« Libération » révèle comment les services de renseignements français étaient informés des agissements de Lafarge en Syrie.
« Au cours des réunions, j’ai donné toutes les informations. » Selon les révélations du journal Libération, les services de renseignements français étaient informés « de façon précise et régulière » par le directeur de sûreté du financement de l’Etat islamique par le cimentier Lafarge. Le quotidien s’est procuré un interrogatoire daté du 12 avril dernier de Jean-Claude Veillard, ancien directeur sûreté de l’entreprise par la juge d’instruction, Charlotte Bilger, chargée du dossier. Lui et cinq autres dirigeants de la multinationale sont mis en examen pour avoir versé de grandes sommes d’argent à plusieurs groupes armés, dont l’Etat islamique, entre 2012 et 2014, afin de pouvoir poursuivre leur activité dans le nord de la Syrie.
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« Je ne faisais aucun tri dans les informations »
Et Jean-Claude Veillard l’assure : « Je ne faisais aucun tri dans les informations que je donnais aux services de renseignements ». Il ajoute : « Au cours des réunions, j’ai donné toutes les informations ». Libération révèle ensuite que ce dernier a bien rencontré à 33 reprises différents services de renseignements français (DRM, DGSE, DGSI), si l’on en croit l’agenda qu’il a fourni à la juge d’instruction. « Un canal fructueux, qui a pu permettre au plus haut niveau de l’Etat d’être avisé en temps réel des équilibres militaires dans le nord de la Syrie, mais aussi de la réalité des agissements de Lafarge », écrit le journal.
On apprend aussi que la DGSE avait mis en place une adresse mail pour communiquer avec Jean-Claude Veillard, dont l’intitulé était : grosmarmotte@gmail.com. C’est d’ailleurs comme ça que le directeur de la sûreté informait la DGSE des agissements de l’usine. Dans un courriel du 13 septembre 2014, il avertit notamment le service de renseignement d’une rencontre avec deux dirigeants kurdes en France.
Six jours plus tard, l’usine est prise d’assaut par l’Etat islamique. Et Jean-Claude Veillard évoque ses craintes dans un mail : « L’usine est maintenant occupée par Daech qui bénéficie de notre cantine, clinique et base vie […] Le contact a été établi pour la libération de nos collègues chrétiens. Nous recherchons maintenant une voie pour payer la ‘taxe’ car leur jugement est simple : la conversion, la taxe ou la vie… »
Des liens étroits
Quelques semaines plus tard, le directeur de sûreté explique par mail que « des représentants de Daech » ont « commencé à établir des contacts avec certains de nos employés ». Ils chercheraient à obtenir de l’aide « technique pour remettre en route le générateur électrique ». Une fois encore, M. Veillard fait part de ses inquiétudes à la DGSE qui répond simplement : « Nous sommes intéressés par tout élément sur les représentants de Daech en contact avec nos employés… Tel, mails, pseudos, descriptions, etc. bon courage. » Les liens entre Lafarge et les services de renseignements s’accentuent lorsqu’une contractuelle de la DCRI (aujourd’hui DGSI) est employée entre 2010 et 2011, et sera ensuite remplacée par un agent de la DGSE.
Quoi qu’il en soit, Jean-Claude Veillard l’assure il a bien « donné toutes les informations » dont il disposait, y compris celles sur la réalité du financement, dont il explique avoir « compris l’économie générale au profit des groupes armés » en 2013, puis un an plus tard, les « liens avec Isis [l’EI, ndlr]« .
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