Ces groupes s’appellent COVID Entraide France, Mask attack ou Confinement et Parentalité, sont atteignables depuis Facebook, Instagram, Telegram voire Slack, et permettent de s’organiser et se soutenir en pleine période de crise.
« Coronavirus entraide France« , « #Covid-entraide infos France« , « Aide aux courses« , « Entraide animaux« , « Mask attack » ou encore « Confinement & Parentalité« . Qu’ils aient des noms généralistes ou plus directement liés aux services qu’ils cherchent à rendre, les groupes, pages, fils de discussion pullulent en cette période de crise sanitaire. Si les réseaux sociaux sont le lieu d’un snobisme du confinement quelquefois violent, Facebook, Whatsapp, Instagram ou Telegram permettent aussi la discussion, l’échange et l’entraide par temps de pandémie. Et c’est bienheureux, car les problématiques sont multiples : gestion des enfants, approvisionnement en masques ou en appartement pour les soignant·es, lutte contre la solitude, besoin de soutien psychologique…
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Prêter main-forte aux médecins, en première ligne
Sur des groupes tous récents ou plus anciens, comme Wanted Community, l’aide au personnel soignant est très active. Ainsi voit-on apparaître des propositions d’appartements mis à disposition près des hôpitaux, ou de masques d’appoint. Sur Instagram aussi, les photos de masques cousus main se multiplient. Les patrons dessinés par le Centre hospitalier universitaire de Grenoble et des Alpes sont disponibles en ligne, ce qui permet de réaliser une série de masques qui, s’ils ne sont pas agréés FFP2, aident déjà un peu.
https://www.instagram.com/p/B-KL2H2AtHX/
https://www.instagram.com/p/B-eUwOYn7aO/
LinkedIn aussi permet de mobiliser : c’est ce réseau professionnel que le consultant en marketing numérique Sébastien Morel a choisi pour diffuser son appel à volontaires. Le but : lancer un hackathon d’idées utiles aux soignants, aux élèves et à leurs parents, bref, à tous·tes celleux qui peuvent avoir besoin d’aide pendant la crise. Le projet a débouché sur le site hacklacrise, 48h de réflexion orchestrées en ligne, via Slack et Discord, et sur le prototypage de cinq projets différents d’aide aux soignants ou aux parents.
Soutenir les parents – et éviter les violences
Car les parents, parlons-en : en plus du télétravail, il leur faut gérer l’école et les loisirs de leurs enfants. Twitter, Instagram ou Facebook permettent de s’échanger des idées d’ateliers origamis, ou des bibliothèques de films pour enfants accessibles en ligne. Des collectifs militants se tournent aussi vers les réseaux sociaux pour proposer des initiatives adaptées à la période. C’est le cas de Nous Toutes, qui lutte contre les violences sexistes et sexuelles, qui envoie deux fois par jour des messages WhatsApp aux parents qui le souhaitent.
“On l’a fait dans une logique de prévention”, précise Madeline da Silva, militante pour le collectif et maire adjointe aux Lilas : les situations de confinement exacerbent les violences conjugales et familiales. En envoyant des messages quotidiens, Nous Toutes espère aider les gens à respirer un peu. “Le but, c’est de montrer une présence et de proposer un tri face à la masse d’information qui arrive au quotidien, détaille la militante. On ne peut pas demander aux parents de s’improviser enseignant·es du jour au lendemain.” Chaque jour, ce sont donc 26 groupes de discussion WhatsApp, soit un peu plus de 6000 personnes, qui reçoivent trois propositions le matin et trois autres l’après-midi, “pour relativiser en tant qu’adulte, aborder l’école de façon ludique, et insuffler un peu de créativité”.
Cette présence en ligne n’a rien d’anodin. Co-fondateur de #Covid-Entraide, un tentaculaire réseau d’initiatives coordonnées via Facebook et Telegram, Joel témoigne : “Nous venons de réussir à reloger une femme victime de violences grâce à un appel à solidarité diffusé sur les réseaux.”
Reconstruire un lien virtuel
S’il déclare avoir son propre réseau de connaissances engagées dans des associations, Joel explique avoir ouvert les fils Covid-Entraide “avec six ou sept copains au départ, parce que nous sommes des citoyens préoccupés. On voyait la situation italienne évoluer, et sentant la crise arriver en France, on s’est demandé assez tôt ce que l’on pouvait faire de notre côté”. Quelques jours avant le confinement, ses amis et lui ouvrent un premier espace de discussion sur Telegram, qu’ils ont l’habitude d’utiliser. “On avait besoin de reconstruire un lien virtuel entre nous, pour partager des informations vérifiées, comprendre ce qu’il se passait.” Assez vite, plusieurs centaines de personnes les rejoignent, et les membres fondateurs décident de diviser l’espace en fils de discussion spécifiques, “pour désaturer la conversation, et correspondre aux différents besoins”.
Aujourd’hui, Covid-Entraide a un groupe principal sur Facebook et un autre sur Telegram, sur lesquels on retrouve l’annuaire d’un réseau très organisé : des fils par régions, d’autres par départements ou plus locaux encore ; des groupes dédiés pour s’échanger des informations sur l’impact économique ou celui politique de la crise ; des discussions pour s’échanger des informations pratiques, sur les transports, le droit du travail, ou les meilleures manières de se protéger. Et puis, surtout, des lieux pour se filer des coups de main très pratiques : faire les courses pour les plus fragiles, prêter un appartement ou coudre des masques de protection.
Et pour Laurence Allard, sociologue des usages numériques, “toutes ces initiatives répondent à l’usage très local qui se fait désormais de réseaux mondiaux”. La crise, explique-t-elle, donne à Facebook, Twitter et les autres “une nouvelle force, très utile, elle en fait de nouveaux espaces de proximité, où s’organise l’entraide pratique, mais aussi une autre forme de soutien, plus symbolique, dans l’échange d’information ou de contenus culturels”. Nous vivons tous une expérience inédite de distanciation, aussi bien physique qu’institutionnelle, souligne cette maîtresse de conférences à Lille 3 et Paris 3 – aussi, les réseaux permettent-ils “la mise en commun, la multiplication d’initiatives citoyennes. Ils remplacent des liens que l’Etat lui-même ne peut plus entretenir puisque le confinement le force, lui aussi, à tenir nombre de portes closes”.
Pour l’experte, cette profusion de réseaux témoigne en fait d’une double ambition : agir, quand bien même on est confiné·es, et reprendre la main sur la discussion politique et/ou citoyenne. “Cela diffère de l’usage fait par les Gilets Jaunes des réseaux sociaux en cela que ces groupes restent apolitiques”, sans mention de religion ni d’un quelconque particularisme. “Ce qui est intéressant, c’est d’observer qu’en temps de crise, une telle entraide, une telle mise en commun vont de soi.”
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