En dévoilant l’histoire et surtout les ennemis du prochain épisode de la saga Far Cry, Ubisoft a enflammé les partisans de l’extrême droite américaine.
Le Montana : ses vastes plaines verdoyantes, ses hautes montagnes et ses forêts denses. Un lieu touristique de rêve, mais aussi le prochain terrain de jeu de la licence Far Cry, le FPS en open-world du studio Ubisoft qui sortira le 27 février prochain.
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Depuis ses débuts, les développeurs de la licence Far Cry ont l’habitude d’amener les joueurs dans des lieux exotiques. Des îles paradisiaques, l’Afrique, la région de l’Himalaya ou même la préhistoire dans l’épisode Primal, chaque nouveau jeu est l’occasion d’y découvrir un environnement nouveau et dépaysant. Si ces lieux sont à chaque fois fictifs, les régions sont elles directement ancrées dans la réalité.
Appelez les Rednecks
Après avoir teasé le jeu durant quelques jours avec d’énigmatiques trailers environnementaux, Ubisoft a levé le voile sur la réelle teneur de ce nouvel épisode. L’intrigue prendra place dans la ville fictive d’Hope County, où l’Eden’s Gate, un culte de fanatiques religieux a pris le dessus sur la région, et ne rêve que d’une chose : faire un coup d’État.
Le joueur devra encore une fois, prendre la tête de la résistance locale et vaincre l’oppresseur à l’aide d’un arsenal et de multiples véhicules à sa disposition.
Le premier visuel du jeu (qui sera aussi sa jaquette) présente sous fond de remake de la Cène, le leader charismatique de cette joyeuse bande Joseph Seed, accompagné de ses apôtres et de sa famille trônant au milieu de dizaines de signes de la chrétienté et de l’Amérique. Le décor est planté.
Il n’en fallait pas plus pour déchaîner les passions. Pick-up, second amendement, chemises à carreaux et barbes hirsutes. Pas de doute, cette fois-ci les principaux ennemis de ce nouvel opus seront bien des suprématistes blancs aussi communément appelés “rednecks”.
A la base utilisé pour désigner les campagnards, ce terme souvent péjoratif désigne aujourd’hui ces habitants de l’Amérique profonde, ignares, pro-NRA et conservateurs, à l’image des protagonistes du reality show Duck Dynasty du mème Almost Politically Correct Redneck ou, pour rester dans la thématique, du personnage de Trevor Phillips dans GTA V.
“Jeu anti-Blanc”, “anti-chrétien”, “Contre l’Américain moyen”. Les réactions ne se sont pas fait attendre que ce soit sur Reddit, Twitter et même en France sur les forums JVC.
Le tweet le plus emblématique de ce mécontentement est bien celui de Paul Ray Ramsey, un youtuber et figure de l’alt-right américain qui condamne fermement ce choix.
Guess who are the villains in the new Far Cry game? Muslim terrorists who explode nail bombs? ISIS who burn people alive? Nope. Christians. pic.twitter.com/OGodCAGd6Y
— RAMZPAUL (@ramzpaul) May 24, 2017
“Devinez qui sont les méchants du prochain jeu Far Cry ? Des terroristes musulmans qui font exploser des bombes ? Daech qui brûle des gens vivants ? Nope. Les chrétiens.”
Comme le montrent certains , il est vrai qu’il est difficile de ne pas voir une certaine extériorisation cathartique de la part des anti-Trump face à ce choix d’antagonistes.
https://twitter.com/agentbizzle/status/867427035110490113/photo/1
Ce qui n’est pas du goût de tous, comme Will Hicks qui fustige sur le blog d’opinion Heat Street , ceux qui se réjouissent d’affronter “de potentiels électeurs de Trump” dans ce “plus flagrant simulateur de génocide de blancs depuis Battlefield 1”.
Un scénario basé sur la peur
Pourtant comme l’explique Emmanuel Carré le porte-parole d’Ubisoft en France, contacté par Pixels-Le Monde.
“Far Cry 5, ce n’est pas l’histoire d’une personne en particulier, d’une religion ou d’un événement, mais il se dégage pourtant l’impression que l’univers de Far Cry est inspiré par le monde réel passé et présent – tout comme les livres, les documentaires, ou les films. FC5, c’est un travail de fiction qui est pensé pour immerger les joueurs dans un scénario plausible.”
Des paroles qui rejoignent celles partagées par Dan Hay, producteur du jeu sur le blog officiel d’Ubisoft.
L’histoire de ce Far Cry serait inspirée par l’atmosphère de peur ressentie par les Américains dans le début des années 80 alors en pleine guerre froide. Une atmosphère de fin du monde imminente qui a accompagné l’enfance de Dan Hay, dopé à des films comme Terminator ou War Games. Cette peur depuis disparue aurait selon lui ressurgi dans ces campagnes après la crise des subprimes de 2008.
“Je pense à ce que les gens ressentaient pendant ces moments. Que fait le gouvernement ? Où se trouvent celles et ceux qui protègent nos ressources, qui surveillent ce qui se passe ? Où se trouvent ceux qui tiennent les rênes et nous protègent ?”
Cette volonté d’assurer cette protection par soi-même, pour sa famille et ses proches se retrouve donc dans la vision du culte de l’Eden’s Gate.
Ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’un jeu d’Ubisoft provoque un certain remous. Récemment, ce fut le cas de Ghost Recon Wildlands mettant en scène une Bolivie fictive corrompue a fortement déplu au gouvernement bolivien.
Loin d’être négatif, cette récurrence de polémiques atteste en réalité d’une des qualités indéniables d’Ubisoft qui n’hésite pas à prendre certains risques et même à anticiper des phénomènes qu’ils soient sociaux ou culturels (comme dans Watch Dogs 2 où se mêle la dictature d’une surveillance globale et les hacktivistes de DedSec).
Il est d’autant plus intéressant de voir que le speech de Far Cry 5 fait déjà écho dans l’actualité récente avec l’affaire de l’occupation par une milice armée d’un refuge national à Malheur dans l’Oregon en 2016 (). Le chef de ces miliciens anti-gouvernement Ammon Bundy avait alors déclaré fait cela après avoir reçu “un message divin”.
ce choix de faire affronter aux joueurs des fanatiques religieux blancs, déjà pris comme ennemis dans Bioshock Infinite, relance encore une fois le débat et l’éternelle question de l’identité des protagonistes du jeu vidéo, un combat d’ailleurs cher aux extrémistes du gamergate. Pourtant il est ironique, comme le soulignent certains, de voir que le choix d’Ubisoft peut motiver ces nihilistes à demander plus de diversité dans les ennemis vidéoludiques.
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