Laisser un commentaire négatif sur un site marchand après une mauvaise expérience est une pratique courante sur l’Internet. Mais récemment, un couple d’Américains s’est vu infliger une amende de 3500 dollars pour avoir critiqué un site de vente en ligne dont ils étaient clients. Récit.
Noël 2008. Jen Palmer de Salt Lake City, cliente du site de vente en ligne KlearGear.com, n’a pas reçu le cadeau que son mari lui avait commandé sur le site. Ne parvenant pas à contacter directement KlearGear, elle décide d’écrire une critique sur Ripoffreport.com (le site américain « par les consommateurs, pour les consommateurs« ). Dans son rapport, Jen se plaint des “horribles pratiques du service client” de KlearGear. Fin de l’histoire ? Pas tout à fait. Trois ans plus tard, les Palmers reçoivent un mail les assignant à payer une amende de 3 500 dollars dans les 72 heures suite à ce rapport négatif. En cause, une clause de « non-dénigrement », stipulée dans les Termes et conditions d’utilisation du site, qui engage tout consommateur à ne jamais diffuser quoi que ce soit qui pourrait nuire à la réputation de l’entreprise. Cette clause de “non-dénigrement”, est rédigée comme suit dans les Termes et conditions de vente et d’utilisation du site :
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“Dans l’effort d’assurer un retour juste et honnête, et d’éviter la publication de contenu calomnieux, votre acceptation de ces conditions de ventes vous interdit de réaliser la moindre action qui aurait un impact négatif sur KlearGear.com, sa réputation, ses produits, ses services, son management ou ses employés.
Si vous en veniez à violer cette clause, déterminée par Kleargear.com à sa seule discrétion, vous sera alors fourni l’opportunité de rétracter le contenu en question dans un délai de 72 heures. Si le contenu n’est pas retiré dans son intégralité, vous serez immédiatement facturé d’une amende de 3500 dollars pour charges légales et frais de justice généraux, jusqu’à ce que la totalité de ces frais soit déterminée par le service contentieux. Si ces charges venaient à rester impayées dans les 30 jours suivant la l’ordre de facturation, votre facture impayée sera transférée à notre organisme de recouvrement, et une reddition de compte sur le crédit à la consommation sera mise en place jusqu’au bon paiement.”
Jen Palmer a contacté le site RipoffReport pour faire retirer son commentaire, et a appris qu’il lui en coûterait 2000 dollars, somme dont elle ne disposait pas. Voyant que l’amende n’était pas payée, KlearGear a signalé la cliente auprès des établissement de crédits. Conséquence : les Palmers sont refusés par tous les bureaux de prêt.
Lynchage numérique pour KlearGear
Malheureusement pour KlearGear, cette histoire a été reprise par une chaîne d’information locale, KUTV, qui a interviewé le couple de Salt Lake City le 12 novembre dernier. La presse internationale s’est également fait l’écho de cette affaire surréaliste : “Un détaillant menace de faire payer une amende de 3 500 dollars à un couple ou de ruiner sa solvabilité, après que ces clients ont posté une mauvaise critique sur l’entreprise”, titre ainsi le Daily Mail.
Face à l’ampleur de la polémique, KlearGear a supprimé sa page Facebook, passé son compte Twitter en privé et retiré sa clause de « non-dénigrement » de ses conditions de vente, souhaitant limiter au possible la médiatisation et la diffusion de cette histoire. Mais c’est souvent la pire stratégie à adopter sur Internet. KlearGear est victime de l’implacable effet Streisand : en voulant minimiser l’écho de cette affaire, l’exact inverse s’est produit. Le 16 novembre, une nouvelle page Facebook KlearGear est créée indépendamment de la volonté de l’entreprise, et permet aux internautes d’y exprimer librement leur mécontentement. La page Facebook est très vite envahie d’insultes et devient le lieu de tous les défoulements, dont celui de Lauren Becker, qui écrit à l’intention de KlearGear :
“Ne devriez vous pas vous adressez une amende à vous-mêmes, désormais? Vous avez fait plus de mal à la réputation de votre business qu’une critique négative de 2008 n’aurait jamais pu faire. Je n’achèterai jamais sur votre site, comme toutes les autres personnes qui ont lu vos politiques de merde. BRAVO POUR LA DIFFUSION DE CETTE HISTOIRE!!”
Interrogé par KUTV, Jeff Hunt, avocat à Salt Lake City, explique que la clause de “non-dénigrement” de KlearGear est tout bonnement contraire à la constitution des Etats-Unis, et pourrait bien apparaître irrecevable face à un juge : “Je trouve outrageux qu’une entreprise force un client à abdiquer ses droits du premier amendement en lui interdisant de parler de ses produits dans ses conditions de vente. Je n’ai jamais rien vu de pareil.”
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