A 53 ans, l’universitaire Yanis Varoufakis vient d’être nommé ministre des Finances du gouvernement Tsipras. En charge des négociations sur la dette de la Grèce, il souhaite mettre fin à la politique d’austérité qui plane sur son pays.
La Grèce a 322 milliards d’euros de dettes. Que va faire Syriza face à ce déficit galopant, qui atteint à ce jour 175 % du PIB ? Le nouveau Premier ministre, Alexis Tsipras, déclarait le jour de sa victoire vouloir « collaborer et négocier » avec les créanciers de la Grèce pour trouver une « solution viable, durable qui bénéficie à tous ».
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Son programme est déjà bien calculé : Tsipras prévoit (entre autres) la renégociation de la dette grecque avec ses partenaires européens, le rétablissement d’un salaire minimum et l’élargissement des bénéficiaires de l’allocation-chômage. Aujourd’hui, il vient de nommer son nouveau ministre des Finances, Yanis Varoufakis.
Du style de Varoufakis : visionnaire et indépendantiste
Vêtements clairs sur le dos et crâne rasé, l’australo-grec Yanis Varoufakis est un ancien universitaire passé par l’Australie, la Grèce et les Etats-Unis avant de rejoindre les troupes de Tsipras en 2014. A 53 ans, celui qui se définit lui-même comme « économiste par accident » a un passé qui détonne : conseiller économique du premier Ministre Papandréou, auteur du livre Minotaure Global (qui développe l’idée selon laquelle l’économie mondiale est structurée autour du double déficit américain), et a également… créé sa monnaie virtuelle. A l’époque employé par le studio américain Valve, Varoufakis a eu pour objectif de créer une monnaie fictive en 2012 pour Steam, le portail des jeux en ligne, selon PC Games.
Cet économiste chevronné désire, conformément au programme de Syriza, mettre fin aux mesures d’austérité, sortir de la Troïka (FMI, BCE et Union Européenne) et « forcer l’Europe à changer », comme il l’a déclaré dans la Tribune il y a une semaine.
« La Troïka tente de nous asphyxier et de faire pression sur le choix démocratique en nous disant : ou vous suivez nos exigences, ou vous serez jetés en enfer. […] Ils tentent de terroriser les électeurs grecs. […] On doit pouvoir s’asseoir à une table pour discuter enfin du règlement définitif de la crise grecque et mettre en place une nouvelle approche de la part du reste de l’Europe. Car cette crise n’est pas qu’une crise « grecque », c’est aussi une crise européenne. Si la Grèce n’avait pas été dans la zone euro, elle n’en serait pas là. »
Car selon Varoufakis, la situation précaire de plusieurs pays européens est à mettre sur un pied d’égalité.
« Si la France se trouve elle-même dans une impasse, en raison de sa dette et de sa situation politique et sociale, elle le doit aussi à l’organisation actuelle de la zone euro. Mais la situation de la France […] n’est pas celle de la Grèce d’aujourd’hui. La France n’est pas en faillite, nous y sommes et nous n’avons rien à perdre. Si l’Europe et Berlin pensent qu’ils ont le droit moral de nous asphyxier, de nous assassiner, je pense qu’il faut être prêt à les laisser faire. »
Le ministre des Finances grec, qui confessait à L’Expansion, en mars 2014, avoir pressenti la crise financière de 2008, désigne donc la gestion économique de la zone euro comme susceptible de saper les fondements démocratiques du continent et de faire éclater la zone euro.
Pour l’instant, l’Europe ne cédera pas un centime à la Grèce
Premier objectif pour Yanis Varoufakis et Alexis Tsipras : négocier la réduction de la dette publique avec les créanciers européens et revoir le programme d’aide de l’UE et du FMI. L’Europe cherche toujours une réponse. Lundi, Angela Merkel et François Hollande réclamaient d’une voix commune à la Grèce un « respect de ses engagements », « la solidarité et la responsabilité ».
Lors de la réunion des ministres des Finances de la zone euro à Bruxelles, l’UE a prouvé qu’elle n’était toujours pas prête à réduire le chiffre de la dette publique, mais s’est dite disposée à laisser un peu plus de temps au pays. Par ailleurs, elle a aussi fixé à la Grèce la limite de fin février pour accomplir plusieurs réformes, nécessaires au déblocage de 7 milliards d’euros d’aide pour le pays, un délai dont Alexis Tsipras a jugé qu’il ne « signifiait rien », selon 7sur7. Vendredi, celui-ci rencontrera le chef de l’Eurogroupe Jeroen Dijsselbloem pour discuter du sujet le plus épineux auquel la Grèce doit faire face depuis des décennies.
Et demain, quelles solutions ?
Le nouveau ministre des Finances grec pourrait bien s’inspirer de l’un de ses ouvrages, écrit avec James K. Galbraith et Stuart Holland, publié début 2014 et judicieusement nommé Modeste proposition pour résoudre la crise de la zone euro. Il y déployait « quatre solutions réalistes » pour endiguer le malaise financier de l’Europe.
• Une résolution de la crise au cas par cas. Et que le MES (Mécanisme européen de stabilité) se charge lui-même de remettre sur pied les banques en difficulté. Dans le cas de la Grèce, “cela permettrait d’éviter que les gouvernements nationaux soient obligés d’emprunter pour leur compte”.
• Un programme limité de reconversion des dettes, à savoir 60 % maximum de son PIB.
• Un programme d’investissement en faveur de la croissance, qui « recyclerait les surplus mondiaux d’épargne pour financer des investissements européens ».
• Un Programme de solidarité sociale d’urgence « qui satisfasse les besoins alimentaires et énergétiques de tous les Européens ». Un impératif moral qui n’est pas sans rappeler le fait qu’Alexis Tsipras veuille rendre l’électricité gratuite pour les 300 000 familles les plus pauvres de Grèce, selon son programme électoral. Il est aussi question de distribution de coupons alimentaires pour ces foyers.
En attendant de prêter serment dans la journée, Yanis Varoufakis a promis aujourd’hui au micro de la radio irlandaise Newstalk qu’ »en tant que prochain ministre des Finances, […] je n’irai pas à l’Eurogroupe pour chercher une solution qui serait bonne pour le contribuable grec mais mauvaise pour le contribuable irlandais, slovaque, allemand, français ou italien ». Il n’y a pas de petites économies.
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