Que portait-on dans les clubs britanniques dans les années 90 ? Si vous étiez fan de jungle music, sûrement des pièces Moschino, Versace ou D&G. Une exposition à Londres revient sur la curieuse appropriation des créateurs italiens par les scènes musicales underground du début des années 90.
« Aujourd’hui, je m’habille encore comme à l’époque : les cheveux attachés, beaucoup de bijoux, du Moschino vintage customisé et des Reebok Classic. » Saul Milton, du duo de producteurs britannique Chase & Status, grand nom de la musique de club des années 90, collectionne les pièces Moschino vintage des années 90 aux débuts des années 2000. Ses archives – plus de 1 000 pièces ! – ont été le point de départ de Super Sharp, premier volet d’une série d’expositions autour de la culture rave au Royaume-Uni. « Ma collection est empreinte de nostalgie, de retour à une époque où on s’appropriait d’autres cultures, pour les twister et les transformer en notre propre style, notre propre look. »
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Au début des année 90, le Royaume-Uni découvre la jungle music : mélange de hip-hop et d’électro aux influences jamaïcaines, ce style musical devient rapidement populaire dans les clubs de Londres et de Bristol. Diffusé majoritairement via les radios pirates de l’époque, elle enflamme les dancefloors des raves un peu partout à travers le pays, influençant du même coup les garde-robes des raveurs de l’époque. Quelques années plus tard, le sud de Londres s’éprend de la musique garage, reprise du style musical en vogue à New York agrémenté de choeurs d’influence r’n’b.
La Fashion Space Gallery, située près d’Oxford Street à Londres, se penche sur l’influence que ces deux styles de musique ont eu sur les garde-robes des clubbeurs des années 90 : les fans s’arrachent les marques italiennes comme Moschino, Versace, Iceberg et D&G. Plus c’est bling, mieux c’est : le but est de se faire remarquer. S’habiller pour aller clubber devient un rituel à part entière : certaines boîtes commencent à refuser l’entrée aux personnes portant baskets ou casquettes.
Total look pour les hommes
Le public se féminise aussi progressivement : « L’ambiance dans les clubs de jungle était plus agressive, majoritairement dominée par les hommes, explique Tory Turk, co-comissaire de l’exposition. Quant à la scène garage, elle était plus expressive, il y avait beaucoup plus de femmes. » Sur la piste de danse, les filles mélangent leur pièces de luxe avec du Kookai ou du Morgan, tandis que pour les hommes le total look est de rigueur. « Dépenser autant d’argent pour des vêtements montrait à quel point vous étiez dévoué, et ce que vous aviez sacrifié pour prouver que vous faites partie du gang. »
Saul Milton raconte comment ce phénomène de « peacocking » (comprendre, « faire le paon ») est devenu constitutif d’une vraie identité au magazine Pylot : « Les marques de luxe n’étaient pas la norme chez les jeunes, alors porter fièrement du Moschino ou du Versace était visuellement fort. Les couleurs flash et effrontées, les motifs bariolés étaient dans la lignée de la musique et de l’ambiance générale. Si vous portiez certains créateurs, il y avait de grandes chances que vous vous retrouviez en pleine rave entouré de personnes sur la même longueur d’ondes que vous. Les marques devenaient notre uniforme aux yeux de tous. »
Aux côtés de coupures de presse issues des magazines The Face, i-D ou Dazed, Super Sharp présente des scènes recréées à partir de souvenirs d’époque : les artistes Jumpin’ Jack Frost, PJ & Smiley ou Goldie racontent leur expérience des scènes jungle et garage, et ce qu’ils portaient lors de ces folles soirées en club. Le tout sur une bande son mélangeant sons originaux et nouvelles compositions de Saul Milton, réalisées en l’honneur des quinze ans de son groupe Chase & Status.
« Super Sharp », première partie de la série d’expositions « RTRN II JUNGLE, » jusqu’au 21 avril 2018 à la Fashion Space Gallery de la London College of Fashion, 20 John Princes Street, Londres.
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