Street Fighter II est de retour ! Pour fêter les 30 ans de la licence, le jeu culte débarque dans une version reliftée sur Nintendo Switch. Pour comprendre comment Ryu et ses potes sont rentrés dans le panthéon des gamers, nous sommes allés à la rencontre de Yoshinori Ono, producteur du jeu et l’un des papas de Street-Fighter. Interview.
Qu’est-ce qui vous a donné envie de faire un remake de Street Fighter II sur Switch plutôt qu’un nouveau jeu pour fêter les 30 ans de la licence ?
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Yoshinori Ono – C’est parce que nous fêtons les 30 ans de Street Fighter qu’il nous semblait plus logique de sortir le jeu par lequel la popularité mondiale est arrivée. Rappelons-aussi que ce succès est dû à la console Super Nes sur lequel Street Fighter II avait été portée. Il nous paraissait donc naturel de revenir sur une console Nintendo. Avec cette version Switch, on souhaitait réunir les papas qui y jouaient il y a 25 ans et leurs enfants qui découvrent les joies du jeu vidéo.
Quels souvenirs gardez-vous de vos premières parties sur Street Fighter II ?
Je suis rentré chez Capcom à l’époque de la sortie de Street Fighter II sur Super Nes. Mais je me souviens que lorsque le premier SF est sorti, j’étais encore étudiant. Je gaspillais tout mon argent dans des machines d’arcade. Je m’étais littéralement mis à détester Capcom car ils m’avaient tout pris (rires). L’argent que j’avais durement gagné dans des petits boulots finissait à chaque fois dans les poches de Capcom. Je les maudissais. Je n’aurais jamais imaginé que quelques années plus tard, je deviendrais la personne que les joueurs aiment insulter aujourd’hui. Surtout qu’avec les réseaux sociaux, les gens ne se privent pas pour m’interpeller directement (rires).
Qu’est-ce qui a fait de Street Fighter une référence du jeu de combat ?
C’est mon opinion personnelle. Je pense que SF I et II ont posé les bases du jeu combat moderne, c’est aussi pour ça qu’il est encore pris comme une référence. Avant la sortie de SF, vous vous amusiez avec des petits bonhommes aux actions limitées. Avec le premier Street Fighter, vous aviez pour la première fois de gros bonhommes qui se tapaient vraiment dessus. Et Ils étaient dessinés de manière plus ou moins réalistes, ce qui était un vrai changement pour l’époque. Les affrontements dans les salles d’arcade ont aidé à la popularité du jeu. Dans les années 90, on se combattait dans des cabines d’arcade qui se faisaient face. Vous étiez devant votre écran et vous ne pouviez voir votre adversaire qu’après avoir gagné ou perdu. Cette compétitivité a contribué à la postérité du jeu.
(Galerie des personnages dans « Ultra Street Fighter II : The Final Challengers » @Capcom)
Il y a peu de jeu de combats où l’on est capable de se rappeler d’autant de personnages. Est-ce dû au fait que le jeu a eu dès le départ un prisme internationaliste avec des personnages venant de tous les continents ?
Les personnages sont devenus inoubliables mais je ne pense pas que ça soit calculé. A la base, le sous-titre du jeu Street Fighter II, c’était “World Warrior”. Le principe c’était que des combattants venus de tous les pays du monde se retrouvaient pour un grand tournoi. Lorsque les personnages ont été conçus, on ne possédait pas encore Internet, on se basait donc sur les rumeurs et les guides de voyage.
(Zangief face à Sagat dans Ultra Street Fighter II : The Final Challengers @Capcom)
Quand on pensait aux Russes, on imaginait de gros balaises qui se battaient contre des ours, c’est comme ça qu’est né Zangief. En Inde, on se disait qu’ils faisaient du yoga et qu’ils crachaient du feu, ça a donné Dalshim (rires). Au Japon, c’était forcément des sumotoris ou des judokas, donc on a fait Ryu et Honda. Chaque personnage est le représentant caricatural de son pays dans l’imaginaire collectif. Je pense d’ailleurs que l’on a énormément de chances que Street Fighter II soit sorti au XXe siècle. On aurait pas pu sortir des personnages caricaturaux aujourd’hui. Tous les pays auraient décidé de nous boycotter…
(Honda face à Hawk dans « Ultra Street Fighter II : The Final Challengers » @Capcom)
Dans cette nouvelle version sur Switch, on découvre “La voie du Hado”qui permet de reproduire les coups mythiques de Ryu dans un mode à la première personne. C’est pour démocratiser le « Hadoken » dans les cours de récréation ?
Pas du tout mais c’est une bonne idée donc je répondrai ça la prochaine fois qu’on me pose la question (rires). C’est un mode de jeu qui est à moitié une blague. A l’époque de Wii Fiit, on avait pensé à faire Street Fighter Fit. On s’est tous emballés chez Capcom et puwis finalement le projet est tombé à l’eau. Quand Nintendo nous a présenté pour la première fois la Switch en nous expliquant qu’on pouvait détacher les Joycons, on s’est dit qu’il y avait la possibilité d’exhumer cette vieille idée donc on a pas trop hésité.
(Capture d’écran du Mode Hado)
Street Fighter, Sonic…De plus en plus de jeux 16 bits mythiques ressortent sur Nintendo Switch. Cette console va t-elle permettre à des jeux cultes de vivre une nouvelle jeunesse ?
Effectivement, on peut se dire que la Switch accueillera des gamers nostalgiques mais le jeu Switch le plus vendu aujourd’hui, ça reste “The Legend of Zelda : Breath of the Wild”. Et vous ne pouvez pas dire que c’est un jeu rétro. C’est un jeu moderne avec un monde ouvert et une infinité d’actions possible. Je pense que la Switch est une plateforme qui permet de rassembler tous les joueurs.
On ne peut pas vous quitter sans vous demander ce que vous avez pensé de Street Fighter le film où Jean-Claude Vandamme incarne le colonel Guile, considéré comme un nanar absolu. Regrettez-vous cette adaptation ?
Quand on a appris que SF allait devenir un film puis un jeu tiré du film, on s’est tous regardés en chien de faïence. Je pensais que ça allait être un jeu interactif d’aventure mais on nous a demandé un jeu de combat avec les photos des acteurs. On a alors reçu plein de photos de Jean-Claude Van Damme mais le problème c’est qu’il nous manquait plein de clichés pour représenter la variété des coups et des positions. On a donc tout dû refaire à la main. C’était horrible. Donc quand je repense à ce film, je me dis juste qu’on a énormément galéré. Au final, le jeu s’est appelé “Street Fighter Real Battle on Film”. Aujourd’hui quand je revois le film, je me dis qu’effectivement, il n’a pas forcément servi la marque Street Fighter.
Il y a quatre ans, des fans sont venus me voir pour me dire qu’ils voulaient faire des petits feuilletons de cinq minutes sur l’univers de SF. Ca a donné Street Fighter: Assassin’s Fist. Les épisodes sont visibles sur YouTube. Quand j’ai découvert la qualité de ce feuilleton, je me suis dit que le problème c’est pas qu’il était impossible d’adapter Street Fighter au cinéma, c’est qu’il faut que les gens qui l’adaptent aiment vraiment le jeu et le comprennent. Je pense donc qu’il est possible de faire une adaptation et je suis donc ouvert à de nouvelles propositions.
Propos recueillis par David Doucet
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