A partir de mardi 3 septembre, différents acteurs des services de l’Etat, des associations et des familles de victimes se réuniront pour discuter des mesures à prendre afin de lutter plus efficacement contre les féminicides. Que peut-on attendre de ce Grenelle des violences conjugales ?
Douze semaines de discussion destinées à faire reculer les féminicides. Mardi 3 septembre débute le Grenelle des violences conjugales, qui s’achèvera le 25 novembre. Les dates ont été minutieusement choisies pour faire écho à la lutte contre les violences physiques et sexuelles dont sont victimes chaque année environ 220 000 femmes, selon les statistiques officielles.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Le Grenelle commencera le 3/9/19 afin de promouvoir le 3919, le numéro d’écoute national consacré aux femmes victimes de violences conjugales, et prendra fin le 25 novembre, date de la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes.
Organisées à l’initiative de Marlène Schiappa, les réunions se tiendront à Matignon mais également en région où 91 Grenelle locaux sont organisés. Des acteurs aussi divers que des représentants des services de l’Etat, des associations, des proches de victimes, des avocats ou des professionnels de santé y participeront.
Pourquoi organiser un Grenelle des violences conjugales ?
Alors que la lutte contre les violences conjugales a été décrétée « grande cause du quinquennat » par Emmanuel Macron, depuis le début de l’année 2019, 101 femmes ont été tuées par leur conjoint ou leur ex-compagnon. Ainsi, tous les deux jours et demi, une femme est victime de féminicide en France, tandis que 200 000 agressions ont déjà été signalées en 2019.
Pour lutter contre ces crimes, la secrétaire d’Etat chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes Marlène Schiappa a annoncé en juillet dernier la tenue d’un Grenelle des violences conjugales. Des réunions dont le but sera de proposer des mesures et d’identifier les moyens les plus efficaces pour lutter contre les féminicides. Le gouvernement devra ensuite se saisir de ces recommandations, et proposer à son tour des réformes concrètes pour protéger les victimes de violences conjugales.
Comment sera organisé le Grenelle ?
Ce mardi 3 septembre, Marlène Schiappa mais aussi les ministres de la Justice, de l’Intérieur, de l’Education ainsi que les secrétaires d’Etat au logement et à la Protection de l’enfance seront accueillis à Matignon par Edouard Philippe pour l’ouverture du Grenelle.
En plus des ministres et de leurs représentants, environ 80 personnes issues de domaines différents feront vivre les discussions. Des agents publics, des associations, des acteurs de terrain, des représentants des forces de l’ordre, des professionnels de santé, des magistrats et avocats, ont ainsi été conviés.
La secrétaire d’Etat a souligné auprès du Monde la nécessité de mettre en œuvre « action coordonnée » pour lutter efficacement contre les violences conjugales. « Il faut décloisonner, faire travailler ensemble les différents acteurs », a-t-elle précisé dans les colonnes du quotidien.
Des familles de victimes prendront également part aux discussions, mais toutes n’ont pu être conviées, faute de place. Marlène Schiappa a annoncé qu’elle recevra les proches n’ayant pas été invités à participer au Grenelle pendant l’après-midi du 5 septembre. « Je recevrai toutes les familles qui en feront la demande par mail à grenelle@pm.gouv.fr », s’est-elle engagée via une vidéo diffusée par le ministère.
Je veux que toutes les familles des victimes de #féminicides qui veulent être entendues par les pouvoirs publics le soient. J’organise donc un temps de portes ouvertes au ministère pour elles. 👇🏾 #GrenelleViolencesConjugales pic.twitter.com/X3zphun011
— 🇫🇷 MarleneSchiappa (@MarleneSchiappa) September 1, 2019
Les débats s’organiseront autour de trois grandes thématiques : « Prévenir », « Protéger et prendre en charge » et « Punir ». Les participants seront ensuite scindés en une dizaine de groupes de travail afin de débattre et de formuler des propositions à l’attention du gouvernement.
Les réunions auront lieu un peu partout en France. Pilotés par les préfets, 91 Grenelles locaux se tiendront tout au long des douze semaines de discussion. Une carte interactive a été créée afin de recenser et de géolocaliser les lieux de rencontres.
Quelles mesures sont attendues ?
D’après le Monde, des premières mesures, probablement basées sur les solutions avancées depuis longtemps par les associations, devraient être annoncées par Edouard Philippe dès l’ouverture du Grenelle.
Ainsi, de nouvelles dispositions législatives devraient être adoptées par le ministère de la Justice. Avec notamment la mise en place des bracelets électroniques dès dépôt de plainte, ainsi qu’une mise à disposition plus fréquente des téléphones « grave danger » pour les victimes.
Des mesures concernant le relogement des femmes qui désirent quitter leur domicile devraient également être proposées. Il existe actuellement des foyers d’hébergement spécifiquement destinés aux femmes qui subissent des violences conjugales, mais ils sont saturés et leur qualité d’accueil très disparate en fonction des territoires. De nouvelles places devraient donc être ouvertes.
Du côté du ministère de l’Intérieur, les attentes se concentrent surtout sur la formation des agents qui reçoivent les plaintes des victimes. Le ministre de l’Education devrait, pour sa part, s’engager sur des actions de prévention concernant les violences dès l’enfance. Le retrait de la garde des enfants à un parent reconnu coupable de féminicide devrait être envisagé par le secrétaire d’Etat chargé de la Protection de l’enfance.
Quel budget pour lutte contre les violences conjugales ?
A l’heure actuelle, aucun budget n’a été alloué pour financer la lutte contre les violences conjugales. Interrogée par le Figaro le 29 août, Marlène Schiappa assurait alors qu’il s’agissait « d’abord de définir les politiques publiques que l’on souhaite mettre en place, ensuite on trouvera les financements ».
D’après le rapport Où est l’argent contre les violences faites aux femmes ?, publié fin 2018 par le Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes (HCE), à minima 506 millions d’euros annuels seraient nécessaires pour pouvoir lutter efficacement contre les violences conjugales. Le budget actuel qui y est actuellement consacré est bien inférieur : il est estimé par le HCE à environ 79 millions d’euros par an. Selon les associations qui prennent en charge les victimes, ce budget devrait s’élever à un milliard d’euros pour être réellement efficace.
La secrétaire d’Etat à l’Egalité entre les femmes et les hommes a cependant annoncé la création du « Fonds Catherine contre les féminicides », doté d’un million d’euros, destiné à des associations locales. « Nous pensons que c’est surtout là qu’il manque de l’argent. Ce fond est baptisé ‘Catherine’ car il y a en France autant de femmes victimes de violences que de femmes qui s’appellent Catherine. Cela doit amener chacun à s’interroger. Vous connaissez combien de Catherine ? Vous connaissez sans le savoir autant de femmes victimes de violences conjugales », a expliqué le 29 août Marlène Schiappa auprès de Ouest France.
Comment le Grenelle est-il accueilli par les associations ?
L’avis des associations qui viennent en aide aux victimes et à leurs familles est pour le moins mitigé concernant ce Grenelle. Toutes ne sont pas convaincues de l’utilité d’un tel dispositif : « Nous n’avons pas besoin de réunions nous avons besoin d’actes et de moyens #1milliard », tonne par exemple le collectif #NousToutes sur Twitter.
Elles s'appelaient Sarah et Céline. Elles avaient 38 et 41 ans. Elles ont été assassinées par leur ex-conjoint. @EmmanuelMacron, nous n'avons pas besoin de réunions, nous avons besoin d'actes et de moyens. #1Milliardhttps://t.co/fTpgp6XVjl
Source : @feminicidesfr pic.twitter.com/fGSIyTftgs— #NousToutes (@NousToutesOrg) August 28, 2019
[Féminicides] Début juillet, suite à une tribune publiée par plusieurs féministes dans @lemondefr, le gouvernement annonce qu’il va ouvrir des hébergements dès cet été.
Vous savez quoi ? Ils ont menti. Aucune place supplémentaire n’a été créée. 😡 #thread— #NousToutes (@NousToutesOrg) August 31, 2019
Pour nombre de ces associations, l’arsenal juridique français est déjà conséquent, mais sous-utilisé. Des militantes soulignent l’existence de solutions trop peu utilisées comme les ordonnances de protection et le « téléphone grave danger ». « Cela fait bien longtemps qu’on sait et qu’on dit ce qu’il faudrait changer », s’est par exemple insurgée sur France inter Isabelle Steyer, avocate très impliquée dans la défense du droit des femmes et des enfants. Le collectif Féminicides par compagnons ou ex appelle à une marche vers Matignon, mardi 3 septembre.
De manière générale, les associations de défense du droit des femmes, qu’elles participent au Grenelle ou non, revendiquent l’obtention de moyens supplémentaires, mais aussi une meilleure formation des agents des forces de l’ordre qui reçoivent les plaintes, des places supplémentaires pour l’hébergement des victimes et une meilleure coordination entre les services de la justice. Sujets qui seront sans doute discutés pendant le Grenelle, l’enjeu portant davantage sur les mesures effectives qui seront prises, ou non, par le gouvernement.
{"type":"Banniere-Basse"}