Vendredi sera remis au président de la République un rapport sur la restitution des oeuvres d’art aux pays d’Afrique subsaharienne. La question fait l’objet de tensions de part et d’autre de la Méditerranée.
Le rapport de la mission des deux chercheurs Bénédicte Savoy, historienne, et Felwine Sarr, économiste, concernant la restitution des oeuvres d’art africaines par la France aux États en faisant la demande sera présenté ce vendredi 23 novembre au président de la République. Libération et Le Point se le sont procuré, en publiant chacun une analyse. Derrière des points de vues tranchés, les deux journaux se font les portes-paroles des camps s’opposant sur la question, sensible, du retour des oeuvres acquises au cours de la colonisation.
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Les deux chercheurs, missionnés par une lettre présidentielle, s’inscrivent d’eux-mêmes dans un cadre politique : « derrière le masque de beauté, la question des restitutions invite en effet à mettre le doigt au coeur d’un système d’appropriation et d’aliénation, le système colonial, dont certains musées européens, à leur corps défendant, sont aujourd’hui les archives publiques ». On ne s’étonne pas dès lors de l’« inquiétude », présente dans les milieux des musées et conservateurs dont l’AFP se faisait l’écho. Par ce rapports, les deux auteurs entendent proposer « une nouvelle éthique relationnelle ».
Modification du code du patrimoine français
Afin de mettre en oeuvre la « restitution progressive » des oeuvres, ils proposent une modification du code du patrimoine français et de la loi. Cette proposition a pour but de permettre la sortie des collections nationales – juridiquement « inaliénables », « imprescriptibles » et « insaisissables » – des objets d’art africains entrés dans le patrimoine français entre 1885 et 1960, le coeur de la période coloniale (soit près de 90 000 articles, dont 70 000 se trouvent au Quai-Branly). Les chercheurs partent en effet du principe que dans le cadre d’un rapport entre « colonisateur » et « colonisé« , le départ des oeuvres, même dans le cadre d’un achat légal, était subi. Une étude au cas par cas devra être, selon eux, menée au fil des demandes.
Ainsi la modification de la loi qu’ils proposent s’appuie d’un biais particulier : le « vice de consentement ». Mais ce retour, qui serait progressif – selon les capacités d’accueils des états africains demandeurs – fait débat dans ces pays mêmes. Des objets appartenant à des ethnies bien particulières peuvent-ils être remis à des États centralisé ? Ce débat interne aux sociétés d’accueil, questionne également la démarche française. Les deux auteurs du rapport mettent en avant le rôle que ces « restitutions » peuvent remplir dans la création de nouveaux échanges entre la France et les États africains. Toute restitution doit être, de ce point de vue, une interaction entre États et pas une réclamation d’une communauté ethnique.
« Restitution » ou « circulation »
Si Libération se montre favorable à cette démarche, s’inquiétant de la légitimité des États centralisés africains vis-à-vis des communautés ethniques, Le Point est plus critique, y voyant une « repentance qui ne dit pas son nom ». Les chercheurs ont, par ailleurs, ouvertement interprété la lettre de mission élyséenne. Ils écrivent : « cette lettre de mission, parce qu’elle évoque à la fois des restitutions temporaires et des restitutions définitives, est porteuse d’une ambiguïté qu’il a paru indispensable de lever très vite ». La lettre évoquait en effet d’avantage la question d’une « circulation« , entre les Etats qu’une « restitution » définitive.
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