Tandis qu’hier midi Nicolas Sarkozy recevait huit figures masculines du Web pour causer Hadopi, Loopsi ou autre taxe Google, un contre-déjeuner 100% blogueuses avait lieu. Et oui, les filles aussi réfléchissent à l’avenir du Net.
Au début, ça paraît louche : un resto parisien branchouille de la rive gauche, un groupe de femmes attablé dans une semi-obscurité, le visage solennel.
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« Bonjour, je m’appelle @prenomfeminin, j’arrive à glisser « URL » dans une conversation au bout de 3 minutes, et je blogue depuis 2001, non, depuis les années 1990, je crois même que je bloguais quand t’étais pas encore né. »
Et la table de reprendre en chœur : « Bonjour @prenomfeminin! »
Non, ce n’est pas un rassemblement d’alcooliques anonymes, mais bel et bien « le shadow déjeuner des frangines. » Ne me regardez pas comme ça, je n’ai rien à voir avec ce nom de code – et pour tout vous avouer, à chaque fois que j’y pense, résonne dans ma tête le « shadow gouvernement » de François Bayrou.
Une contre soirée en pleine journée
C’est vous dire comme c’est pénible. Mais revenons à notre « shadow déjeuner ». L’idée a d’abord germé dans l’esprit du blogueur-chroniqueur-journaliste David Abiker. Imaginez une sorte de contre-soirée en plein milieu de la journée.
Champagne, check. Saumon, check. Invités classe, check. Toutes ensemble, célébrons notre non-invitation à l’Elysée ! Oui, parce qu’au même moment, notre président Nicolas Sarkozy recevait des stars du web pour causer Hadopi, loi Loopsi et « taxe Google » (reportée). Une liste certifiée 100 % testostérone.
Bon, à la décharge de l’armada de conseillers élyséens chargés d’organiser ce repas, nous savons tous qu’une femme n’a strictement rien à apporter dans une conversation sur l’économie numérique. C’est trop technique, y’a beaucoup trop de chiffres.
Education à Internet, droit à l’oubli, identité numérique, ça débattait sec
Non, parce que les filles bloguent, peut-être, mais uniquement sur la recette de tarte aux pommes de mamie (en même temps, c’est vrai qu’elle la réussit délicieusement bien), sur la dernière marinière à la mode et sur les prouesses de leurs bambins ô-qu’ils-sont-formidables. Pourtant, à part quelques déviations (« T’as combien d’enfants toi ? Et ils ont quel âge ? » – oui, bon, peut-être que les femmes glissent beaucoup leur progéniture dans les conversations), nous avons bel et bien débattu de sujets numériques.
Si, si – et aussi du papier qui entourait les frites, mais c’était drôle, y’avait « Esprits libres » écrit en russe et en gros. Principalement évoqués (il faut bien que je vous raconte, quand même !) : l’éducation à Internet, surtout pour les plus jeunes et les populations les moins favorisées, pour ne pas se laisser piéger par le gouffre numérique ; le droit ou non à l’oubli – comment faire en sorte que votre patron ne retrouve pas des photos de vous bourré quand vous aviez 10 ans de moins ? ; l’identité numérique, y compris celle des nouveau-nés, déjà mis en ligne avant même de comprendre ce qu’est un ordinateur.
Si, réfléchissez : vous avez forcément un couple de potes qui publie en permanence des photos de Futurbébé, Bébéprendsonbain, Bébésourit, Bébédort. Alors que Bébé n’a rien demandé. Et que, vous, honnêtement, ça vous pourrit votre Newsfeed de Facebook.
Rien sur Wikileaks – comme les hommes réunis à l’Elysée, en fait ; pas grand-chose sur Hadopi. A peine le temps de sourire au blogueur-chroniquer-journaliste Guy Birenbaum, arrivé entre deux.
Après deux heures d’échanges, nous en sommes arrivés à la conclusion suivante : aujourd’hui, les internautes exigent d’être libres et, en même temps, ils demandent une protection maximale. Ca se tweete, un paradoxe comme ça, non ? Chacune fouille dans sa poche, à la recherche de son iPhone. Et merde, ça capte mal. Je suis sure qu’à l’Elysée, j’aurais eu les cinq barres. Discrimination, quand tu nous tiens.
Elodie Font
Les invité(e)s: blog.plafonddeverre.fr, www.fannysparty.com, www.julieadore.com, www.la-violette.net, www.flavors.me/jalila, www.heavencanwait.fr ,www.lescasserolesdenawal.fr, blogs.lesinrocks.com/contesdecomptoir/, et Isabelle Germain des Nouvelles News, Natacha Quester-Siméon, David Abiker, Guy Birenbaum.
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