Pour la cinquième édition d’ »Un livre, un café », organisé par la mairie du VIe arrondissement de Paris, plusieurs politiques sont venus dédicacer, hier, leur dernier livre. Parmi eux, Jacques Chirac et Lionel Jospin. Huit ans après la fin de la cohabitation, la tension est toujours palpable entre les deux hommes.
Tout devait pourtant bien se passer pour cette cinquième édition d’« Un livre, un café ». Le principe est simple: cinq hommes et femmes politiques et autant de journalistes sont invités par la mairie du VIe arrondissement à dédicacer leur dernier livre dans un café de Saint-Germain.
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Jean Lassalle, proche de François Bayrou, est au café les Editeurs, Christine Boutin au Mabillon, Hubert Védrine aux Deux Magots. Jacques Chirac – « fidèle client de la Rhumerie« , comme le reconnaît le patron – a naturellement choisi ce bar situé boulevard Saint-Germain des Prés. Quant à Lionel Jospin, il s’est installé à moins de cinq cents mètres, à la Brasserie Lipp.
Querelle à fleurets mouchetés
Pourtant, la confrontation littéraire s’est rapidement transformée en querelle à fleurets mouchetés, le tout par médias interposés, entre l’ex-Président et son ancien Premier ministre.
Alors que Jacques Chirac reçoit un accueil en grande pompe au milieu d’une cinquantaine de badauds et autant de journalistes, Lionel Jospin passe plus incognito. Une petite dizaine de lecteurs sont venus se faire dédicacer son dernier ouvrage, Lionel raconte Jospin.
Dès lors, devant l’arrivée de quelques journalistes, et bien que son officier de sécurité précise d’emblée aux intéressés qu’il n’y aura « pas d’interview », Lionel Jospin s’empresse de répondre aux questions :
« La brasserie Lipp m’a choisi, je n’ai pas pu refuser, d’autant plus que six mois après sa sortie, mon livre continue à vivre. Chirac ? Oui je sais qu’il est là, mais je ne l’ai pas vu. Même notre cohabitation était moins distante. »
Le ton est donné, d’où la question des journalistes: « Avez-vous lu le livre de Jacques Chirac? » Réponse, tout sourire, de Lionel Jospin, sûr de son effet :
« Je lis en général les livres écrits par leurs auteurs plutôt que ceux écrits par d’autres. »
Pas la peine, donc, d’attendre que l’ancien Premier ministre aille se faire dédicacer le premier tome des mémoires de Jacques Chirac, Chaque pas doit être un but.
Jacques Chirac, un homme agacé
Retour à la Rhumerie. Devant le café, la queue ne cesse de s’allonger, et les touristes s’agglutinent, le nez collé aux vitres, pour tenter d’apercevoir l’ex-Président. Jacques Chirac enchaîne les dédicaces. Pour tous, le même petit mot, « Amitiés », suivi de sa signature. Interpellé sur le dernier livre de Lionel Jospin, Jacques Chirac se prête d’abord au jeu.
« Le livre de Lionel Jospin est un excellent livre. »
Une réponse des plus aimables, donc, jusqu’à ce que la petite phrase assassine de son ancien Premier ministre ne lui revienne aux oreilles. D’un coup, l’animal politique Jacques Chirac se redresse et lance, visiblement agacé :
« Comment ? Qu’est-ce que vous dites ? Dites-lui bien mes cordiales amitiés, et qu’il n’affirme que ce dont il est certain. »
Christine Boutin tente d’attirer au moins un lecteur
Décidément, la rancoeur est tenace et le climat toujours tendu entre les deux hommes, huit ans après la fin de la cohabitation. De peur que l’ex-Président enchaîne, son entourage écarte fermement les journalistes : « Bon, ça suffit là. »
Vérification faite, sur le livre de l’ancien locataire de l’Elysée a été mentionné à sa demande : « Jacques Chirac, en collaboration avec Jean-Luc Barré ». Jusqu’à ces mémoires, les hommes politiques signaient leur livre de leur seul nom. Dès lors, l’historien qui a été associé à ce travail ne s’en cache pas. En janvier 2009, Jean-Luc Barré racontait, à La Dépêche, sa manière de travailler avec l’ancien chef de l’Etat :
« Nous nous voyons en tête-à-tête, dans ses bureaux de la rue de Lille, deux ou trois matinées par semaine. Nous travaillons sous forme d’entretiens que je retranscris ensuite pour en faire un récit. »
Ce dimanche 6 juin, dans un climat alourdi pas la chaleur, Jacques Chirac se replonge dans les dédicaces. Et profite d’un moment de va-et-vient entre deux lecteurs pour boire une grosse gorgée de piña colada dans le verre de sa voisine. Dans la rue, devant la Rhumerie, les curieux sont toujours aussi nombreux. « Aaaahhh ! C’est Jacques Chirac ! »
A vingt mètres de là, Christine Boutin tente, tant bien que mal, de faire venir à elle au moins un lecteur. « Venez monsieur, ça me ferait plaisir de vous serrer la main. »
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