Dans le XVIIIe arrondissement de Paris, des employés Tati se sont mobilisés pour exprimer leur inquiétude jeudi 4 mai. Même si plusieurs repreneurs se sont manifestés, ils craignent que nombre d’entre eux restent sur le carreau.
La moiteur et la grisaille inondent le quartier populaire de Barbès, dans le XVIIIe arrondissement de Paris. Le ciel bas et les mines renfrognées des salariés ont tout d’un automne pluvieux. Pourtant, c’est bien un 4 mai que qu’une quarantaine d’employés de l’enseigne Tati ont décidé de se retrouver pour manifester leur inquiétude.
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La filiale du groupe Eram (qui comprend aussi Fabio Lucci, Gigastore et Dégrif’Mania) emploie au total 1 753 employés, dont 1 314 chez Tati. Depuis vendredi dernier, l’enseigne est en cessation de paiement. « Ce n’est pas une faillite à la Vivarte, Tati n’est pas exsangue, explique le groupe Eram. Nous avons désormais sept repreneurs qui proposent de sauver deux tiers des salariés à la première vague. Il est probable qu’à la deuxième et à la troisième d’autres soient repris. » Soit presque 900 emplois, si le repreneur qui s’est annoncé prêt à garder deux tiers des effectifs et négocier avec les salariés tient ses promesses. Toutes les propositions ne concernent que des reprises partielles.
« Nous aimerions simplement être mis au courant »
La petite troupe s’agite. La cinquantaine d’employés présents n’a pas l’habitude de manifester. Soudés, ils s’échangent des sourires, des inquiétudes, répondent à la horde de journalistes. Karma travaille depuis vingt-quatre ans dans le magasin historique de Barbès. Vendeuse au rayon lingerie, c’est la première fois qu’elle se mobilise: « J’ai peur pour mon emploi, cela représente tout pour moi. » Des délégués syndicaux des commerces alentours, comme ceux des commerces alentours ont rejoint le cortège.
Pour le moment, les salariés sont dans le flou. Ils n’ont toujours pas été payés et devraient l’être en fin de semaine prochaine. Matthieu, tatouages sur le cou et longue barbe rousse travaille depuis dix ans au magasin de Barbès. Il s’inquiète : « J’ai un crédit sur le dos et une famille à nourrir. Mes prélèvement de début de mois ne passeront pas. J’ai essayé de regarder quelles formations je pourrais faire pour rebondir, mais c’est très difficile d’entreprendre tout cela sans savoir où je vais. »
Toutes les avancées du dossier, les employés de Tati les ont apprises dans la presse. Au micro, Nicole Coger, déléguée syndicale nationale de Tati réclame plus de transparence de la part du groupe Eram.
« Nous savons qu’il y aura des licenciements. Cela fait trois mois que nous attendons des réponses, nous voulons juste connaître le nombre de salariés qui seront licenciés. Nous avons appris dans la presse qu’il y avait un repreneur intéressé de rencontrer les salariés. »
Des menaces de la direction
La déléguée syndicale travaille depuis vingt-huit ans dans les rayons de Tati. Cette ancienneté ne lui donnera droit qu’à 10 000 euros de prime de départ: « Je ne pourrai pas vivre avec cela. Personne ne pourra survivre sans emploi. Nous nous battrons pour que ceux qui partent puissent le faire dans des conditions dignes. »
A ses côtés, sa collègue Hakima Djellouah espère que la proposition de Gifi l’emportera: « Nous pourrions conserver les enseignes, notre comité d’entreprise et le siège de Tati. Nous avons aussi engagé un avocat pour qu’il accompagne les salariés qui ne seraient pas repris. Nous voulons qu’ils aient la garantie de partir avec une formation et des indemnités plus importantes. »
Hakima Djellouah regrette que ses collègues de l’antenne de Stains, en Seine-Saint-Denis ne l’aient pas suivie: « Il y a eu des menaces de la part de la direction. Ils nous ont dit qu’il allait y avoir des visites, mais je suis certaine qu’ils ne les feront pas, que c’était de la dissuasion. »
« On aimerait bien que M. Macron vienne nous voir »
Devant l’entrée du magasin, les élus locaux prennent la parole. Ian Brossat (adjoint à la mairie de Paris et ancien élu du XVIIIe arrondissement), Philippe Poutou, des élus parisiens et Caroline De Haas, candidate aux législatives pour la circonscription, sont là pour apporter leur soutien aux salariés.
L’adversaire de la ministre du Travail Myriam El Khomri (elle se présente aussi dans le XVIIIe arrondissement) souligne la dimension symbolique de l’affaire: « Il y a un double dispositif qui met en danger les salariés. La première, c’est la simplification de la procédure induite par la loi Macron. La seconde, la loi El Khomri qui facilite les licenciements en cas de reprise d’une entreprise. »
Sur le côté, un groupe de quatre employés scrute les allocutions des délégués syndicaux et personnalités politiques. Myriam, Hakim, Mohammed et Aminata ont commencé chez Tati il y a quatorze ans. « On aimerait bien que M. Macron vienne, comme il l’a fait pour les ouvriers de Whirlpool », regrette Hakim. « Et M. Hollande aussi, il est toujours là », renchérit Myriam.
Et Mme Le Pen? « Non ça ira. Si Macron vient, ça nous suffira », répondent-ils en choeur, sourire aux lèvres. Une audience au tribunal de commerce pour décider des repreneurs aura lieu le 29 mai prochain.
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