En déplacement ce jeudi 9 avril à Nantes et Saint-Nazaire, la ministre de la Justice Christiane Taubira, star américaine de la majorité, est venue soutenir un PS résistant mais fragile. Les élections régionales sont déjà là.
Une ministre de la Justice en visite officielle, ça trompe énormément. Christiane Taubira n’est pas qu’une femme de culture, « américaine » émue du décès de Bobby Womack sur Twitter, qui récite le poète Aimé Césaire, ou invoque Langston Hugues, phare de la « Harlem Renaissance » à Saint-Nazaire lors de sa visite du 9 avril 2015. La ministre est aussi une femme de dossiers, capable de dégainer ses chiffres sans fiches. Et qui entend marquer des points face au bilan de la majorité de Nicolas Sarkozy. Avec l’approbation silencieuse de son « sparring-partner », le désormais député Jean-Marc Ayrault, qui l’accueillait à Nantes en personne, tel l’éléphant de la compagnie Royal de Luxe.
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Avec @jeanmarcayrault, visite du Tribunal de grande instance de Nantes pic.twitter.com/3VdkzGXB46
— Christiane Taubira (@ChTaubira) 9 Avril 2015
« Les tribunaux sont en situation générale de sous-effectifs car les départs en retraite, 1400 pour le quinquennat, n’ont pas été anticipés sous la mandature précédente », affirme la garde des Sceaux. « Grâce à la politique de Jean-Marc Ayrault, nous faisons la différence avec 300 postes en train d’être crées. » Des moyens humains qui tombent à pic car le feu menace sur le terrain. Ici, à deux pas du monumental Tribunal de Grande Instance à l’architecture de centre d’art contemporain, un travailleur social a été assassiné à deux jours du premier tour des élections départementales. De plusieurs coups de couteau dans la gorge. Parce qu’un père était en train de se voir retirer la garde de sa fille. Atterrissage brutal révélateur de la détérioration de la situation économique et sociale.
Le PS sonne la cavalerie
Pour autant, le PS résiste mieux qu’ailleurs en Loire-Atlantique, même si Philippe Grosvalet a failli ne plus être président du département. L’heure est à la mobilisation, à sonner la cavalerie. Avec, outre la visite de Christiane Taubira, la venue le même jour de la ministre de l’éducation nationale Najat Vallaud-Belkacem, du ministre des sports Patrick Kanner et de Myriam El Khomri, secrétaire d’Etat chargée de la Politique de la ville. Les régionales de décembre 2015 s’annoncent en effet à haut risque si on en croit un observateur nantais : « La majorité PS est privée de la dynamique ascensionnelle d’Ayrault, qui a longtemps permis à la région d’être un bastion. Mais si les Pays-de-la-Loire rebasculent à droite, les différences seront finalement assez minimes, surtout d’un point de vue économique. »
Une perspective réjouissante pour les lobbys pro Notre-Dame-des-Landes – les rues nantaises connaissent d’ailleurs un afflux très net d’autocollants bleutés « Des Ailes pour l’Ouest ». En attendant le top départ de travaux aéroportuaires ou un remaniement dont la date a été imposée à Manuel Valls par le président de la République selon le Canard Enchaîné du 1er avril 2015, Christiane Taubira demeure un atout maître pour François Hollande.
Grâce à son sens du contact, son charisme ou même par l’affichage de ses convictions discordantes, pas toujours alignées sur le « pragmatisme » de Manuel Valls. Mais Christiane Taubira sera bien présente sur les bancs de l’Assemblée nationale lors de l’examen de la controversée nouvelle loi sur le renseignement la semaine prochaine. « Elle veut défendre le contrôle juridictionnel par le conseil d’Etat ainsi que la question extrêmement importante du renseignement en milieu pénitentiaire », indique-t-on au ministère de la Justice.
Leçon d’histoire
Le sens politique de cette reine mère de la gauche gouvernementale, la même qui fit trébucher Lionel Jospin en 2002, se résume à sa façon de boxer ses adversaires sans les nommer. Même à Saint-Nazaire, qui compte désormais trois conseillers municipaux FN, où ce parti a défié le PS au second tour des départementales et fini à 31,68 %. « Les coups ne me dérangent pas car je sais les rendre et quand je le fais en général, c’est pour qu’on me laisse tranquille définitivement », met au point la ministre.
Echanges avec les élèves du collège Jean Moulin de Saint-Nazaire labellisé « Collège sans racisme » @LeoLagrange pic.twitter.com/ldGelfzM4Q — Christiane Taubira (@ChTaubira) 9 Avril 2015
Avec au passage une petite leçon d’histoire devant son auditoire de collégiens et de nerveux de la sécu à oreillettes : « Le racisme est une conception élaborée pour justifier un système économique, ancré dans l’histoire de la traite négrière et de l’esclavage. » Manière de rappeler à la République mais aussi surtout à l’électorat de gauche ses fondamentaux.
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