L’Allemagne est sous le choc après l’attentat de Hanau. Les regards se tournent vers l’AfD, le parti d’extrême droite entré au Bundestag en 2017, accusé d’encourager les violences racistes.
Ils et elles s’appelaient Ferhat, Gökhan, Hamza, Said Nessar, Mercedes, Sedat, Kaloyan, Fatih, Vili. Ces neuf personnes ont perdu la vie la semaine dernière sous les balles d’un terroriste d’extrême droite. Six autres ont été blessées. Dans la soirée du 19 février 2020, Tobias R., un Allemand de 43 ans, a fait irruption armé d’un pistolet dans deux bars à chicha à Hanau, une petite ville des environs de Francfort, en Allemagne, tirant au hasard sur les clients qui se trouvaient à l’intérieur. De retour à son domicile, le terroriste a tué sa mère, avant de retourner l’arme contre lui. Un long manifeste pétri de théorie du complot et d’éructations racistes, dont Tobias R. serait de toute évidence l’auteur, laisse peu de doutes sur le motif de l’attentat.
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Un pays libéral, ouvert et tolérant
Quelques mois après l’attentat antisémite de Halle, qui avait fait deux morts en octobre 2019, l’Allemagne est à nouveau frappée par un acte terroriste d’extrême droite. “Il est trop tard. Hanau n’est pas une sonnette d’alarme qu’on peut tirer maintenant, mais ce qui a fini par arriver parce que les stridents signaux d’alarme des dernières décennies ont été ignorés”, affirme l’écrivain germano-turc Deniz Utlu dans une tribune parue le 22 février sur le site de l’hebdomadaire Der Spiegel. L’attentat de Hanau ébranleen effet l’image que l’Allemagne s’efforce de (se) donner d’elle-même depuis l’après-guerre : celle d’un Etat libéral, ouvert et tolérant. Le pays qui a mené un travail de mémoire et de repentance exemplaire vis-à-vis de son sombre passé. Le pays qui, il n’y a pas si longtemps encore, accueillait les réfugiés à bras ouverts. Mais aussi le pays qui, depuis les élections des députés au Bundestag de 2017, a pour troisième force politique un parti d’extrême droite, l’AfD (Alternative pour l’Allemagne).
C’est vers elle que se tournent aujourd’hui les regards. Le parti est accusé d’avoir créé en Allemagne un climat propice aux violences racistes avec son discours xénophobe décomplexé. Selon un sondage commandité par l’hebdomadaire Bild am Sonntag, 60 % des Allemands estiment que l’AfD a une responsabilité dans les attentats de Hanau. L’approbation des habitants pour le parti d’extrême droite a par ailleurs chuté de deux points ces derniers jours, passant de 11 à 9 %.
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Vives critiques
Plusieurs responsables politiques allemands ont formulé de vives critiques à l’égard de l’AfD. A commencer par Wolfgang Schäuble (CDU), le président du Bundestag, qui a rappelé dans une interview au quotidien Handelsblatt que “les mots peuvent se transformer en actes” et que “les représentants élus ne peuvent se soustraire à cette responsabilité”. Lars Klingbeil, secrétaire général du SPD, et Robert Habeck, co-président des Verts allemands, ont demandé tous deux à ce que le parti d’extrême droite soit placé sous la surveillance de l’Office fédéral de protection de la Constitution, au motif qu’il attise le racisme et encourage l’extrémisme de droite. Ralf Stegner, président du groupe SPD au Landtag du Schleswig-Holstein – le parlement régional de ce land – estime lui aussi que le parti a “une coresponsabilité déterminante dans le terrorisme d’extrême droite en Allemagne” et que “les fonctionnaires de l’AfD n’ont pas leur place au sein du service public”.
Dans le pays en deuil, le spectre de l’Allemagne nazie ressurgit. L’éditorialiste allemand Markus Feldenkirchen, journaliste à Der Spiegel, estime que son pays a “un immense problème nazi” et appelle le gouvernement allemand à ne pas oublier le passé et à prendre ses responsabilités : “Un pays qui, entraîné par une idéologie national-socialiste, a mis le feu à la moitié du monde et a six millions de juifs sur la conscience devrait au minimum veiller à ce que la pensée raciste ne puisse plus croître sur le sol allemand. Et ne fasse plus aucune victime.”
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