Fashionista Magazine l’a élu « blogueuse de mode la plus influente au monde ». L’italienne a plus de trois millions de followers sur instagram, presque autant qu’Obama. Pourtant elle gagne seize fois son salaire. Son métier ? Etre belle. Portrait de celle qui incarne la quintessence d’un phénomène.
Deux ans après sa création, son blog « The Blond Salad » recevait 1 million de visite unique par mois. Chacun de ses posts sur Instagram récolte des dizaines, si ce n’est des centaines de milliers de like de la part de ses trois millions de followers. A 27 ans, Chiara Ferragni a déjà collaboré avec Guess, Dior, Mango et fait partie du jury du prix des jeunes designers de la fondation LVMH. Elle a été consacrée au début du mois de février comme la blogueuse mode la plus influente au monde par le magazine Fashionista. Son talent ? Un vrai sens du style et beaucoup d’instinct. Mais surtout, la capacité à mettre en scène une vie parfaite, qui n’est que mode, fun et luxe. Son influence est telle qu’un groupe de chercheurs à Harvard a publié une étude de cas sur ce qu’elle représente.
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Here I am
« Ceci est le premier blog indépendant créé pour répondre à un besoin individuel de communication et de personnalisation […] il s’appelle la salade blonde parce qu’il réunira tous les ingrédients qui m’ont toujours caractérisé : la mode, la photographie, les voyages et le life style. »
Ainsi commençait en 2009, avec ce premier post, l’aventure de Chiara Ferragni sur le web. Cette même année, le nombre d’utilisateurs de Facebook passe de 150 à 350 millions, marquant le véritable essor des réseaux sociaux. La jeune fille, elle, est déjà lassée de Flickr et consorts. A l’époque où la majorité des gens commence seulement à leur accorder un réel intérêt, elle veut son propre espace sur la toile.
A 21 ans, elle fait ainsi partie des premières à publier des photos d’elle, s’érigeant trendsetteuse autodidacte, à l’image de Garance Doré, la française qui dirige aujourd’hui un véritable empire. Il faut dire que l’étudiante en droit originaire de Crémone, (une ville moyenne du nord de l’Italie où est né le Stradivarius) s’est installée à Milan, capitale italienne de la mode. Physique ravageur, flair incontestable et sens du marketing inné : le mélange fait boum. En 2011, le mariage d’un slim orange électrique, d’un sac fuchsia et d’une paire de talons bleus flashy lui vaut d’être citée dans New York magazine comme étant « une des nouvelles sensations du street style sur le web« . La même année c’est Teen Vogue qui l’encense : « une ballade sur son blog est aussi tentante que du lèche vitrine sur Madison Avenue. Le glamour de The Blonde Salad en fera votre nouveau blog préféré, si ce n’est pas déjà le cas. » Elle y poste entre deux photos d’elle ses inspirations du jour, pub vintage, clichés de David Lachapelle et de Lana del Rey.
Les créateurs et les grandes maisons de la mode ne s’y trompent pas. Steve Madden s’est associé à elle sur une collection capsule de chaussures pour le printemps 2014, et toutes les marques se l’arrachent pour des « collaborations ». Aujourd’hui elle fait partie des blogueuses qui n’ont plus besoin de dénicher elles même la « pièce maîtresse », « l’indémodable » ou « la perle rare » à recommander à leur communauté. Elle reçoit des dizaines de paquets contenant des « cadeaux » et se fait shooter par le photographe officiel de Nike pour présenter leur dernière ligne de sportswear féminin. Une seule photo postée sur Instagram peut apparemment lui rapporter 5000 euros. Elle culmine à 2042 posts sur The blonde Salad, plus de 11 000 photos publiées sur Instagram (au minimum 6 par jour) et 9 millions de dollars de profit estimé pour cette année.
Business Woman
Le blog de l’italienne s’est maintenant transformé en une compagnie à part entière. Il est d’abord devenu un véritable site, sur lequel dix personnes travaillent à temps complet. Puis, un livre publié par Mondadori en 2013, ce qui a bien sûr été prétexte à un shooting photo où on la voit avec son propre ouvrage dans les mains. Nul besoin pour la maison d’édition de dépenser des milliers en marketing, elle gère sa publicité elle-même. Son business modèle est un étrange entrelacement de sa vie privée et publique. Son ex, Riccardo Pozzoli, avec qui elle a passé plusieurs années, est son manager. Elle emploie aussi son copain actuel, Andrew Arthur, en tant que photographe (une tendance récurrente de la profession ndlr) et en tant que modèle. Des clichés mettant en scène leur complicité viennent régulièrement agrémenter son fil Instagram.
Chiara vit aujourd’hui à Los Angeles avec lui, quand elle n’est pas dans un avion, entre deux fashion week. « The blond salad never stops » assène-t-elle régulièrement sur les réseaux sociaux. Pas de vacances pour les blogueuses. Et oui, qui suscitera un désir irrépressible d’avoir tel ou tel bijou pour Noël si Chiara ne publie pas une photo d’elle le portant avec grâce dans un chalet cosy ? Pour elle comme Garance Doré et les autres, la frontière entre la vie et leur blog est floue. Paradoxe ultime : on a l’impression de tout savoir, quand, en réalité tout est verrouillé.
Lorsque Chiara montre son amour pour sa mère en se baladant toutes les deux en total look Vuitton dans les rues de Milan, on pourrait s’y croire avec elles. Même chose quand elle part en vacances à Venise et qu’elle passe un moment merveilleux en robe Diesel sur la jetée proche de la place Saint Marc. On en oublierait presque qu’un photographe et son assistant sont sur ses talons pour obtenir les clichés d’une qualité optimale. Des clichés sans lesquels elle ne pourrait maintenir l’intérêt de ses followers, et garder la confiance de ses sponsors. Pas facile d’être parmi les blogueuses modes les plus influentes du web. Il n’empêche, quand Canal + se moque de ces filles d’aujourd’hui, le mélange d’envie et d’agacement qu’elles suscitent arrache au public un rire moqueur.
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