autant dire, une science exacte… Et on ne s’embarrasse pas d’instruments de mesure. « On ne va pas placer un compteur derrière chaque manifestant. »
Clic-clic ou vue aérienne
Pourquoi pas justement s’armer d’un compteur à main, aussi appelé « clic-clic » ou compteur d’événement ? Chaque fois qu’un manifestant passe, clic, on appuie sur le compteur. Et ainsi de suite pour les milliers de personnes suivantes. C’est rustique et faut avoir le temps. Mais ça reste encore la technique la plus fiable.
C’est un peu la méthode de la police d’ailleurs. A ceci près que les agents se relaient pour compter les rangs de manifestants. Au préalable, ils estiment le nombre de personnes par rangée, en fonction de la largeur de la rue. Pour plus de précision, la préfecture de police couple ce comptage avec des éléments comme la surface de la manifestation, la largeur des rues empruntées.
En fait, il n’y a que pour les très grosses manifestations que la préfecture déploie l’artillerie lourde. Des hélicoptères pour prendre des vues aériennes et ainsi calculer la surface du cortège. Mais toujours avec une base d’une personne par mètre carré…
Ce qu’il faut retenir, c’est que si vous ne voulez pas qu’on vous prenne pour un simple touriste avec une pancarte à la main, évitez de marcher sur les trottoirs.
Photo : Manifestation des enseignants le 20/11/2008, idf-fotos/Flickr
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