Au cœur du quinquennat d’Emmanuel Macron, la promotion de la langue française et du plurilinguisme dans le monde. Retour sur la conférence organisée par le gouvernement et l’Institut Français qui a eu lieu le 14 et 15 février.
“La langue française est un espace qui ne connait pas de frontières”. Lors du discours d’ouverture de la Conférence internationale pour la langue française et le plurilinguisme qui s’est tenu le 14 février et le 15 février, la Ministre de la Culture affirme que la langue française est un espace de partages, de rencontres, d’échanges. “Elle permet de bâtir des ponts avec le monde entier, sur lequel circule les idées, les savoirs, les oeuvres”, assure la ministre de la Culture, Françoise Nyssen.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
L’un des objectifs phares de cette année pour le gouvernement est de moderniser l’image de la francophonie et faire la promotion du français à l’international. En amont de l’annonce du grand plan d’Emmanuel Macron à ce sujet prévu pour le 20 mars, ces deux journées de conférences et d’ateliers organisées par le gouvernement et l’Institut Français, intitulées,« Mon Idée pour le Français » ont pour but de pousser à la réflexion, de mener des débats et de proposer des idées concrètes pour “déringardiser” la francophonie. Plus de 400 personnes venues de différents pays francophones se sont ainsi rendues à la Cité Internationale universitaire de Paris pour participer à ce grand “remue-méninge”.
>> A lire aussi : Face à l’anglicisation du monde, comment moderniser la langue française ?
Une francophonie qui « ne tourne pas le dos au monde »
La Ministre de la Culture affirme sa volonté de rendre le français plus accessible, plus visible. Elle insiste : “La France doit promouvoir la diversité des voix francophones”. Françoise Nyssen propose plusieurs pistes à explorer, comme par exemple des bourses, des résidences, un renforcement du soutien à la production ou des rencontres avec le public et avec les programmateurs.
»Je souhaite bâtir des ponts pour que la #francophonie vienne d’ailleurs. Je soutiens les lieux et les événements qui portent la #languefrançaise. » Mme la Ministre de la Culture @FrancoiseNyssenvient. #monideepourlefrancais pic.twitter.com/nN34EYqiAZ
— Institut français (@IFParis) 14 février 2018
Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères prend ensuite la parole. Celui-ci promeut l’idée d’une francophonie “qui ne tourne pas le dos au monde” et qui au contraire “ferait en sorte que les identités se conjuguent de façon plurielle”. Des identités qui pourraient s’élever au nombre de 700 millions en 2050. Le nombre de locuteurs est actuellement de 274 millions.
Pour Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, également présente à la conférence, le français peut être complémentaire de l’anglais. “La langue de Shakespeare peut convenir à la langue de Molière” soutient-elle. Dans le milieu scientifique, l’anglais domine. Pour la ministre, il est essentiel de trouver des moyens pour faire exister le français dans le paysage linguistique. Plus qu’une belle langue, “c’est une langue utile”. Une langue d’autant plus forte qu’elle pourra relever “les défis de la formation, de l’insertion professionnelle, de l’employabilité, de l’innovation” conclut Frédérique Vidal.
Une forme d’hypocrisie
Place à la première table ronde, animée par Leïla Slimani, représentante personnelle du chef de l’Etat pour la francophonie et récipiendaire du prix Goncourt en 2016. La parole est donnée à six jeunes francophones. Kaouther Adimi, lauréate du prix Renaudot des Lycéens 2017, l’urbaniste mexicaine Joselyne Ramirez la journaliste mauritanienne Houleye Kane, l’étudiant slovène polyglotte Tim Horvat, l’entrepreneur chinois Yangke Sun et l’éditeur français Corentin Emery. Chacun d’entre eux s’expriment sur le rapport particulier qu’ils entretiennent avec le français. Pour Houleye Kane, c’est un outil d’émancipation et pour Joselyne Ramirez, l’apprentissage de cette langue a changé sa carrière. Yangke Sun, lui, confie qu’il trouve la langue “sexy”.
« La langue française et le plurilinguisme demain » avec @kaoutheradimi écrivaine franco-algérienne, Joselyne Ramirez consultante mexicaine, Tim Horvat étudiant slovène, @khandy51 journaliste mauritanienne, Yangke Sun, entrepreneur chinois,
& Corentin Emery, éditeur français. pic.twitter.com/vRJzbXaJRv— Institut français (@IFParis) 14 février 2018
La représentante de la francophonie les interroge ensuite sur leur sentiment d’appartenance à cette communauté francophone. La journaliste mauritanienne rappelle que la langue française a un héritage colonial. “Le français s’est imposé de lui même chez nous, et on l’a accepté. Aujourd’hui, elle s’est créée son propre espace. Nous en faisons une richesse culturelle.” L’écrivaine franco-algérienne Kaouther Adimi se montre beaucoup plus réticente et critique. Elle avoue avoir du mal avec cette idée de « grande communauté où l’on serait tous ensemble parce que l’on parle français ». Une forme d’hypocrisie, car la France est pour elle un pays qui se montre excluant avec les étrangers, parfois même quand ceux-ci parlent français.
Une langue de « super-héros »
Elle confesse avoir levé les yeux au ciel durant les discours prononcés plus tôt dans la matinée et avoue y être totalement hermétique. « Continuer à présenter la langue française comme une langue de super-héros en disant ‘apprends le français tu verras ta vie va changer, tu vas avoir un super boulot et plein d’amis dans le monde’ je pense que c’est une vraie erreur.” Selon la jeune femme, cela crée une représentation de la langue française qui est très fausse, en plus d’être un représentation politique. “On continue les vieux discours qui sont très présents au Maghreb et sûrement en Afrique, de dire que parler français, c’est appartenir à la France.” Une vision à laquelle elle s’oppose, souhaitant plutôt repenser tout l’appareil de la francophonie.
Cette dernière appuie son propos en prenant l’exemple des lycées français, dont Jean-Baptiste Lemoyne faisait les louanges lors de son discours. “C’est vrai que ces lycées c’est super pour apprendre le français, mais demandez-vous combien ça coûte pour aller dans un lycée français, c’est combien de fois le SMIC d’un pays en Afrique, au Magreb ? C’est quasiment impossible, ou alors on fait partie d’une élite, élite financière ou politique.” Et donc cela perpétue l’idée que le français appartient à une certaine classe sociale, proche de la France. La table ronde se finit sur la conclusion que l’accès au français doit être fait par la culture. La langue est compliquée et peut en rebuter plus d’un, l’anglais est parfois plus confortable comme le déclare Tim Horvat, il faut alors être plus “relax”.
Une initiative qui laisse planer des doutes
En janvier 2018, le Président de la République proposait à Alain Mabanckou, écrivain franco-congolais, de le rejoindre avec Leïla Slimani dans son projet pour la francophonie. Une demande qui a essuyé un refus de la part du détenteur du prix Renaudot 2006. Dans une lettre ouverte publiée sur Bibliobs, celui-ci s’explique : “La Francophonie est malheureusement encore perçue comme la continuation de la politique étrangère de la France dans ses anciennes colonies. Repenser la Francophonie ce n’est pas seulement «protéger» la langue française qui, du reste n’est pas du tout menacée comme on a tendance à le proclamer dans un élan d’auto-flagellation propre à la France.” Il interpelle également le président sur ses propos maladroits lors de son discours à la Foire du Livre de Francfort, dans lequel il affirmant que « l’Allemagne accueillait la France et la Francophonie ». Une séparation que n’apprécie pas l’écrivain, “comme si la France n’était pas un pays francophone”, s’insurge-t-il.
Dans un communiqué datant du 31 janvier, l’Elysée a annoncé la fermeture du Tarmac, un théâtre de création contemporaine francophone à Paris, à la saison prochaine. Un lieu qui s’attelle pourtant à la promotion des artistes francophones venant du monde entier. Le Théâtre Ouvert, Centre national des dramaturgies contemporaines, devrait prendre sa place. Une décision qui pose question au moment où le gouvernement martèle son envie de promouvoir la francophonie.
>> A lire aussi : Valérie Baran, directrice du Tarmac, menacé de fermeture : « J’en appelle au président de la République »
{"type":"Banniere-Basse"}