A une semaine du second tour de l’élection présidentielle, une manifestation anti-FN entre la place de la République et Bastille était organisée par le collectif #LePenNon, suite à un appel sur les réseaux sociaux. Dans la foule, un seul mot d’ordre : faire barrage coûte que coûte à Marine Le Pen. Pourtant, à l’avant du cortège, constitué de certains syndicats et partis politiques qui, à l’occasion du 1er mai, défilaient sur le même parcours mais de façon distincte – des débordements en marge de cette mobilisation-là ont eu lieu – la question d’une éventuelle abstention le 7 mai était largement discutée.
“Voter blanc, c’est voter FN à 50%”, “Marine me peine”, “Non en 2002, non en 2017” ou encore “FN, ça rime Aryen” et “Contre Hitler en 1933, vous vous seriez abstenus ?” Place de la République, à Paris, les manifestants venus à l’appel du collectif #LePenNon redoublent d’inventivité sur leurs affiches pour faire passer leur message : tout sauf une victoire de Marine Le Pen, le 7 mai prochain.
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Certes, dans le cortège, peu apprécient son rival Emmanuel Macron, arrivé en tête à l’issue du premier tour et favori des sondages pour le second. Mais la crainte d’une accession au pouvoir de la candidate du Front national, régulièrement qualifiée de “raciste”, “fasciste” et “xénophobe” par la foule, anime bon nombre des manifestants, qualifiant, à l’instar de Geoffrey, entrepreneur de 24 ans, “d’urgence” l’élimination du parti d’extrême droite : “L’heure est beaucoup trop grave pour rester chez soi.”
“En marche forcée”, dit par exemple un panneau brandi par Quitterie, étudiante de 19 ans venue avec ses amies. Elles ont toutes voté Benoît Hamon au premier tour – à un moment, la sono passe d’ailleurs Prayer in C, la chanson du groupe Lilly Wood and the Prick utilisée par le socialiste pendant sa campagne –, n’apprécient pas du tout Macron, et pourtant, dimanche, elles iront voter pour lui : “On va le faire parce qu’il faut le faire. Le FN est beaucoup trop dangereux.”
Sa copine Margaux, qui arbore une affiche montrant une Marine Le Pen/Dark Vador – “Je suis mon père” – abonde dans son sens, évoquant “l’importance de défendre des valeurs qui devraient être évidentes, et qui seront remises en cause par Le Pen, qui est fasciste”. “F comme fasciste, N comme nazisme”, scandent de temps en temps les manifestants, quand ils ne dansent pas avec bonhomie au son des Bérurier Noir ou de Michael Jackson – sur Black or White hein, pas Thriller.
« Hors de question que Le Pen passe. Ensuite, on retournera dans la rue combattre Macron »
Le choix de se tourner vers Macron a été plus difficile pour certains que pour d’autres. Nadège, chargée de com’ de 36 ans, est de ceux-là : Mélenchoniste depuis 2012, elle a d’abord été “très en colère, sans savoir quoi faire au second tour”. Puis, elle a réfléchi – réflexion que l’on retrouve sur l’affiche qu’elle brandit bien haut : “Combattre la peste d’abord, ensuite le choléra.” Nadège : “Finalement, au bout de trois jours, j’ai décidé de voter Macron. Hors de question que Le Pen passe. Ensuite, on retournera dans la rue combattre Macron. J’ai envie de me battre.”
Pourtant, à l’avant du cortège – également formé par des manifestants présents pour de tout autres raisons, comme par exemple des militants pro-Palestiniens ou encore un front de révolution Tamoul – d’autres discours se font entendre. Plusieurs syndicats – CGT, Solidaires, CNT… – et quelques partis politiques – Lutte Ouvrière (LO), Nouveau Parti anticapitaliste (NPA)… – défilent en effet pour le 1er Mai… En suivant le même itinéraire que la mobilisation anti-FN, de quoi avoir parfois du mal à s’y retrouver.
« Le danger que constituerait une accession de Marine Le Pen à l’Elysée est banalisé, sous-estimé »
Et si les seconds sont clairs sur leur volonté de placer le nom du candidat d’En marche ! dans l’urne dimanche prochain, les premiers, eux, ne sont pas forcément de cet avis. D’immenses affiches du NPA – “Le Pen à la Seine, Macron en prison. Riposte anticapitaliste” – ou de LO – “Contre la millionnaire d’extrême droite, contre le larbin de la banque. Le drapeau rouge des travailleurs” – donnent le ton : parmi eux, plusieurs personnes s’apprêtent à s’abstenir ou à voter blanc dimanche.
Une militante LO – pour rappel, Nathalie Arthaud, présente à la mobilisation, a annoncé qu’elle voterait blanc – explique ainsi que “non, Macron n’est pas un barrage à Le Pen : les deux sont dans le camp du patronat, il ne faut pas avoir d’illusions sur eux”. Des syndicats tiennent le même discours, comme Solidaires étudiants de Paris III, ou encore des manifestants, à l’instar de Thomas, qui ne sont affiliés à aucune organisation : “Je compte m’abstenir avec force. J’ai manifesté contre la loi Travail, je ne vais pas voter pour le mec qui s’apprête à encore plus casser le Code du travail.” Xavier Mathieu, délégué syndical CGT, appelle lui aux côtés de Jean-Luc Mélenchon à « virer la bête immonde » dimanche :
Xavier Mathieu aux côtés de Mélenchon : "On a jusqu'à dimanche pour virer la bête immonde et à partir de lundi on vire le banquier" #1erMai pic.twitter.com/zOp6pkTY3z
— Mathieu Dejean (@Mathieu2jean) May 1, 2017
Idem du côté du PCF, comme nous le raconte son secrétaire national Pierre Laurent derrière une banderole disant “Le 7 mai, on combat Le Pen, dès le 8 mai, on combat Macron” : “On va mettre un bulletin Macron, car il servira à battre Le Pen, pas par adhésion. Tout en étant absolument contre sa politique, et en la combattant par la suite, je crois que le danger que constituerait une accession de Marine Le Pen à l’Elysée est banalisé, sous-estimé.”
Le cortège et toutes ses composantes arrive à Bastille – où plusieurs débordements ont eu lieu, en marge du rassemblement syndical, quelques minutes plus tôt –, certains continuent jusqu’à Nation. Sur le chemin du retour, une dame nous offre gentiment une rose. Elle n’est pas bleu marine.
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