Quand la maire de Paris demande à ses électeurs ce qu’ils veulent pour leur ville, cela donne presque 2 000 propositions extravagantes, drôles ou poétiques entre « robotscrottes », « piscine dans la Seine » et « bancs courbés pour favoriser les rencontres ».
Anne Hidalgo en avait fait une promesse de campagne : laisser aux Parisiens le droit de choisir comment employer 5 % du budget d’investissement de la ville, soit 75 millions d’euros. Après une étude de faisabilité, leurs suggestions pourront faire partie de la sélection qui sera soumise à un vote prévu en septembre prochain, pour réinventer la capitale.
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Depuis le 14 janvier, environ 2 000 publications ont déjà été mises en ligne sur le site “Madame la Maire, j’ai une idée”. De la plus terre à terre (comme supprimer des places assises dans la fameuse ligne 13 du métro) à la plus fantasque (un mémorial pour Lady Di), les Parisiens ont dessiné leur ville rêvée sur leur clavier. Plongée en immersion dans l’imaginaire parisien.
Les plus farfelues
Et si la tour Eiffel devenait un jardin suspendu ? Et si la signalisation des Champs-Elysées était rétractable, pour « laisser passer les VIP » ? Et si vous parrainiez un arbre ? Chacun aurait le sien dans sa rue, sur son boulevard, le rond-point le plus proche… Il pourrait ainsi veiller à son bien-être et « semer de l’herbe » à ses racines.
A moins que les citadins ne décident de déléguer l’entretien de leur ville à des machines. L’un d’entre eux suggère d’investir 4 millions dans des « robotscrottes » pour nettoyer nos trottoirs, un autre que le ramassage de certaines poubelles se fasse en calèche. Des vraies. Avec des chevaux. Et un troisième que les lapins tondent désormais le gazon des parcs. Pas si bête ?
Tandis qu’un parisien regrette le manque d’intérêt de ses concitoyens pour les mathématiques, auxquelles il souhaite dédier plusieurs maisons pour leur apprentissage ludique, d’autres se plaignent que les rues sont trop bruyantes la nuit. La solution ? Le « chuuuut automatique« , un système de projection lumineuse pour avertir les clients des bars quand un certain volume sonore est atteint, et les inciter ainsi à se taire. Efficacité à prouver.
Enfin pour se défouler sans déranger personne, un internaute a la solution : des cabines insonorisées et calfeutrées en accès libre pour crier et taper sur les murs quand le monde vous ennuie.
Les plus audacieuses
Paris plage, c’est bien. Et une piscine dans la Seine ? Une entreprise spécialisée dans le filtrage de l’eau explique qu’avec quelques plantes ingénieusement disposées, une partie du fleuve pourrait redevenir propre à la baignade. Le post ne précise pas en combien de temps.
De Hollywood boulevard à Pigalle, il n’y a qu’un pas. Les stars de passage à la Cigale pourraient aider la France à le franchir en laissant leur empreinte dans le bitume du boulevard Rochechouart.
En parlant d’étoiles, certains voudraient pouvoir les voir la nuit en diminuant l’éclairage public. Tout simplement.
Un Parisien propose lui de s’en rapprocher, avec l’installation de “skytran”, des cabines volantes. Un système de transport en commun créé par la NASA. Selon lui, Tel-Aviv et Toulouse seraient sur le point de l’adopter. Anne Hidalgo avait d’ailleurs elle aussi déjà fait connaître son envie d’un « transport suspendu ». Plutôt excitant.
Les plus poétiques
Pour favoriser le dialogue et les rencontres, quelqu’un a imaginé des bancs courbés dans les parcs. Et pourquoi pas, dans le même esprit, le retour des bals populaires et des guinguettes ?
Un amateur d’art propose de mettre à disposition d’artistes une « maison de la peinture« .
Certains Parisiens sont d’accord pour retirer les cadenas du pont des Arts pour en faire une sculpture dédiée à l’amour. Ou pour les mouler dans des briques transparentes, disséminées dans chaque recoin de la ville, qui seraient ensuite rétroéclairées pendant les fêtes de fin d’année.
Parce que Paris est trop gris, une publication suggère que les vélibs et autolibs soient repeintes de toutes les couleurs.
50 nuances de vert
Qu’elles soient incongrues ou qu’elles tombent sous le sens, une thématique majoritaire ressort de toutes les propositions : la végétalisation. Une centaine d’entre elles concernent les parcs, la création de potagers, de fermes associatives autogérées, de murs végétaux, de ruches, de jardins… Sur les balcons, le long des avenues, perchés en haut des toits comme à Brooklyn et même jusque dans les cimetières, les Parisiens veulent une capitale plus verte. Dans laquelle beaucoup d’entre eux veulent pouvoir se déplacer facilement, à vélo surtout. Une centaine de suggestions sont relatives aux transports en commun, à l’aménagement des voies de circulations, et une vingtaine suggèrent l’augmentation et l’amélioration des pistes cyclables. Le recyclage et le compost ont également une grande place. L’idée d’installer des « lombricomposteurs » (des conteneurs pour déchets organiques entretenus par des lombrics) dans les locaux à poubelle, revient pas loin de quatre fois, par exemple.
La plus populaire
Un système de « like » permet aux 200 000 inscrits du site de montrer leur préférence pour tel ou tel projet, qu’ils en aient déposé un ou non. Cependant, ils sont rares à avoir obtenu ces pré-votes, et ne cumulent qu’à une dizaine quand c’est le cas. Une seule proposition a recueilli pas moins de 132 votes. Il s’agit de la suggestion de rachat d’un hôtel désaffecté du XIVe arrondissement afin de le transformer en logements sociaux. Un tel soutien s’explique par la mobilisation des occupants actuels du bâtiment, l’équipe du Safe : Squat artistique féministe et écologiste. Ils ont lancé une campagne sur Facebook pour inciter les gens à voter pour leur proposition sur le site. Fatima-Ezzahra Benomar fait partie des neuf personnes qui y résident à temps plein. Elle explique : « Nous jouons au jeu de démocratie. Nous pensons que plus un projet est soutenu, plus il a de la chance d’être appuyé. Cela dit la campagne sur Facebook n’aurait pas fonctionné si ce n’était pas une idée populaire à la base. » Pour Pauline Véron, l’adjointe d’Anne Hidalgo chargée de la participation citoyenne qui encadre Idée-Paris, l’impact de ces « like » reste limité.
« C’est une sorte de pré-campagne avant le vrai vote. Ceux qui lancent des appels sur Facebook anticipent, ils pensent que ça va jouer, ils partent du principe que leur projet est nécessairement faisable. En réalité, tout le monde est sur un pied d’égalité. En septembre, chacun pourra voter pour une idée à l’échelle de son arrondissement et pour une autre à l’échelle de la ville. Notre objectif avant tout est qu’un maximum de projets soient réalisables. Nous faisons appel à la créativité des Parisiens, nous ne voulons pas les décevoir. »
Si certaines idées resteront sur le carreau cette année, rien ne dit qu’elles ne seront pas réévaluées les années suivantes. Entre 2015 et 2020, 500 millions d’euros seront au total consacrés au budget participatif.
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