Un roulement des yeux et un froncement des sourcils qui secouent toute la Chine. Lors d’une conférence de presse, une journaliste montre son exaspération face à la question sans intérêt d’une de ses collègues. Un « incident » pour les autorités chinoises qui cherchent à tout prix à censurer la scène.
Il a suffit d’un regard. Lors d’une conférence de presse du ministre chinois du Commerce, une journaliste chinoise a levé les yeux au ciel à l’énoncé de la question d’une de ses consoeurs. La séance de questions était retransmise en direct à la télévision en marge de la session parlementaire annuelle où le président Xi Jinping a obtenu la levée de la limite à deux mandats. Un événement politique majeur dans le pays.
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https://youtu.be/iHsH0WtyFMA
Zhang Huijun (en rouge dans la vidéo), est correspondante pour American Multimedia Television, proche du régime communiste. Lorsque celle-ci pose sa question interminable – quarante seconde tout de même – au sujet des investissements des entreprises publiques à l’étranger, Liang Xiangyi (en bleu), journaliste pour le média chinois Yicai, semble ahurie par l’interpellation. Elle dévisage de bas en haut sa voisine et montre fortement son impatience. Froncement de sourcils et soufflements en prime.
Censuré par les autorités chinoises
Un pas de côté peu toléré par le gouvernement chinois, qui décide alors de censurer la vidéo. Celui-ci juge la scène subversive. Pour les autorités, ”aucun site internet, sans exception, ne doit monter cet incident en épingle”, rapporte le site China Digital Times, basé aux États-Unis. Selon FreeWeibo, site qui permet d’accéder aux contenus non-autorisés en Chine, le nom de Liang Xiangyi est devenu depuis le mercredi 14 mars le nom le plus censuré sur le réseau social Weibo, le Twitter chinois, dépassant les termes “constitution” et “amendement constitutionnel”.
Le gouvernement a également envoyé un “avis urgent” aux différents médias chinois en leur donnant l’ordre d’effacer la vidéo : “Il est interdit à tout le personnel des médias de discuter de l’incident de la journaliste à la tenue bleue sur les médias sociaux” et ajoute que “tout ce qui a déjà été publié doit être supprimé”.
Une scène qui devient virale sur les réseaux sociaux
Malgré toutes les dispositions des autorités, il est trop tard : Liang Xiangyi est déjà une star de web. La vidéo devient virale. L’exaspération de la journaliste est devenue un symbole. Une once de liberté et de spontanéité dans un pays très cadré.« Bien joué ! Un roulement des yeux en notre nom ! », « J’applaudis ton honnêteté ! De telles questions sont ennuyeuses et n’ont aucun sens », déclare les internautes sur Weibo. La scène est parodiée, la tête de la journaliste s’affiche sur des coques de téléphone et des tee-shirts, son roulement des yeux est devenu un mème.
Amazing to see how these two ladies just exploded over Chinese social media in the span of a few hours. Fan art in the making #RedBlueCamps pic.twitter.com/s6frv2gEgW
— Lulu Yilun Chen (@luluyilun) 13 mars 2018
Found my cell phone cover for the spring season on Taobao pic.twitter.com/wTjgndsfDx
— Lulu Yilun Chen (@luluyilun) 13 mars 2018
Apparently, today has officially become Weibo’s « roll your eyes day » https://t.co/Z77OhI8IWN pic.twitter.com/b0s5Ejs96f
— What’s on Weibo (@WhatsOnWeibo) 13 mars 2018
Selon le South China Morning Post, quelques heures après la conférence de presse, Liang Xiangyi s’est vu retiré ses accréditations pour couvrir le congrès. Son compte Weibo a été supprimé. Selon The Guardian, la rumeur court que la journaliste aurait été virée. « La femme à côté de moi était une idiote « , aurait dit Liang à un collègue en guise d’explication dans un message envoyé sur les réseaux sociaux et qui a fuité en ligne.
En signe de soutien, le groupe médiatique Yicai, a posté une vidéo de son employée posant une question plus rationnelle au ministre du Commerce : « Qu’en est-il des accords de libre-échange entre la Chine et d’autres pays ? Quelle est la relation entre les négociations de libre-échange de la Chine et le système commercial multilatéral ? Et comment pensez-vous que le système commercial multilatéral de la Chine se développera à l’avenir ? », a-t-elle demandé. Un incident qui parait insignifiant, mais qui démontre que les règles strictes et le mode de vie ordonné de la Chine ne sont pas infaillibles.
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