Après des semaines de discussions, un accord semble avoir été trouvé pour exfiltrer Pierre Laurent du poste de secrétaire national du PCF, qu’il occupe depuis 2010. Il deviendrait numéro 2 derrière le député du Nord Fabien Roussel, si ce dernier est choisi à l’issu du congrès national dimanche 25 novembre.
Le Parti communiste s’apprête à faire ses adieux à Pierre Laurent. Invités à se prononcer sur les quatre textes en lice pour servir de base commune à l’orée du Congrès national, les militants ont mis en minorité le sénateur de Paris, secrétaire national depuis 2010. Une première pour le PCF depuis les changements des statuts du Congrès de Martigues en 2000. A la place, les 110 000 adhérents revendiqués (dont la moitié est à jour de cotisation) ont préféré le « Manifeste pour un Parti communiste du XXIe siècle », porté par le député du Puy-de-Dôme André Chassaigne.
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« C’est un désaveu pour la direction sortante et pour Pierre Laurent », souligne Elsa Faucillon, députée des Hauts-de-Seine qui décrit toute l’ambiguïté qui flotte autour du futur ex Secrétaire national. « Sa modération est appréciée dans ce monde politique de plus en plus violent où l’invective a remplacé le débat. Ce n’est pas sa personnalité qui est remise en question, mais l’incohérence ou, pire, l’absence de stratégie du parti ces dix dernières années. »
Ne pas subir une nouvelle fois « l’humiliation » de 2017
Ian Brossat, adjoint au logement à la mairie de Paris abonde à pas feutrés : « Il y a, dans ce vote du 6 octobre, une forte conscience chez nos adhérents de nous dire qu’on ne peut pas se permettre de se planter une fois supplémentaire. » Dans son vaste bureau du cœur de Paris, celui qui a été nommé chef de file du PCF pour les européennes explique que « 2017 a été vécu, au-delà même de l’échec, comme une humiliation ». En novembre 2016, le PCF avait décidé à l’issue d’un vote très discuté (53,6 % des voix pour) de se ranger derrière Jean-Luc Mélenchon pour l’élection présidentielle de 2017. « Au moment où nous avons fait ce choix, nous n’avions plus le choix en réalité de porter notre propre candidature », regrette aujourd’hui M. Brossat.
Dans ces conditions, l’annonce de M. Laurent de sa « disponibilité », au lendemain du vote du 6 octobre, pour mener la futur direction du PCF en a surpris plus d’un du côté de la Place du Colonel Fabien. A commencer par le député du Nord, Fabien Roussel, que beaucoup annoncent comme possible nouveau Secrétaire national : « Pierre Laurent a dit que nous n’avions pas la majorité (le texte arrivé premier a réuni 42 % des voix). Je lui réponds que la direction sortante a été mise en minorité (38 % des voix). Je pense donc que ce sont surtout Pierre Laurent et son équipe qui devraient s’interroger sur ce qu’ils ont fait et en tirer les conséquences… normalement. »
« On va faire tout notre possible pour soigner sa sortie »
En fin connaisseur des arcanes de son parti, Pierre Laurent avait très bien calculé son coup en annonçant cette disponibilité. « Si Chassaigne et Roussel avaient opté pour la tactique du ‘Pousse-toi de là que je m’y mette‘, ils se seraient cramés, explique un cacique. Au PCF, on ne fait pas des choses pareilles, ce n’est pas celui qui se pousse du col qui prend du galon. » Plus d’un mois de discussions en coulisses ont été nécessaires pour trouver d’éventuelles portes de sorties offertes à Pierre Laurent. Une autre huile résume : « Il y a trois hypothèses : soit Pierre décide, avant le congrès, que Fabien est le plus à-même de lui succéder. Le congrès valide et on se présente avec une liste unique. Deuxième hypothèse : Pierre Laurent propose le nom d’une troisième personne, mais, à ma connaissance, aucun nom n’a été mentionné. Dernière hypothèse : il considère qu’il est le point d’équilibre et décide d’y aller jusqu’au bout et qu’on présente deux listes. Et là, je ne réponds plus de rien. » D’autant qu’il y avait bien eu un nom mis en avant, pour « arranger tout le monde », en la personne du député des Bouches-du-Rhône Pierre Dharréville, mais il a décliné.
Or, après des semaines de tractations, Pierre Laurent lui-même a pris la parole dans une interview, lundi 19 novembre à l’Humanité. Interrogé sur sa « disponibilité », Pierre Laurent la justifie par le fait de « continuer à faire preuve de créativité au service de cette équipe (…) en soulignant qu’elle devait préparer dans les deux ans le changement de Secrétaire national. » Toutefois, il formule une proposition, une quatrième hypothèse, partager la conduite de la liste : « L’un de nous sera secrétaire national et l’autre pourra occuper une fonction de premier plan à ses côtés. Personnellement, j’accepterai le choix de la commission et du congrès sur la répartition proposée. Le plus important pour moi, c’est que ce choix soit garanti par la construction d’un collectif exécutif solide et rassembleur au sein du conseil national. » .
Quid de La France insoumise ?
Dans l’immédiat, cette proposition de M. Laurent évite aux militants un choix entre deux listes qui auraient pu avoir des conséquences ravageuses pour le parti créé en 1920 et aujourd’hui en position de faiblesse. « S’il y avait deux listes, je pense que je me serais abstenue, reconnaît Elsa Faucillon dont le texte « Pour un printemps du communisme », favorable à des discussions plus poussées avec la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon, avait recueilli 12 % des voix, le 6 octobre. Car les propositions faites par Fabien Roussel et André Chassaigne, bien que plus marquées dans une réaffirmation de l’identité communiste, gardent le même flou stratégique que celles de Pierre Laurent. Aucun pas n’est fait en direction d’une analyse de la crise du communisme. » Sous couvert d’anonymat, un membre de la direction sortante « respecte cette position » mais diverge sur l’analyse : « Je ne suis pas convaincu que ce sois possible pour nous de travailler avec Mélenchon tant que celui-ci considère le PCF comme quantité négligeable. »
En attendant d’éventuelles alliances en vue des européennes, M. Roussel semble avoir accepté la main tendue par Pierre Laurent : « Marquer le changement en changeant de secrétaire national, avec la présence de Pierre Laurent à un niveau important, pourquoi pas président du Conseil national, ça peut être une bonne solution », a-t-il commenté mardi 20 novembre à l’AFP faisant comprendre qu’un accord a bien été trouvé entre les deux parties durant ce mois et demi de tractations. Un positionnement résumé par le porte-parole du PCF, Olivier Dartigolles, au Monde : « Les communistes veulent que le Parti communiste retrouve une présence et une influence plus fortes dans le débat politique. Il faut nous doter d’une direction en phase avec les orientations décidées. Pierre Laurent veut additionner les forces. C’est une attitude très responsable qui garantit l’unité. » Il nuance cependant : « L’incarnation est importante, mais le collectif reste nécessaire. Il y a un besoin de changement, mais aussi un besoin d’expérience. Le secrétariat national n’est pas une sinécure, c’est du lundi matin au dimanche soir. »
« Une tragicomédie »
Pour Elsa Faucillon en revanche, cette décision collégiale correspond à « de petits arrangements au sommet. » Sévère, elle considère dans Le Monde, que « c’est du grand n’importe quoi, une tragicomédie. » En coulisses, on laisse sous-entendre qu’une liste alternative pourrait être déposée lors du Congrès d’Ivry-sur-Seine. A cinq jours de la fin de celui-ci, l’unité du Parti communiste reste loin d’être acquise.
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