Trois jours après la clôture des Jeux olympiques de Sotchi débutaient les « Open Games » à Moscou, une compétition sportive de cinq jours réservée aux homosexuels russes et étrangers. Fausses alertes à la bombe, réservations d’hôtel annulées, lancés de fumigènes : les autorités russes ont tout fait pour saboter les jeux, passés sous silence dans les médias occidentaux.
Il a suffit de quelques secondes pour que tout dégénère. Les athlètes étaient déjà en train d’en découdre sur le terrain de basket d’une salle de gym du nord de Moscou. Au milieu d’un match, un homme des services de sécurité russes se présente à l’entrée pour « inspecter les infrastructures » du gymnase.
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Anastasia Kurchenkova sort de la salle pour accueillir les derniers sportifs en retard. « Je ne me suis absentée qu’un instant, quand tout à coup j’ai entendu un homme crier ‘Au feu ! Au feu !’ et il y avait de la fumée partout. Mais pas de feu« , confiera-t-elle plus tard. Un fumigène vient d’être lancé dans le gymnase, rendant impossible toute compétition sportive dans la salle. Le tournoi de basketball est annulé.
Anastasia Kurchenkova est la co-organisatrice des Open Games, dont la première édition se tenait pour la première fois du 26 février au 2 mars dernier à Moscou. Calquée sur les jeux olympiques, cette compétition sportive bien plus petite est entièrement dédiée aux athlètes LGBT (lesbienne, gay, bi, trans). Elle a été spécialement organisée par la Fédération sportive LGBT de Russie pour débuter quelques jours après les Jeux olympiques de Sotchi, dans l’espoir de profiter de l’attention médiatique occidentale. En vain.
Des annulations en chaîne
Si les 350 Russes qui avaient réservé leurs places se sont bien rendus à Moscou, seule une quarantaine d’étrangers ont finalement pris part aux Open Games, sur les 300 attendus au départ. « Même moi je ne me serais pas rendu là-bas« , nous confie Mark Naimark, l’organisateur des Gay Games, un événement d’une plus grande ampleur qui se tiendra à Paris en 2018. « Les gens ont eu peur. Il faut dire que [les autorités russes] font preuve d’une sacrée ténacité. »
Ténacité, le mot est faible. Au cours des quatre jours de compétition concentrés sur huit sports (badminton, basket, foot en salle, ski, natation, ping-pong, tennis et volley), les organisateurs des Open Games ont enchaîné les déconvenues. Viktor Romanov, l’un d’entre eux, s’en est plaint au Moscow Times :
« La veille de la cérémonie d’ouverture, quasiment tous les lieux où nous avions prévus d’organiser les évènements ont soudainement refusé de nous accueillir, invoquant des raisons diverses et variées. »
Pour lui aucun doute : ce sont « les autorités russes » qui ont essayé de leur mettre des bâtons dans les roues. Leur arme préférée ? Les alertes à la bombe, utilisées, d’après nos sources, plus d’une demi-douzaine de fois au cours des cinq jours de compétition.
Une cérémonie d’ouverture dans le sous-sol d’un bar derrière un rideau
Le soir de la cérémonie d’ouverture, le 26 février, quelque peu avant 20h, la boîte de nuit Boyz Club, qui devait accueillir les participants pour le lancement des Open Games, a soudainement été évacuée à cause d’une alerte à la bombe. Même si les démineurs et les policiers s’étaient rendus sur place et avaient vérifié que les lieux étaient sûrs, le club n’a pas rouvert ses portes.
« Sur Facebook, les organisateurs nous ont envoyé l’adresse d’un autre lieu, plus à l’abri des regards, dans lequel ils ont fait la cérémonie d’ouverture« , nous raconte Cyril Millet, membre du comité Paris 2018 qui organisera les Gay Games dans la capitale française et qui faisait partie des Français à s’être rendus à Moscou pour les Open Games, pour soutenir l’initiative. « C’était en plus petit comité, dans le sous-sol d’un bar, caché derrière un rideau. On ne devait pas applaudir pour ne pas se faire remarquer, il fallait minimiser la visibilité de la cérémonie. »
Cyril ne manque pas d’anecdotes incroyables sur les coups bas portés au bon déroulement des Open Games :
« Dans notre hôtel, tous les gens qui avaient réservé une chambre en passant par les Open Games – qui avaient réussi à avoir des tarifs réduits avec certains établissements – se sont vus refuser leur chambre. On leur a dit ‘vous avez un visa touristique, mais vous allez participer à un événement sportif, alors vos chambres ont été annulées. »
Résultat : tout un groupe d’Allemandes a dû être relogé au dernier moment par le comité d’organisation des Open Games dans une auberge de jeunesse.
Encore plus marquant : le tournoi de football en salle auquel Cyril et son ami ont participé, auquel la ministre des Sports hollandaise, Edith Schippers, était venue assister. La ministre avait fait le déplacement à Moscou pour soutenir ce qu’elle estime être une « une très bonne cause (…) qui soutient des modes de vie sains parmi la communauté LGBT« .
« On a fait un match, deux matches, tout allait bien« , résume Cyril Millet. « Puis la ministre des Sports hollandaise a quitté la salle. Et même pas deux minutes plus tard, l’arbitre est venu nous dire que la police venait d’entrer pour nous dire qu’il y avait une alerte à la bombe et qu’il fallait évacuer. » Un sabotage aussi flagrant que parfaitement exécuté. Sans aucune gêne.
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