Près de 2,8 millions de personnes sont au chômage en France. Les premières victimes restent les jeunes de 15 à 24 ans qui ont connu une hausse de 0,8 points sur un an. Le chômage touche 22,7% de cette catégorie, soit 634.000 personnes. Un chiffre jamais atteint depuis 1999.
Didier Demazière est sociologue, spécialisé dans l’étude du chômage. Chercheur au Centre de Sociologie des Organisations du CNRS, il a publié de nombreux ouvrages dans ce domaine dont la Sociologie des chômeurs, aux éditions La Découverte (2006).
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Un rapport de l’INSEE montre qu’en France un jeune de moins de 25 ans sur quatre est au chômage. C’est inquiétant ?
En réalité, ce n’est pas un jeune sur quatre mais un sur quatre jeunes actifs. Ce n’est pas un taux de chômage classique puisque tous les jeunes qui sont en formation ne sont pas comptés dans ce calcul. On comptabilise de ce fait les 15/24 ans les moins formés, ceux qui ont quitté l’école le plus tôt. Les sans diplômes sur le marché du travail ont un chômage bien plus élevé que les Bac+2 ou plus. (38% pour les non-diplômés contre 14,5% pour les autres). Le sur-chômage des jeunes est un phénomène structurel ancien. En 1975, le taux de chômage des jeunes était déjà le double du taux de chômage moyen (7,3% pour les 15/24 ans contre 3,7% pour le taux moyen). Les populations qui entrent sur le marché du travail ont des difficultés accrues pour s’insérer de celles qui y sont déjà sur le marché. Principalement parce qu’elles n’ont pas d’expérience professionnelle.
Justement, pourquoi y-a t-il autant de difficultés d’insertion professionnelle chez les jeunes ?
Les politiques publiques cherchent depuis 1978 à améliorer l’insertion professionnelle. Cela fait 35 ans que le problème du chômage des jeunes est identifié et qu’on essaye de le résorber sans vraiment de succès. Avec des disparités très grandes en fonction du diplôme (plus on est diplômé, plus le chômage est faible). Certaines filières de formation protègent mieux du chômage que d’autres, car elles sont mieux articulées avec les entreprises. L’apprentissage par exemple est une filière qui améliore l’accès à l’emploi. De la même manière, les filières techniques (bac technique, BTS, DUT) avec des niveaux relativement élevées protègent plus même que bons nombres de niveaux universitaires. Le taux de chômage des jeunes diplômés à BAC+3, 4 ou 5 est plus élevé qu’à BAC+2 (+1,5 point).
Les « emplois d’avenir » devraient permettre à 150 000 jeunes résidant dans des zones urbaines sensibles, des zones de revitalisation rurales ou habitant dans l’outre-mer de trouver un emploi. C’est réalisable ?
Ces emplois d’avenir offrent des emplois ciblés sur les catégories de jeunes qui sont les plus durement touchés par le chômage. Il y a des inégalités territoriales du chômage. Les taux de chômage dans les zones dites « sensibles » ou « rurales » sont beaucoup plus élevées qu’ailleurs. Donc cibler sur les jeunes de ces quartiers, c’est cibler les catégories qui sont vraiment très fortement touchées par le chômage. Dans la mesure ou une partie de ces jeunes sont aussi victimes de discriminations, c’est positif.
La question qui va se poser, à terme, c’est que se passe-t-il à la fin de ces contrats? Tout va dépendre de la façon dont cela va être mis en œuvre.
De la même manière, que pensez-vous des « contrats de génération » que le gouvernement souhaite mettre en place -contrats qui devraient aider 500 000 jeunes à trouver un emploi- ?
Le contrat de génération est encore un peu flou dans la forme. Aujourd’hui, le fossé entre les jeunes et les entreprises s’est creusé. L’image que les entreprises ont des jeunes n’est pas très bonne et vice-versa. C’est une mesure emblématique d’essayer de résoudre le divorce qu’il y a entre les jeunes et les entreprises. Ces formules là ne vont pas résoudre le problème de manière quantitative. Elles vont permettre d’avancer au niveau qualitatif et symbolique (dans le sens d’un symbole fort). Toutes les générations doivent trouver leur place sur le marché du travail. C’est le discours politique qui doit être tenu. Les partenaires sociaux doivent aussi s’impliquer et être impliqués dans cet enjeu là.
On parle de génération Y, les jeunes nés dans les années 1980 à 2000. Une génération condamnée aux emplois précaires, à l’intérim ou aux CDD ?
Parler du chômage des jeunes, c’est une chose mais il y a aussi la question de la qualité de l’emploi des jeunes. Les emplois auxquels les jeunes accèdent sont massivement des emplois à durée déterminée et ce n’est pas forcement un emploi en correspondance avec le diplôme obtenu. Il y a quand même un problème macro-économique qui est que tant que les emplois ne se créent pas de façon importante, le sur-chômage et la sur-précarité des jeunes va perdurer. Ce qu’il faut résoudre principalement, ce sont les problèmes structurels. Comment mieux articuler les jeunes et l’emploi, les filières de formation et le monde du travail. Que la conjoncture soit bonne ou mauvaise, ce travail là doit être fait.
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