Libérée de certains codes figés de la presse féminine, la revue “Chic Fille” invente un ton élégant et inspirant pour dialoguer avec des femmes “que l’on ne voit pas souvent ailleurs”.
A l’image du paysage des revues politiques, renouvelé par des mooks en pagaille, la presse féminine élargit à son tour le spectre de ses préoccupations avec des revues autant éloignées de ses codes établis qu’inspirées de son vieux tropisme éditorial. La revue Chic Fille, qui vient de sortir son deuxième numéro, forme un symptôme accompli de cette nouvelle manière de faire de la parole féminine le cadre à la fois central et décalé de ses écrits.
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Pétrie d’un sens amusé de la nostalgie pour un temps où le féminisme s’inventait, servie par une maquette aérée et tenue de Mateo Baronnet, Chic Fille se penche sur une figure féminine emblématique de la génération des années 70-80, Claire Bretécher. Après s’être intéressée à Françoise Sagan et Jean Seberg dans son premier numéro, on perçoit ici la trace d’un modèle proche de son cousin Schnock (ah, les années 70, boîte à souvenirs et fantasmes). Des proches et admirateurs de la dessinatrice et créatrice des Frustrés et d’Agrippine – Vuillemin, Pétillon, Riad Sattouf, Blutch, Coco, Sempé… – ont été interrogés par une célèbre figure de la presse féminine, Anne Chabrol, créatrice du premier Glamour.
Pilotée par une nouvelle génération de journalistes – Valentine Faure, rédactrice en chef, Sonia Desprez, Raphaëlle Elkrief, Laurence Lemaire, Philothée Gaymard… –, Chic Fille n’use pas pour autant la corde factice du passé. Ancrée dans son époque, elle porte simplement sur le monde un regard historicisé, ciselé, frontal, libéré de tout passéisme conservateur et de toute obsession cosmétique.
Des femmes qui, en plus d’être cool, sont profondément « chic »
Libre dans ses choix éditoriaux, qu’aucune actualité ne conditionne, la revue ne se fonde que sur sa curiosité pour des femmes “que l’on ne voit pas souvent ailleurs”, qui, en plus d’être cool, sont profondément “chic”. C’est-à-dire beaucoup plus que stylées, lookées ou dans l’air du temps : juste captivantes par leurs savoirs et leurs expériences.
En attestent trois entretiens passionnants, avec l’ancienne journaliste de Libération Patricia Tourancheau, spécialisée dans les affaires de police et les faits divers (gang des postiches, Guy Georges…), avec l’ex-journaliste de LCI Hélène Devynck, qui livre quelques confessions personnelles sur sa vie partagée avec l’écrivain Emmanuel Carrère, et enfin avec une figure ambivalente du féminisme, Camille Paglia, détestée par beaucoup et adulée par d’autres (Virginie Despentes la salue dans King Kong Théorie).
Un portrait de Pascale Ogier, une histoire de la presse érotique féminine et du 3615 Ulla, une analyse des femmes vengeresses au cinéma donnent aussi le ton d’une revue inspirée et aspirée par l’effet de surprise, où rien n’est attendu mais où tout est reçu.
Chic Fille (éditions Rue Fromentin), en librairie, 12 €
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