De la weed pour financer l’éducation ? C’est le pari lancé par le Colorado. La vente de cannabis y est légale depuis le 1er janvier 2014 et supportera une taxe qui devrait rapporter plus de 27 millions de dollars, destinée à l’enseignement public.
Depuis le 1er janvier, le Colorado est le premier État américain – avec celui de Washington – à légaliser l’usage récréatif de la marijuana. « Ça fait dix ans qu’on mène une campagne pour légaliser cette drogue douce dans État », explique Brian Vincente, avocat et initiateur du referendum en faveur de la légalisation du cannabis. « L’usage thérapeutique étant déjà légal depuis l’an 2000 les citoyens ont compris qu’il n’y avait plus qu’un petit pas en plus à faire » ajoute l’avocat de Denver.
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En 2007, une décision de justice lève la limite fixée à cinq patients par fournisseur. Une cannabiculture explose alors, une sorte de ruée vers l’or vert. Des cultivateurs et autres professionnels de l’herbe ont afflué de tout le pays, séduits par la perspective de pouvoir exercer leur métier sans craindre d’être arrêtés. Le Colorado devient un havre de paix pour les cultivateurs. Sur le bord de la Platte River, dans les montagnes Rocheuses, se trouve « la plus forte concentration de marijuana de la planète », selon le magazine américain Rolling Stone. Soit un vaste entrepôt de cannabis de 250 producteurs. Ces agriculteurs d’un nouveau genre font pousser la feuille verte en toute légalité. Depuis 2000 cette culture se trouve « encadrée par l’amendement 64 de la Constitution locale. C’est un texte qui tire un trait sur la prohibition et autorise les particuliers à cultiver six plants pour leur consommation individuelle », souligne Brian Vincente.
« Le cannabis sera traité de la même manière que l’alcool ou la cigarette »
Les choses ont changé depuis le 1er janvier : « Un groupe de réflexion s’est réuni autour de ce fameux amendement 64 afin de faire face à la légalisation de la marijuana » note l’avocat. 55% avait voté en faveur de cette légalisation, lors d’un référendum tenu en novembre 2012. Il a ainsi été prévu que les villes puissent refuser l’ouverture de commerces de marijuana. Washington a posé des conditions, comme l’assurance que les mineurs n’auront pas accès à la drogue et à ses dérivés, et l’interdiction de publicité. « Le cannabis sera traité de la même manière que l’alcool ou la cigarette dans l’Etat » précise Vincente.
Ainsi, la vente sera autorisée à toute personne âgée de 21 ans au moins, dans des commerces spécialisés, pour une quantité limitée. Dans un premier temps, seuls les dispensaires auront le droit d’ouvrir un local distinct pour la vente « récréative », s’approvisionnant auprès des producteurs locaux. « Quant à la consommation, elle est, comme le tabac, interdite dans les lieux publics. Le transport de cette marchandise hors de l’État aussi », poursuit Brian Vincente.
Une taxe pour alimenter les caisses de l’Etat
Alors que l’État fédéral américain continue d’interdire la fumette, beaucoup d’électeurs du Colorado se sont dit que cette légalisation permettrait d’alimenter les caisses de l’État plutôt que celles du crime organisé. « Lors du référendum, on leur a proposé : soit une partie de l’argent va à des aides à la désintoxication, soit elle aide à améliorer le système éducatif du Colorado. C’est la deuxième option qui a été choisie par la majorité des électeurs », se félicite l’initiateur du mouvement qui poursuit :
« La vente de cannabis sera taxée à 25%. Une partie sera consacrée à des campagnes de prévention contre la drogue. Et la deuxième, soit 15% de ce qui s’applique sur le prix total et devrait rapporter au moins 27,5 millions de dollars (20,3 millions d’euros) annuels pour la construction des écoles publiques du Colorado. »
La mesure séduit les électeurs. Surtout que l’industrie du cannabis a rapporté, pour l’année fiscale 2011-2012, 5,4 millions de dollars (4,16 millions d’euros) de taxes à l’Etat du Colorado, pour un chiffre d’affaires de 186 millions de dollars. Les électeurs espèrent tirer encore davantage de la légalisation afin de financer le secteur de l’éducation, malmené par la crise budgétaire.
« Ce qui débute au Colorado ne s’arrête pas au Colorado »
Selon la dernière enquête du Pew Research Center, 52 % de la population (contre 41 % en 2010) est désormais favorable à la légalisation du cannabis. Ainsi le pari du Colorado et de l’État de Washington est observé de près.
« Si l’expérience marche, j’espère que les autres États américains feront de même. Ce qui débute au Colorado ne s’arrête pas au Colorado » s’exclame Brian Vincente. « Aux États-Unis qui n’a pas déjà fumé ? Les jeunes le disent, il est facile de trouver des dealers de cannabis. Alors, au lieu de les faire acheter au coin d’une rue ou dans un parc, vaut mieux qu’ils aillent dans des endroits contrôlés. Une telle démarche les protégerait »
Ce partisan de la légalisation met ainsi en avant l’argument de la sécurité après celui du financement de l’éducation. Et surtout, un moyen de couper l’herbe sous le pied des cartels et trafiquants.
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