Interview forcée de l’escrimeuse française Lauren Rembi, comparaison d’athlètes japonaises avec des Pikachu, le facepalm est de circonstance devant les commentaires des Jeux olympiques en France et ailleurs. Malheureusement, le succès des athlètes féminines est, semble-t-il, toujours difficile à célébrer.
“C’est beau à voir hein, cette équipe ! On dirait un petit manga, il y a tous les petits personnages qui sont contents.” Non vous n’avez pas rêvé, c’est bien le seul moyen que Thomas Bouhail, commentateur de France 2, a trouvé pour décrire l’enthousiasme des gymnastes japonaises lors de leur passage en direct dans la nuit du dimanche 7 août. Lui-même ancien gymnaste, vice-champion olympique en 2008, désormais consultant pour la chaîne du service public, il en a profité pour les comparer à des “petits Pikachu”. Histoire d’être sûr de bien toucher le fond.
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Les débuts manqués de France Télévisions aux JO de #Rio2016 https://t.co/CmMc9YUPP7 pic.twitter.com/xyFxxwuz3X
— Arrêt sur images (@arretsurimages) August 8, 2016
#Rio2016 Commentaires France 2 sur des athlètes asiatiques "On dirait un manga" ; "Ce sourire, on dirait pikachu"
Tiens, on dirait un con.
— Sick Sad Me (@Sick_Sad_Me_) August 8, 2016
France 2, toujours plus loin dans la gêne
Le commentateur s’est automatiquement attiré les foudres de téléspectateurs sur Twitter, déjà bien échauffés par les commentaires de David Bilalian lors de l’ouverture des JO, qui avait cru bon de déclarer que l’esclavage “était bon pour le développement du pays” devant 1,6 millions de français.
>> Lire aussi : JO : le président du CRAN dénonce le “festival de propos faux et colonialistes” sur France 2 <<
Et ce n’est pas tout. La veille, André Garcia, journaliste sportif, interviewe littéralement contre son gré l’escrimeuse française Lauren Rembi, inconsolable après avoir fini au pied du podium. Incapable de répondre, la jeune femme, en larmes, refuse l’interview. Le journaliste sportif la retient alors fermement par le bras et continue d’essayer de lui faire dire que “c’est bien ce que tu as fait aujourd’hui, non?” Non. Lauren Rembi est triste, épuisée, “dégoûtée”. Elle pleure les larmes d’une athlète qui a tout donné, et qui a perdu. Et c’est bien son droit, comme d’avoir envie de fuir les caméras.
http://www.dailymotion.com/video/x4nmj6n
André Garcia n’en est pas à son coup d’essai, lui qui avait déjà fait preuve d’un paternalisme particulièrement agaçant aux JO de Sotchi en 2014, apostrophant d’un “vous êtes gentille” une skieuse française victorieuse qui avait visiblement autre chose à faire que de lui répondre. Et comme internet n’oublie rien, les twittos exaspérés n’ont pas manqué de faire resurgir cette glorieuse vidéo.
Pour rappel, André Garcia en 2014 ca donnait ca https://t.co/in4iWc7o5I
— Raymond Tada⭐⭐ (@Naivlys) August 6, 2016
Un embarras international
La France n’est pas la seule à avoir du mal à célébrer ses athlètes féminines. Dans un article paru le 8 août, le magazine américain Vox dénonçait les publications de plusieurs médias mettant en avant les maris des athlètes triomphantes. La veille, alors que la nageuse hongroise Katinka Hosszu venait de décrocher l’or et de pulvériser son propre record du monde au 400m 4 nages, Dan Hicks, le commentateur de NBC attribuait son succès à son mari et coach, Shane Tusup.
“Il est certainement vrai que leur partenariat unique a été fondamental dans le succès de Hosszu, analyse la journaliste de Vox Emily Crockett. Mais il y a une grande différence entre dire qu’il l’a aidée à réussir, et dire qu’il est ‘responsable de son succès’.”
Sous le feu des critiques se trouve également le Chicago Tribune, qui twittait allègrement le même jour : “La femme d’un joueur des Bears [Chicago Bears, l’équipe de football américain de Chicago, ndlr] remporte une médaille aux Jeux olympiques de Rio”.
Wife of a Bears' lineman wins a bronze medal today in Rio Olympics https://t.co/kwZoGY0xAX pic.twitter.com/VZrjOvr80h
— Chicago Tribune (@chicagotribune) August 7, 2016
Oh Lord, Chicago Trib. She has a NAME. And she's an Olympian. And it's not "wife of Bears' lineman" https://t.co/11Fvy3lS30
— Soledad O'Brien (@soledadobrien) August 7, 2016
Un sexisme médiatique récurrent
L’histoire se répète à chaque Jeux. Les “Top 10 des athlètes les plus sexy” foisonnent sur le net, les commentaires sportifs sont limites, voire carrément sexistes, on accorde plus de crédit aux sportifs masculins, ou à certains sports. Si bien que certaines commencent à se mobiliser.
Dans un article publié le 1er juillet, Slate relate comment la “communauté gymternet” a décidé de lutter contre le traitement misogyne de la gymnastique, entre autres durant les Jeux olympiques. Avec le podcast GymCastic, Jessica O’Beirne, sa créatrice, déclarait: “Un homme ou un adolescent qui concourt avec une blessure est vu comme un héros. Pendant ce temps, une femme ne se sent pas capable de dire aux journalistes: ‘Merde à la fin. Mon pied me fait souffrir. Je vais faire comme je le sens pendant la compétition. Si je dois boiter ou ramper jusqu’à ma chambre d’hôtel, c’est ce que je ferai’.” Et d’ajouter: “Nous voulions que la gymnastique soit traitée comme un sport normal.” Et pas comme un rassemblement de Pikachu.
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