La semaine dernière : de l’huile sur le feu, de la droite décomplexée, des liens affectifs avec une chaîne, des soldats obéissants et du beau, du bon, du Bolloré.
Mon cher Inrocks, Dominique Delport, le bras droit de Vincent Bolloré définit le “nouvel esprit Canal”, slide sur Powerpoint à l’appui : “Il faut éviter l’irrévérence car c’est segmentant. Il ne faut pas diviser la société française, Canal ne doit plus mettre de l’huile sur le feu.”
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Alors là, je ne comprends plus. J’avais cru que Bolloré était de cette droite décomplexée qui n’hésitait pas à mettre de l’huile sur le feu, à cliver pour mieux rassembler et à déplorer que les Zemmour qui appellent un chat un chat et un musulman un délinquant soient absents de ses antennes.
Mais c’était quoi l’irrévérence selon Canal ?
Et voilà que son bras droit nous sort un programme à la Hollande, semblant confondre le “nouvel esprit Canal” avec celui du 11 Janvier. Deuxième incompréhension : le “nouvel esprit canal” doit en finir avec l’irrévérence. Donc, l’ancien “esprit Canal”, c’était l’irrévérence ?
Le Grand Journal, par exemple ? La grand-messe où les politiques se précipitaient pour débiter leurs éléments de langage sans que jamais la réponse à une question gênante ne puisse être entendue, puisqu’il fallait passer à la météo de Machine, à la pastille humoristique de Truc ou à la chronique littéraire de Bidule, mais tout de suite la pub, c’était ça, l’irrévérence ?
“Division” + “huile sur le feu” = Bolloré
Ce qui est encore plus dingo dans la définition de Dodo la Bollorure, c’est que si le “nouvel esprit canal” doit éviter “l’irrévérence”, “la division” et “l’huile sur le feu”, alors, il va vite falloir prévenir le patron ! Parce que dans le genre, c’est un client, Vincent.
On n’a pas fait mieux depuis longtemps à Canal. Il débarque dans la boutique, on lui explique qu’ici ce n’est pas vraiment une chaîne de télé, que c’est bien plus que cela, “un objet culturel (…) un état d’esprit”, qu’il y a un “lien affectif” entre la chaîne et ses abonnés, qu’il ne faut jamais au grand jamais trahir “l’esprit Canal”.
Tant pis si les audiences s’effondrent
Il écoute le prêche, et d’un coup, il saisit ce pauvre petit esprit Canal, soudain transi de peur, le présente à la foule, fait un grand sourire et crac, il l’écrabouille dans sa main. Ça, c’est de l’irrévérence ! Mais l’irrévérence, comme dit Delport, c’est segmentant. Du coup, les critiques fusent.
Mais il s’en fout, Vincent. C’est SA boîte, il fait ce qu’il veut. L’image de la marque se détériore et la sienne aussi, les audiences s’effondrent et la presse s’enflamme. Bolloré remet de “l’huile sur le feu”.
Bolloré est punk !
Et une petite louche par-ci : il décapite tout l’organigramme du groupe et remplace les têtes pensantes par des soldats obéissants et incompétents. Et une autre par-là : il censure des documentaires qui, du coup, sont diffusés en clair sur d’autres chaînes plus regardées, avec le label “détesté par Bolloré”, le nouvel équivalent à Paris du prix Albert Londres.
Rien à foutre. C’est son joujou, il l’a payé, c’est son business. Delport a tout faux. Bolloré est un punk, et le “nouvel esprit Canal”, c’est no future.
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