Encore minoritaires dans l’entrepreneuriat, les femmes s’organisent pour atteindre les équipes de direction des start-ups. Visibilité, éducation, investissement : les ressorts pour parvenir à la parité sont multiples. Les initiatives pour une innovation mixte témoignent du dynamisme sur la question.
Seulement 8 % des start-ups françaises étaient créées ou dirigées par des femmes en 2016. Un chiffre éloquent sur leur sous-représentation dans l’innovation. Dans un milieu où le goût du risque et le travail acharné construisent une véritable mythologie, les success stories d’hommes entrepreneurs éclipsent parfois l’entrepreneuriat féminin.
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Un constat amer réalisé par Camille Pène, lorsqu’elle a commencé à diriger le festival Futur en Seine en 2014 : “Aujourd’hui on fait davantage attention mais il y a trois ans on pouvait se retrouver avec des heures de conférences où il n’y avait que des hommes. On met beaucoup en avant les PDG de start-ups ou des grands groupes, on en fait des rock-stars et ce sont toujours des hommes…”
Future is female ! + de 50% de femmes dans les conférences de @futur_en_seine Bravo @lnallain #JamaisSansElles https://t.co/4U48JOwEmD pic.twitter.com/kk7zU69AfN
— Camille Pène (@fluxcamille) 24 mai 2017
Du 8 au 10 juin, Futur en Seine a rassemblé des milliers d’acteurs de l’innovation à la Grande Halle de La Villette, à Paris. Cette année, Camille Pène a tenu le pari de compter au moins 50 % de femmes parmi ses intervenants. Un progrès pour leur visibilité mais aussi un casse-tête en coulisses comme elle l’explique : “Soit elles ne se sentent pas légitimes, soit elles ont des contraintes familiales car c’est encore beaucoup sur les femmes qu’elles reposent. Et comme ce sont des personnes très investies, elles veulent d’abord travailler avant de venir parler.”
A la conquête de l’investissement
Parmi ces intervenantes : Marie Ekeland, devenue une figure de succès parmi les entrepreneures en ayant cofondé le fonds d’investissement Daphni. Convaincre les investisseurs est une étape difficile pour les entrepreneures. En 2016, seulement 13 % des start-ups françaises ayant réussi à lever des fonds étaient dirigées par des femmes, révèle une étude. Si en moyenne les sommes récoltées par ces entreprises sont deux fois moins importantes que pour celles dirigées par des hommes, les levées de fonds féminines connaissent une accélération.
Avoir des femmes dans les sociétés d’investissement est devenu une garantie pour la mixité des start-ups. Dans un entretien à La Tribune, Marie Ekeland explique les biais sexistes de ce secteur :
“Investir représente un gros risque, donc il faut le rationaliser au maximum. Inconsciemment, on se sent plus en confiance avec quelqu’un qui nous ressemble. Plus il y aura de femmes – et de minorités – dans les fonds d’investissement, plus les inégalités dans l’entrepreneuriat se réduiront.”
Surmonter les obstacles dès le lycée
La start-up nation grouille sous les verrières de La Villette. Des casques de réalité virtuelle sont enfilés. Des démonstrateurs animent la démarche lente de leurs robots. La nouvelle ministre de l’Enseignement supérieur, Frédérique Vidal, fait son apparition.
Un peu à l’écart, une ambiance un peu moins aseptisée. Des lycéennes tiennent une conférence sur les dangers du web et tendent le micro au public. Elles font partie de Wi-Filles, une association qui initie des lycéennes de Seine-Saint-Denis aux métiers de l’informatique et du numérique. Les promotions de Wi-Filles rencontrent des femmes travaillant dans le numérique, visitent des entreprises et des établissements.
Moussa Wague, chargé de mission pour l’association, se remémore d’un IUT bondé d’hommes lors d’une visite : “Il n’y a pas assez de femmes dans les filières informatiques et techniques. Et après le lycée c’est déjà trop tard pour les sensibiliser : les barrières mentales sont déjà construites.”
« Les dangers du web » les Chill Conf par les @WifillesFR à #fens2017 pic.twitter.com/TBnrQ0oNCD
— EdFab (@CapEdFab) 8 juin 2017
Toutes âgées de 15 ans, ces lycéennes veulent désormais s’orienter vers une première scientifique. Un choix pas si évident pour certaines d’entre elles comme l’explique Maëllys :
“Tout au long de l’année des filles sont démoralisées parce qu’en S il y a énormément de garçons. Ça peut être intimidant et on n’a pas souvent la parole dans ces cours. Parfois, les professeurs nous disent qu’on n’a pas la force d’aller en S et il faut qu’on se batte toujours plus qu’un garçon pour montrer ce qu’on vaut.”
Une parité rentable
À la capitale, Paris Pionnières est une figure de proue du combat pour la place des femmes dans l’innovation. Après avoir accompagné près de 200 start-ups, l’incubateur organise le lundi 12 juin un Inclusive Tech Summit pour promouvoir son objectif : passer de 8 % à 50 % de femmes chez les entrepreneurs français d’ici quelques années.
Pour être accompagnées par l’incubateur, les jeunes entreprises doivent compter au moins une femme dans leur équipe dirigeante. Un quota assez bas mais qui permettrait d’assurer ensuite la parité selon Caroline Ramade, déléguée générale à Paris Pionnières : “Quand vous avez au moins une femme dirigeante, la mixité est naturelle. Aujourd’hui on a 50 % d’hommes dans l’incubateur.”
La parité n’est pas seulement un enjeu sociétal pour l’innovation, il s’agit aussi d’un moteur économique selon Caroline Ramade : “C’est un réservoir de croissance colossal et presque une urgence économique. Les femmes représentent la moitié de l’humanité, donc en avoir dans les comités de direction est un enjeu stratégique : elles représentent une part de marché énorme et les entreprises en ont besoin pour penser des produits adaptés.” Un argument rentabilité qui parlera sans doute aux entrepreneurs, en attendant de voir émerger des PDG femmes de start-ups à succès.
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