Depuis l’extension du confinement en Europe et aux Etats-Unis, grands noms de l’électro et petits collectifs s’organisent sur internet pour rythmer notre quarantaine. Solidarité, humour et précarité se mêlent dans les multiples initiatives virtuelles.
Le premier élan est celui de mettre à disposition du son : Laurent Garnier, Manu le Malin ou encore DJ Marcelle ont rapidement publié de longs mixs, tandis que Barbieturix a mis à disposition le premier volume de sa compilation. Dans la semaine, les rassemblements virtuels ont fleuri : Dure Vie a lancé La Fête aux balcons tous les vendredis avec le soutien de la Mairie de Paris, où chacun·e était invité·e à diffuser une heure de musique pour soutenir les soignant·es.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
L’événement Facebook a rassemblé près de 40 000 participant·es et intéressé·es, un engouement qui a surpris l’équipe : “L’humain cherche à s’adapter et à tout de même créer des liens sociaux malgré les contraintes qui lui sont imposées” , explique Mazen Nasri, cofondateur du média.
Rituels solidaires et exutoires
“Dans ces moments de confinement, il faut créer. La fête a encore ce potentiel, elle a réussi en l’espace de quelques jours à se réinventer d’une façon ou d’une autre pour continuer d’exister”, note Lucas Javelle, organisateur des Antivirus Party, qui œuvre pour “apporter une bonne dose d’inédit” au confinement. Ce qui se joue dans les teufs virtuelles, c’est une redécouverte (contrainte) de la fête chez soi.
>> Lire aussi : Le plein de concerts pendant le confinement, c’est possible !
“Ensemble à la maison”, devise de la quarantaine, s’exprime dans l’utilisation d’applis comme AmpME pour synchroniser l’écoute de musique à distance ou Corona Party, qui permet de reconstituer l’illusion de fête à domicile façon Sims. Le magazine Tsugi vient d’ailleurs de lancer son Festival à la maison. De son côté, la plateforme Boiler Room a lancé une série de live caritatifs depuis la maison des artistes… Avec humour, les Italiens avaient pris un peu d’avance avec la création de Covid-Room.
C’est sur une note potache que la DJ Leslie Barbara Butch a lancé le rendez-vous L’Appart avec deux amis : le trio prévoit un live à projeter tous les week-ends (car le set inclut des messages militants) et la mise en place de cagnottes. Pour Barbara Butch, continuer la fête n’est pas une option : “C’est un exutoire pour beaucoup d’entre nous au quotidien, donc si on nous enlève ça pendant notre confinement ça peut être une grosse source d’angoisse.” Elle a également lancé un live Instagram quotidien pour rassembler les personnes queer isolées.
Le stream peut-il sauver la fête ?
A défaut de reproduire l’expérience de la foule en sueur, la teuf stream semble favoriser une connexion festive spéciale via la discussion : “Tu vois des groupes de gens qui se font des blagues, tu croises des potes qui sont branchés ici ou là et qui sont tous en roue libre parce que tout le monde est déjà à cran après cette première semaine”, analyse le DJ Pasteur Charles, qui a participé à COVID-Chella et Boiler Merde ce week-end. Il poursuit : “Le contenu musical, au final, c’est plus que jamais un support de socialisation.”
Laurene retire une expérience très positive du live de The Gardens of Babylon auquel elle a participé : “Voir autant de gens connectés dans le monde entier, au même moment, derrière leur ordi, qui avaient décoré leur salon, s’était déguisés, ça faisait plaisir à voir !”
Pour les organisateurs, c’est aussi un exercice de communication : Le collectif techno Possession lance un podcast par jour et le challenge #unitedravers pour faire gagner un pass pour toutes les soirées possession de l’année 2020 et jusqu’à septembre 2021.
>> Lire aussi : Le tour des initiatives solidaires sur les réseaux sociaux
“En tout cas, il va falloir avoir les reins solides pour les organisateurs pendant les mois à venir, c’est un sacré casse-tête de tout reprogrammer.” anticipe Benjamin Charvet, cofondateur de Dure Vie. L’enjeu économique est de taille, des centaines de milliers d’euros ont déjà été perdus avec l’annulation de dates. A Berlin, les clubs ont lancé le plus grand club virtuel du monde avec Arte Concert pour récolter des fonds et survivre à la crise.
En France, à l’annonce des premières mesures de confinement, un ensemble de lieux indépendants de Paris, Lyon et Bordeaux alertait sur leur besoin de soutien. “On essaie d’éteindre l’incendie parce que déjà c’est une question de survie pour pleins de gens”, résume Tommy Vaudecrane, président de l’association Technopol qui a mis en place un formulaire pour mesurer l’impact de la pandémie sur les acteurs.
L’ampleur des dégâts du coronavirus pour la filière est encore incertaine, mais “si la pandémie peut avoir cet effet-là, évoluer vers le don, ce serait super, parce que ça aura permis aux gens de revenir aux fondamentaux de ce qu’est vivre ensemble”, conclut-il.
{"type":"Banniere-Basse"}