Faut-il vraiment se réjouir de l’arrivée d’une nouvelle année quand le pire n’est jamais sûr ?
Autant te prévenir tout de suite, ma grosse, tes vœux tu peux te les carrer dans l’os. 2015 est venue éteindre à jamais l’envie des rituelles embrassades du nouvel an, quand certains de ceux que l’on étreignait alors n’ont même pas connu février, tandis que d’autres ne verraient jamais Noël.
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Une pleine année de larmes, de sang, d’effroi et de chaos, d’hébétude et de révolte impuissante. Une belle année de merde, pour résumer. Anus horribilis. Je ne suis pas certain que tu puisses faire pire, mais l’impossible n’est malheureusement jamais prévisible. A peine peut-on se résoudre à espérer que la longue marche funèbre des douze derniers mois laisse à nouveau place à ces routines qu’autrefois nous avions la légèreté de croire innocentes.
Boire des coups, aller à des concerts de rock, dessiner ou écrire des trucs qui ne plaisent pas forcément à tout le monde. Vœux pieux ? C’est, par les temps qui courent, les seuls que l’on a le cœur à (se) souhaiter. Mais allez, 2016, peut-être seras-tu l’année de la 16, celle qui recommencera à couler à flots sur les terrasses, ou l’année de l’ascèse, des précieuses quiétudes retrouvées, du zen et du plaisir, qui sait ?
Posture guerrière, patriotisme claironnant…
Des motifs de réjouissances, je sais que tu peux en apporter, à commencer par cette primaire de la droite que François Hollande est en passe de remporter haut la main. Posture guerrière, patriotisme claironnant, libéralisme décomplexé, déchéance de la nationalité : à force de couper l’herbe sous les talonnettes de Sarko, c’est bien en improbable héros de ceux qui le vomissaient hier que l’actuel président pourrait se réincarner.
Alors, la gauche en marmelade n’aura d’autre recours, dans un chassé-croisé cocasse et considérablement hallucinogène, que de s’en remettre à Christian Estrosi, le “Résistant” autoproclamé, quand il fera Paca partout en France.
Mais, répétons-le, le pire ayant été commis l’an dernier, tu ne pourras guère rivaliser avec la reformation de Téléphone, la décongélation de Philippe de Villiers, la vénération de Sardou et les reprises de Barbara par Bruel, ou alors il va falloir te surpasser, Deux-Mille-Seize.
Rester sous la couette ?
J’ai néanmoins quelques pistes pour toi, si ça t’intéresse. Gainsbourg ayant expiré sa dernière bouffée il y a vingt-cinq ans cette année, on frémit par avance des hommages à tête de chou qui pourraient sortir de terre – ou de l’imagination morbide des profanateurs de sépultures.
Pareil pour Mitterrand – vingt ans qu’il est passé des ortolans aux pissenlits, le vieux –, dont on va à coup sûr, de gauche à droite, s’arracher les derniers lambeaux. Rayon congélo, je mise sur un comeback fracassant d’Hélène et les garçons (la moitié est Charlie, l’autre lepéniste, branlée à la cafète de Pôle emploi), de Charles Millon et d’Herbert Léonard avec Julien Lepers au songwriting. Ça fait bien rêver tout ça, non ? T’as pas envie de rester sous la couette toi aussi, 2016 ? Et si, au contraire, tu nous réservais de la beauté, de l’effervescence, de la jouissance et des places au soleil ?
Allez, on s’embrasse quand même, on ne sera peut-être plus là l’année prochaine.
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